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[Récit] La guerre du silence

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[Récit] La guerre du silence - Page 2 Empty Re: [Récit] La guerre du silence

Message  Silwenne Aelfwine Sam 16 Avr - 19:04

Chapitre XXV


Dans la brume



Nathaniel ne s’accorda que quelques heures de sommeil avant de regagner le pont où son second l’attendait. La liste des avaries était alarmante, les dégâts considérables. Un des mats était brisé et les voiles des deux autres avaient énormément soufferts, n’ayant pas été affalées à temps. Mais, plus que tout cela, ce sont les quatorze matelots manquants à l’appel qui l’attristait. Dans ces conditions ils n’avaient d’autre solution que de faire des réparations de fortune afin de pouvoir gagner le port le plus proche, ce qui prendrait des jours. Il fallait bien se rendre à l’évidence : l’expédition était un désastre. Le capitaine ordonna à Ghalenn d’aller prendre du repos et commença à donner ses consignes, se donnant l’air confiant pour ne pas laisser paraître son abattement devant l’équipage.

* * *
Lorsque Ghalenn revint sur le pont il faisait nuit. Il fut frappé par le calme ambiant, un silence irréel, s’arrêtant net devant l’escalier qui descendait à la coursive menant aux cabines, bouchant le passage de sa masse imposante. Le navire était prit au milieu d’une brume si épaisse qu’on ne voyait pas à cinq coudées, sans le plus petit brin de vent, sur une mer d’huile où le bateau dérivait lentement. On eut dit que le bateau flottait dans les nuages. Peut-être étaient-ils arrivés au bord du monde sans le vouloir ? Il se dirigea vers la poupe où il espérait, à raison, trouver le capitaine. En chemin il devinait les silhouettes des matelots fixant l’insondable coton blanchâtre. Arrivé au coté du capitaine il suivit son regard qui tentait de percer la brume.

– Ca s’est levé d’un coup. En quelques minutes. Comme ça, pas le temps de dire ouf.
– Où sommes-nous, capitaine ?
– Comment le savoir ? Sans point de repère c’est impossible à dire, Ghalenn. Quelque part au large à l’Ouest de nos côtes. A peu prêt…
– Hé bien, nous voilà bien.
– Il faut attendre que la brume se lève, l’affaire de quelq…

Un raclement vint lui couper la parole, le bateau freinant brutalement. Ceux qui ne s’étaient pas accrochés furent projetés au sol : ils venaient de s’échouer. Les deux hommes se précipitèrent à la proue d’où ils se penchèrent par-dessus le bastingage, en vain, le brouillard était trop épais pour que l’on puisse distinguer quoi que ce soit. Le capitaine se redressa et dit à un jeune mousse qui était là :

– Mon garçon. Oui, toi !
– Cap’taine ?
– Je vais descendre voir sur quoi nous sommes arrivés. Prends quelqu’un avec toi et ramenez-moi une échelle de cordes.
– Tout d’suite, cap’taine, j’y vais !

Le ras détala et revint accompagné, quelques instants plus tard, les deux hommes portants une longue échelle enroulée. Ils la déposèrent au sol et une extrémité de l’échelle fut fixée à la rambarde par des crochets avant de la dérouler dans le vide. Avant de descendre le capitaine se tourna vers Ghalenn :

– Tu restes à bord au cas où il arriverait quelque chose. Si c’est une île, comme je le pense, nous pourrons sans doute trouver du bois et réparer. Si c'est un récif, hé bien...
– Entendu, capitaine.

Le capitaine passa de l’autre coté et s’enfonça lentement jusqu’à disparaître dans la blancheur cotonneuse, suivit de six hommes. Il posa le pied sur le sol une vingtaine d’échelons plus bas, se baissa et toucha la surface granuleuse et humide, égrainant une poignée entre ses doigts.

– Du sable… Une plage, dit-il en fronçant les sourcils.

Il fit signe aux hommes qui l’accompagnaient, armés d’espadons et de rapières, et ils avancèrent avec prudence. A mesure qu’ils s’éloignaient du rivage la brume se faisait moins dense et ils ne tardèrent pas à distinguer une forêt luxuriante faite de grands arbres d’une espèce voisine du séquoia mais qu’ils n’avaient encore jamais vus. Nathaniel constitua deux groupes de deux personnes qui partirent en reconnaissance, chacun d’un coté de la plage. Ils ne tardèrent pas à revenir, les deux formations relatant la même forme de croissant de la plage avec la forêt la bordant constamment. Il semblait que l’île se soulevait ensuite en pente douce. Mais le plus intéressant était que l’un des groupes avait aussi remarqué un sentier s’enfonçant dans la forêt.

– Bien, retournons au bateau prévenir les autres et attendre le jour. Nous reviendrons plus tard voir où cela nous mène…
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Message  Silwenne Aelfwine Dim 17 Avr - 11:40

Chapitre XXVI


Les trois sœurs



La brume s’était retirée un peu plus au large avec la nuit mais, elle était toujours présente. Devant leurs yeux s’étalait la forêt aux cimes semblants caresser les nuages. Avant de quitter le navire le capitaine avait ordonné de ne toucher à rien, pour commencer les réparations, avant son retour. Il pressentait quelque chose d’étrange émanant de l’île, la désagréable impression que quelque chose dans la forêt les observait, peut-être la forêt elle-même. Il trouvait cette idée saugrenue mais, sans savoir pourquoi, par prudence, sans doute, il préférât prendre ses précautions. Mieux valait trop de prudence que pas assez, pensait-il. Cette fois-ci il avait emmené son fidèle compagnon, Ghalenn, avec lui, en cas de coup dur. Ce n’était certes pas très recommandé de risquer de perdre les deux personnes les plus aptes à diriger les hommes mais il pensait que le danger, si danger il y avait, viendrait lors de cette incursion dans l’île. La présence de la montagne qu’était Ghalenn avec eux pouvait s’avérer décisif.

Lentement ils pénétrèrent dans la forêt en empruntant le sentier serpentant entre les arbres. Il y régnait une atmosphère légèrement humide très agréable, une odeur de sous-bois rassurante mêlée à celle de la mer qu’ils connaissaient bien. Au cours de leur avancée ils croisèrent quelques animaux sauvages qui ne s’enfuirent pas à leur approche, les regardant passer avec curiosité avant de s’en désintéresser. Ils se sentaient bien, en paix. Peut-être était-ce cela le paradis ? Après quelques minutes de marche le sentier déboucha sur une petite clairière de forme circulaire au milieu de laquelle trois femmes debout, vêtues de toges blanches faites d’une étoffe transparente, regardaient dans leur direction. Elles ne firent aucun geste en les voyants, elles semblaient les attendre, simplement.

Nathaniel murmura à ses hommes de ne pas se montrer hostiles tant que cela n’était pas nécessaire, et il commença à s’avancer vers les trois femmes, suivit immédiatement par Ghalenn puis du reste du groupe. La clairière était paisible, seuls le chant des oiseaux et le souffle du vent dans les arbres venaient troubler le silence. Derrière les femmes, le capitaine aperçut un petit autel de pierre gravé et sculpté. Il s’arrêta à trois mètres d’elles, ne sachant pas trop comment entamer le dialogue.

– Euh… Bonjour. Je suis Nathaniel Mathews, capitaine de la Marquise. Voici mon second, Ghalenn Lethen, et une petite partie de mon équipage. Nous nous sommes échoués…
– Si vous êtes arrivés jusqu’ici c’est que Mère l’a bien voulue, dit la femme au centre. Nous ne nous expliquons pas les raisons mais le fait est là. Mère sait ce qu’Elle fait.
– Mère ? Vous voulez dire… Mère Nature ?

La femme acquiesça. Il émanait d’elles une sérénité pieuse et apaisante hors du commun. La femme reprit :

– Vous pouvez l’appeler ainsi. Je suis Nata et voici mes sœurs Maïwenn et Silhound, nous sommes de Ses prêtresses.

Ils se saluèrent mutuellement d’un signe de tête respectueux, les hommes s’inclinant légèrement en avant.

– Puisque vous êtes ici, considérez-vous comme Ses invités, mais il vous faudra respecter certaines règles.
– Quelles sont-elles ?
– Mère vous accorde le repos et le temps de réparer votre embarcation avant de repartir mais vous ne devrez toucher à aucun arbre, aucune faune ou flore de cette île, dit Maïwenn.
– Sans bois nous aurons du mal à réparer notre bateau, fit le perspicace Ghalenn.
– Nous vous fournirons le bois dont vous aurez besoin.
– Bien, dit Nathaniel en hochant la tête.
– Vous et Sire Lethen pourrez habiter sur l’île si vous le désirez mais le reste de votre équipage devra rester sur votre bateau, dit Silhound d'une voix comme un murmure.
– C’est un honneur que vous nous faites. Merci, fit le capitaine en inclinant la tête.
– Seuls vos deux personnes pourrez vous aventurer sur l’île, vous et vous seuls.
– C’est entendu.
– Encore une chose... reprit Nata.
– Oui ?
– Vous n’êtes pas nos seuls invités, tâchez de ne pas les importuner et de vous montrer digne de ce qui vous est offert.
– Qui sont vos autres... Invités ?
– Plusieurs familles de Hauts Elfes qui vivent parmi nous depuis des temps que même nous avons oubliés.

Nathaniel et Ghalenn échangèrent un regard surpris. Ghalenn haussa les épaules en signe d’impuissance.

– Et si notre présence ne les importune pas ? Demanda Nathaniel.
– Alors ce sera à eux d’en juger, nous leurs accordons notre plus grande confiance, mais dans le cas contraire…
– C’est d’accord.

Avant de se retirer suivie de Maïwenn et Silhound, Nata leur sourit doucement et dit sur un ton solennel en écartant légèrement les bras, les paumes ouvertes :

– Soyez les bienvenus à Avalon.
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Message  Silwenne Aelfwine Lun 18 Avr - 20:03

Chapitre XXVII


Île aux pommes



On pouvait aller d’un bout à l’autre de l’île en quatre ou cinq heures de marche, suivant l’endroit où l’on désirait se rendre. Elle était de forme circulaire. Une vieille montagne se dressait non loin de la plage, au Nord-Est d’où ils avaient débarqués. Usée, rocailleuse et recouverte d’herbes et de mousse, un unique sentier la gravissant pour aboutir au principal lieu de culte de l’île fait d’un vaste ensemble de pierres dressées. Cet endroit était destiné aux cérémonies rythmant les saisons et événements importants en l’honneur de Nature.

Presque toute l’île était composée d’une forêt luxuriante de chênes centenaires magnifiques, de plantes inconnues, d’animaux de toutes sortes. Le climat y était tempéré, idéal et équilibré, le temps toujours agréable quel qu’il soit. Dés le crépuscule les brumes recouvraient toute l'île, ne se dissipant vers le large, que les habitants de l’île appelaient le Lac, qu’à l’aube venue. Rassurantes, elles vous enveloppaient douillettement, semblant vouloir vous protéger du monde. Le centre de l'île était constitué d'une grande étendue d’herbe douce où se perdaient quelques arbres solitaires. Deux ruisseaux y courraient, l'un venant des forêts de l'Ouest, et l'autre descendant de la montagne du Nord-Est.

Les prêtresses habitaient dans la partie Sud de la plaine où une trentaine de chaumières aux murs de pierres s'y dispersaient en bordure desquelles elles cultivaient cote à cote, dans de petits jardins, légumes, plantes médicinales, et d’autres réservées aux cérémonies. En périphérie de la prairie se trouvaient quelques rares champs et zones d'élevage. A la limite de la forêt s’étendait un immense verger principalement constitué de pommiers qui avaient sans doute valu à Avalon son surnom d’ « île aux pommes ».

Les sentiers serpentaient d'une clairière à une autre passant près des autels, pierres levées et autres dolmens érigés par les générations successives de prêtresses. Au cœur de la forêt se trouvait un petit lac d'eau limpide, immobile et calme. En son centre une petite île de quelques mètres de diamètres, en son centre, une pierre de granite gris creusée se remplissant avec la pluie. Une excroissance en son centre était couverte de mousse et formait une troisième et dernière île au milieu de la vasque.

Avant chaque cérémonie importante, les grandes prêtresses de la Nature s'isolaient et se recueillaient dans de petites demeures de bois disséminées au cœur de la forêt. Chaque matin, les novices empruntaient les sentiers de cette forêt pour leur apporter tout ce dont elles avaient besoin : nourriture, eau, vêtements, etc...

C’est dans l’extrémité Ouest de la forêt et de l’île que les Hauts Elfes demeuraient. Eux aussi était très proche de la nature et vivaient en osmose avec celle-ci. Les coutumes des Elfes avaient toujours été proches des rites de la nature. Ils habitaient dans les arbres. Leurs logements étaient le fruit sublime d’une collaboration entre l’arbre qui les abritait et eux, se servant de leur magie pour faire adopter les formes désirées aux branches sans utiliser le moindre outil. Au fil des siècles le peuple immortel avait su vivre en harmonie avec les prêtresses dans un respect mutuel et étaient naturellement devenues invités permanents de ce qui avait évolué en leur sanctuaire.

La population de l’île était essentiellement composée de femmes, tant au niveau des prêtresses, bien entendu, qu’au niveau des Hauts Elfes qui vivaient dans un système matriarcal très élaboré. Hélas, malgré la longévité légendaire des Elfes, l’isolement commençait à faire sentir ses méfaits et provoquait un appauvrissement inexorable du sang tout en l’ayant préservé pur de tout métissage. Le renouvellement des générations de prêtresses demeurait, d’ailleurs, un mystère pour Nathaniel et Ghalenn car ces dernières n’avaient pas l’air d’avoir des ancêtres Elfes, ce qui excluait qu’elles soient nées sur l’île.

Nathaniel comprenait alors mieux pourquoi lui et Ghalenn étaient les seuls hommes de la Marquise autorisés sur l’île. Tout en évitant de voir déferler sur l’île une horde de mâles la bave aux lèvres, les deux hommes seraient peut-être un essai concluant en étant à la fois sélectif. On leurs avait attribués à chacun une petite chaumière un peu à l’écart du reste des maisons de la plaine, à la lisière Sud de la forêt. Le confort était plutôt sommaire mais ils étaient habitués à la vie « à la dur ». Depuis les quelques jours qu’ils étaient arrivés ils avaient eu le temps de visiter rapidement l’île, sans jamais avoir réussit à voir des Elfes, et commençaient à vaguement se repérer. Ni les prêtresses, ni les novices, ne s’occupaient réellement d’eux mais ils sentaient toujours cette impression d’être épiés dans leurs moindres faits et gestes.

Nata avait tenue sa promesse et une petite quantité de bois, ou du moins ce qui ressemblait à du bois, un enchevêtrement compact de ronces et de branches, avait été apporté au navire ce qui donnait de quoi s’occuper à l’équipage resté à bord. Nathaniel et Ghalenn supervisaient les travaux sur la Marquise le jour et dormaient parfois à terre la nuit. Progressivement ils passèrent de moins en moins de temps sur le navire, le délaissant au profit des beautés de l’île, chaque fois subjugués par les trésors qu’elle recelait. Tous deux étaient aussi fort intrigués par les rites des prêtresses sans toutes fois en percer le sens.

Un soir que les deux hommes parlaient dans la demeure de Ghalenn, quelqu’un frappa à la porte. L’homme à la carrure d’ours se leva et alla ouvrir la porte pour découvrir Maïwenn sur le pas. Ils se saluèrent respectueusement, la femme adoptant toujours la même attitude effacée avec un doux sourire. Il l’invita à entrer mais la femme déclina, prétextant ne pas rester.

– Je suis venue vous faire part d’une cérémonie de bienvenue donnée en l’honneur de nos invités au prochain crépuscule.
– Oh, bien. Merci, Dame Maïwenn, dit Ghalenn.
– Devons-nous porter quelque chose de particulier pour cette cérémonie ? Demanda Nathaniel qui s’était rapproché de la porte.
– Soyez naturels.

Elle leurs sourit et s’en alla sans un mot de plus. Ghalenn referma la porte et fit face à son capitaine qui avait l’air aussi étonné que lui.

– Voilà qui va nous changer les idées, Ghalenn.
– En espérant qu’on ne nous sacrifie pas sur un de leurs autels de pierre…
– Je doute qu’elles nous veuillent le moindre mal, mon ami. Autrement ce serait sans doute déjà fait.
– Et qu’a-t-elle voulue dire par être naturels, d’après toi ?
– Je ne sais pas. Cela peut aussi bien dire être beaux, à l’image de cette île, que d’être nus comme des vers.

Ils éclatèrent de rire à cette idée après une courte gêne amusée, l’écho de leurs voix résonnant dans la plaine nappée de la brume nocturne devenue familière.
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 19 Avr - 11:25

Chapitre XXVIII


Almare ebœnnin teli



Au crépuscule du jour suivant, les deux hommes avaient revêtus leur tenue la plus présentable, laissant de côté la traditionnelle gabardine d'officier de marine. Ils étaient encore dans la petite maison à apporter la dernière touche d'un coup de peigne dans leurs chevelure. Il se retrouvèrent dans la pièce principale et se regardaient mutuellement, inspectant l'autre d'un regard approbateur. S'apprêtant à sortir, Ghalenn s'arrêta devant la porte comme s'il hésitait et se tourna vers son ami.

- Qu'y a-t-il, demanda Nathaniel ?
- Je suis un peu nerveux.
- Moi aussi, dit-il en hochant la tête.
- Nous allons rencontrer des Haut-Elfes, enfin !
- Cela te pose un problème ?
- Non, au contraire mais, j'ai peur de faire une gaffe et je ne suis pas très à mon aise pour les mondanités.

Nathaniel lui posa une main sur l'épaule et sourit de manière rassurante.

- Ne t'en fait pas, je suis sur qu'eux aussi sont nerveux que nous à l'idée de nous rencontrer.
- Crois-tu ?
- J'en suis persuadé. A en croire Nata cela fait des décennies qu'ils n'ont pas vu d'étrangers.
- Tu dois avoir raison, fit Ghalenn en retrouvant le sourire avant de se retourner pour ouvrir la porte.

Silhound était devant la maisonnette et leur fit signe de la suivre lorsqu'ils sortirent. Ils empruntèrent un sentier sinueux qui s'enfonçait entre les hauts arbres vers l'Ouest de l'île. Le petit groupe resta silencieux tout le long du chemin. La nuit était tombée et les deux hommes suivaient la silhouette blanche de Silhound devant eux, seul point de repère, au risque de se perdre dans l'obscurité de la forêt. La prêtresse ne semblait avoir aucun mal à trouver sa route malgré l'absence de lumière. Après un long moment à marcher ils aperçurent les premières lueurs du lieu de rendez-vous.

C'était une petite clairière aménagée qui faisait penser à un amphithéâtre miniature, avec des gradins de pierres polies et richement sculptées se trouvant au dessous du niveau du sol. Au centre un foyer de braises offraient une chaleur agréable tandis que des lanternes assuraient l'éclairage en dispensant une douce lumière blanche diffusée par des pierres au travers d'un jeu de branches entremêlées. A l'autre extrémité, sur une sorte d'estrade, étaient disposés de larges fauteuils de bois, eux aussi sculptés. Il y avait beaucoup de monde à les attendre, peut-être une centaine de paires d'yeux verts émeraude Hauts-Elfes. A leur arrivée tous se levèrent en silence. Ils était vêtus de tenues à l'apparence simple mais, pourtant, d'une grande élégance et raffinement. Leurs longs cheveux fins, souvent tressés, faisaient penser à des fils d'or.

Silhound les mena jusqu'à l'estrade où les attendaient les hauts dignitaires. La prêtresse fit les présentations avant de se retirer. Il y avait le couple princier, Noble Dame Nelweed et le prince Asht-Iil, ainsi que leurs deux filles, Alsenaoree et Tiadwinn. Les deux humains s'inclinèrent avec respect, soucieux de représenter leur race du mieux qu'ils pouvaient. Nelweed était une grande femme à l'allure digne d'une reine. Sont visage serein ne laissait en rien imaginer qu'elle avait déjà vécue plusieurs vies d'homme. D'une grande beauté, son regard hautain trahissait un sentiment de supériorité que son sourire bienveillant faisait aussitôt oublier. Le prince était tout aussi noble de port, le regard droit et le sourire franc. Contrairement à la reine, on sentait qu'il était réellement heureux d'accueillir de nouveaux visages, fussent-ils humains. Quand à Alsenaoree et Tiadwinn, elles étaient vraisemblablement jumelles. Toutes deux d'une beauté à couper le souffle. Aussi belles que leur mère, la jeunesse et le sourire en plus. Neldweed prit la parole dans un langage humain parfait.

- Soyez les bienvenus, Humains. Nous nous réjouissons d'accueillir les invités de Mère. Vous êtes ici chez vous. Prenez place et partagez notre repas et notre vin en frères, car nous sommes tous Ses enfants.

Un murmure solennel parcourut l'assistance. Les deux hommes s'inclinèrent une nouvelle fois et prirent place, chacun d'un coté du couple princier, les jumelles venants ponctuer l'ensemble à chaque extrémité. Quelques Elfes apportèrent des tables qui furent placées devant eux. D'autres arrivèrent en portants des plats garnis de mets plus délicieux les uns que les autres, des carafes de vin, des fruits et d'autres choses in-identifiables. Une musique onirique s'éleva venue de nul part et des danseuses apparurent, virevoltantes dans leurs étoffes diaphanes. Bien que très peu de paroles furent échangées durant le repas Nathaniel et Ghalenn profitaient délicieusement de la soirée, partageant par moments des regards complices et souriants.

A la fin du repas, alors que la nuit était déjà fort avancée, on les conduisit en cortège jusqu'au village des Elfes, perché dans les arbres et ne faisant qu'un avec ceux-ci. De là-haut on ne pouvait qu'à peine distinguer le sol. Partout des lanternes assuraient une lumière douce en balisant les chemins ainsi que les diverses rampes d’accès suspendues dans le vide et faisant la jonction entre deux arbres. D'autres lueurs étaient visibles par les fenêtres des habitations accrochées aux troncs des arbres qui, mélangées aux lucioles flottants librement dans les airs, donnait à l'ensemble un aspect féérique et serein. On leurs attribua à chacun une chambre mitoyenne à l'ameublement raffiné où ils purent passer la nuit, la tête pleine d'images et de sons sublimes.
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Message  Silwenne Aelfwine Mer 20 Avr - 19:01

Chapitre XXIX


Convocation



Le soleil était levé depuis peu et une légère brume matinale subsistait dans la canopée. Ghalenn se leva de bonne heure et découvrit qu'on avait prit soin de laver et repasser ses vêtements, bien pliés sur une chaise. Après sa toilette il sortit et alla frapper à la porte de la chambre voisine. Nathaniel vint lui ouvrir et referma la porte derrière son ami.

- As-tu bien dormi ? Demanda le capitaine de la Marquise.
- Comme un bébé !
- Moi aussi, je n'avais pas aussi bien trouvé le sommeil depuis bien longtemps.
- Et quelle soirée !
- Oui, tout s'est bien passé, finalement.
- Finalement ? Je te croyais confiant ?
- On ne sait jamais ce qu'il peut arriver lorsque deux cultures aussi différentes se rencontrent.
- C'est vrai mais, pour ma part j'ai passé une excellente soirée.

Nathaniel sourit en finissant de se préparer. Après un moment de silence il revint s'asseoir près de Ghalenn et prit la parole.

- Et quelles femmes ! Hein, mon ami ?
- Tu veux parler des jumelles ?
- De qui d'autre, pardis ? Fit-il en riant.
- Elles sont magnifiques, c'est vrai. Grandes comme je les aimes, bien qu'un peu maigrichonnes à mon goût.
- Te voilà bien difficile !
- J’espère au moins qu'elles n'ont rien contre les humains.
- Il faudra le leur demander...

Ils éclatèrent de rire et quelqu'un frappa à la porte. Ils se levèrent tout deux et Nathaniel ouvrit la porte. Un Elfe se tenait devant l'entrée et les salua en s'inclinant. Ils firent de même. L'Elfe était porteur d'une invitation de la Noble Dame Nelweed les conviant à la rejoindre après le petit déjeuner. Les deux hommes suivirent le messager jusqu'à une salle à manger où ils purent se rassasier de mets fins et de fruits frais. Leur repas terminé un autre Elfe vint les chercher et les guida jusqu'à une autre salle où se trouvaient la famille princière au complet. Nathaniel donna un petit coup de coude à Ghalenn en voyant que les sœurs étaient présentes. Ils furent invités à s'asseoir à la table. Les deux humains s'inclinèrent avant de prendre place.

- La nuit vous fut-elle agréable ? Demanda Nelweed.
- Cette soirée restera gravée dans nos mémoires jusqu'à notre mort, dit Nathaniel.
- Prions pour que ce moment n'arrive pas trop tôt, dans ce cas, dit-elle avec un léger sourire. Mais venons-en au but de votre présence... Voilà bien longtemps que notre peuple s'est installé sur cette île, à une époque où votre race commençait à peine. C'est même nous qui avons apprit aux hommes la maîtrise du feu et, plus tard, ils imitèrent nos rites funéraires. Mais, l'aube de l'humanité est déjà loin et nous aimerions apprendre ce que nos anciens voisins sont devenus.

* * *
Le moine a bourré une pipe d'écume sculptée tout en parlant, avec les gestes mesurés et précis de l'habitude. Il se penche vers le petit feu et saisi une brindille enflammée pour allumer sa pipe. Silwenne et Aysha l'observent, impatientes d'entendre la suite de son histoire. Il tire quelques bouffées en recrachant la fumée par petits nuages en fixant les braises. Il les regarde et sourit en coin en voyant qu'il a réussit à capter leur attention. Elles ne se sont pas endormies, c'est déjà ça.

* * *
Les deux humains échangèrent un regard. Ils ne savaient pas par où commencer, ni même ce qu'ils pouvaient dire de l'évolution de leur espèce. Leur suggestibilité et leur ressenti personnel entreraient forcement en compte. Devaient-ils être francs ou embellir le constat amer qu'ils pouvaient avoir sur leur monde ? Ils décidèrent d'un commun accord d'essayer d'être aussi impartiaux que possible. Ainsi ils exposèrent aux Elfes la destiné de l'humanité en tâchant de garder une certaine neutralité. Ils racontèrent l'histoire du monde extérieur, les guerres avec les autres races, mais aussi les alliances, les créations artistiques, les monuments et les villes, sans oublier la maîtrise de la magie.

L'exposé se prolongea durant plusieurs heures. Nathaniel et Ghalenn ne voulaient rien ommetre de peur que, par un oubli malencontreux, l'opinion des Elfes en soit faussé. Noble Dame Nelweed les remercia lorsqu'ils eurent terminés et les convia à sa table. Après avoir partagé le repas, Alsenaoree et Tiadwinn leur proposèrent de leur faire visiter le village arboricole, ce qu'ils s’empressèrent d'accepter.

Le village n'était pas très étendu et beaucoup de logements étaient inoccupés. Les sœurs leur expliquèrent que les naissances s'étaient raréfiées et que, même lorsque cela arrivait, les nouveaux nés mourraient souvent après quelques jours. Les médecins avaient rapidement cerné le problème que, selon eux, venait d'un appauvrissement du sang par un manque de brassage, voir à la consanguinité. Les Elfes avaient beau jouir d'une longévité accrue ils risquaient l'extinction s'ils restaient coupés du monde.

Nathaniel et Ghalenn découvrirent toute la beauté de cet environnement en osmose avec la nature. Une véritable symbiose entre les Haut-Elfes et les arbres, peut-être même avec la forêt toute entière. Des regards furent échangés, des paroles prononcées. Ce n'est qu'au couché du soleil qu'ils furent reconduit jusque chez eux, la tête pleine de souvenirs et le cœur léger.
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Message  Silwenne Aelfwine Jeu 21 Avr - 18:42

Chapitre XXX


Coupable d'être innocent



Pendant les jours qui suivirent les deux hommes furent régulièrement les invités des Elfes, si bien que, au bout de deux semaines, ils ne rentraient plus que très rarement dans leur maison pour rester au village arboricole. Une idylle ne tarda pas à naitre entre eux et les jumelles mais, ce qu'ils ignoraient, c'est que des yeux envieux et en colère observaient la relation entre Nathaniel et Tiadwinn. Le sentiment d'injustice et de trahison grandissait dans le cœur de Nowaldrin qui était secrètement amoureux de la princesse depuis de nombreuses années. Sa déception amoureuse le conduisit à échafauder des plans pour se débarrasser de son rival. Tout à sa folie grandissante il ne voyait en Nathaniel qu'un obstacle entre lui et Tiadwinn, un obstacle à éliminer de toute urgence, mais il devait aussi rester prudent pour ne pas être soupçonné.

Les travaux de réparations de la Marquise avançaient mais les deux humains ne s'en préoccupaient plus autant, et ils supervisaient l'avancée des travaux d'assez loin. Au bout de deux mois Alsenaoree tomba enceinte, suivie de quelques jours par Tiadwinn. La nouvelle fut accueillie dans la liesse car, bien que les pères n'étaient pas Haut-Elfes, ces futures naissances étaient perçues comme un second souffle. Nathaniel et Ghalenn furent élevés au rang de Aelfwine, dont la traduction littérale est « Ami des Elfes ». Une semaine de fête s'en suivit durant laquelle les mariages furent annoncés. L'euphorie générale était à son comble.

S'en était trop pour Nowaldrin dont la colère et l'amertume se changèrent en une haine aveuglante. Si bien qu'un soir, alors que tous festoyaient, que la musique, les danses et le vin faisait tourner les têtes, il porta un faux message de rendez-vous à Nathaniel pour l'attirer dehors, sur une passerelle peu fréquentée. Le capitaine s'y rendit, un peu éméché par les jours de fêtes successifs, croyants y retrouver le prince Asht-Iil, son futur beau-père. Nowaldrin avait préalablement prit soin d'éteindre les lanternes, si bien que la passerelle était plongée dans l'obscurité. Nathaniel attendait depuis quelques minutes lorsqu'il entendit une voix derrière lui : « Vous n'aviez pas le droit de me la prendre ! »

Nathaniel se retourna pour faire face Nowaldrin. Il n'eut que le temps de voir la rage déformant le visage de l'Elfe, et l'éclat de la lame dans sa main, que Nowaldrin se précipitait déjà sur lui. Nathaniel, qui était rompu aux combats de rues et à mater les bagarres de tavernes, fit un pas de coté, juste à temps pour éviter l'attaque. Il réussit à saisir le poignet armé et lutta avec son agresseur. Bien que légèrement aviné, sa force physique et sa corpulence lui conférèrent le dessus sur l'agilité et l'aveuglement de l'Elfe. Le capitaine, dans un ultime sursaut de survie, maintenant la main armée de la dague, lança son genoux dans l'estomac de Nowaldrin, suivit d'un crochet du gauche. L'Elfe fut projeté et bascula par dessus la rambarde, se rattrapant in extremis de sa main libre. Nathaniel se précipita pour aider l'Elfe suspendu au dessus du vide, attrapa l'avant du bras gauche agrippé à la passerelle et lui tendit l'autre main. Mais, la folie meurtrière de Nowaldrin avait eut raison de son désir de vivre au profit de son désire de vengeance, le cœur remplit de rancune. Il ne vivait plus que pour voir son rival mourir. Il lui suffisait de lâcher l'arme qu'il tenait dans la main droite et de saisir la main secourable de l'humain qui lui était tendue. Dans un dernier élan de haine l'Elfe planta sa dague dans le bras droit de Nathaniel qui lâcha prise sous la douleur. Nowaldrin tomba et disparut en sombrant dans les ténèbres qui régnaient sous la passerelle pour s'écraser cinquante mètres plus bas.

* * *
Le conteur marque une pause et se lève pour faire quelques étirements. Au dessus de nos têtes des étoiles scintillent. La nuit est fraîche mais Aysha s'est rapprochée pour me tenir chaud. Je ne vois pas le temps passer. Ce doit être le milieu de la nuit mais je n'ai pourtant pas du tout sommeil, l'histoire me captive trop. Il remet quelques morceaux de bois sur les braises du feu de camp et se rassied en tailleur. Tout en bourrant une nouvelle fois sa pipe il nous regarde et sourit avant de reporter son attention sur les flammes et d'en sortir un tison.

-La lame était-elle empoisonnée ? Demandais-je soudain.
-Fort heureusement, non, me répond-il entre deux bouffées de tabac. Mais cet événement ébranla la communauté toute entière.

* * *
Les circonstances de la mort de Nowaldrin étaient aussi obscures que sa motivation tant son amour pour Tiadwinn était demeuré enfouit au plus profond de son cœur tourmenté. Nombreux furent les Elfes à se méfier de Nathaniel après cela, d'autres lui accordèrent le bénéfice du doute. Beaucoup pensaient que, sous l'effet de l'alcool, une rixe avait dégénérée entre les deux hommes. Rares étaient ceux qui le croyaient sur parole et plusieurs thèses étaient opposées, allant de l'accident bête à la tentative de meurtre. Mais, cette dernière était la plus difficile à accepter pour des Haut-Elfes qui pensaient leur peuple au dessus de ce genre de bassesses. A plus forte raison qu'il n'y avait eu de problème de ce genre depuis des générations. Pour calmer les esprits les plus virulents à l'encontre de Nathaniel la Noble Dame Nelweed dû prendre la décision d'annuler le mariage entre lui et Tiadwinn, et lui retirer le titre de Aelfwine.

Cela fonctionna parfaitement et, deux mois plus tard, on célébra l'union de Ghalenn avec la princesse Alsenaoree. La cérémonie fut somptueuse et magique dans tous les sens du terme. Les Elfes ne célébraient pas les mariages comme nous le faisons. Il n'y avait pas de témoins privilégiés pour chacun des époux. Au lieu de cela, chaque participant à la cérémonie, qu'ils soient physique ou esprit, était témoin par sa seule présence. Devenant prince par cette union, Ghalenn se vit offrir un bracelet runique orné d'un saphir bleu semblable à celui de sa femme et des membres de sa belle famille. Le bracelet avait pour vocation première d'aider à retrouver les enfants de la famille princière si ils se perdaient dans la forêt, le saphir brillant lorsque deux bracelets étaient proches l'un de l'autre. C'était ensuite devenu le symbole de la famille.

La fête dura un cycle lunaire complet à la fin duquel ils s’installèrent dans leur propre demeure. La vie était belle et paisible. Le couple était heureux et préparait la venue prochaine de l'enfant à naitre. Nathaniel et Tiadwinn faisaient de même de leur côté et, bien qu'ils n'étaient pas mariés, ils vivaient pleinement leur amour au grand jour. La vie reprit son cours, les semaines et les mois s'écoulèrent, les ventres s'arrondirent...
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 26 Avr - 15:48

Chapitre XXXI


L'Héritage



Sans surprise, la première à accoucher fut Alsenaoree qui était tombée enceinte avant Tiadwinn. L'accouchement aussi était une communion avec la nature et les esprits gardiens. Alsenaoree se retira dans un sanctuaire en pleine forêt, accompagnée de Ghalenn et d'une sage femme qui était aussi prêtresse. Ensemble elles récitaient des prières et des incantations. Selon la tradition, la sage femme donna des feuilles sacrées à mâcher pour atténuer les douleurs de l'enfantement et faciliter le travail.

Elle mit au monde des jumelles. L'une d'elles était blonde comme sa mère avec des yeux bleus comme son père. L'autre avait les cheveux aussi noirs que le plumage d'un corbeau, comme son père, et les yeux vert émeraude de sa mère. Le choix des prénoms fut comme une évidence, comme soufflés par Mère et les esprits gardiens eux-même. La première des jumelles à naitre était la petite fille brune qui fut nommée Silwenne, quant à la seconde, elle fut nommée Layelis.

* * *
- Hé ! Attendez une minute ! Dis-je en me redressant comme si quelque chose m'avait piqué. Vous êtes entrain de me dire que Layelis est ma sœur jumelle ?
- Ha ! Fit Aysha, victorieusement. Je me tue à le dire depuis des semaines, mais non ! « Tu te fais des idées, Aysha. Nous sommes amies, c'est tout. Ce n'est qu'une banale coïncidence »... Coïncidence mes fesses, oui !
- Aysha !
- C'est vrai, quoi ! Qui est-ce qui passent pour deux idiotes maintenant, hein ?

Nous éclatons de rire à la voir ainsi jubiler d'avoir raison, elle si réservée et discrète d'habitude. Le moine sourit simplement, amusé, lui aussi, par la réaction de la sarrasine.

- Vous ne vous doutiez vraiment de rien ? Demande-t-il.
- Eh bien... Nous avons toujours eu une étrange sensation en présence l'une de l'autre, et notre ressemblance est effectivement troublante mais, de là à affirmer un lien de parenté.
- C'est pourtant la stricte vérité. Mais, ce n'est pas tout...

* * *
Les enfants furent dotées d'un bracelet chacune. La magie contenue dans ceux-ci les ferait grandir en même temps qu'elles pour s'adapter à la taille de leur poignet. La naissance des jumelles fut célébrée dans une nouvelle fête, encore plus somptueuse que les précédentes. Elles seraient, en temps voulu, les héritières du domaine des Hauts-Elfes d'Avalon. Même si, du fait de la longévité des Elfes, ce moment ne viendrait pas avant très longtemps.

Les réparations de la Marquise étaient terminées depuis peu ce qui signifiait qu'il était bientôt temps de quitter l'île. Ce qui allait poser problème compte tenu de la nouvelle situation qui n'avait sans doute pas été prévue lors de leur arrivée, sauf peut-être par Mère elle-même. L'équipage était prêt et voulait retourner sur le continent revoir leurs familles après ces longs mois. Ghalenn et Alsenaoree parlèrent à la Noble Dame Nelweed mais celle-ci ne voulait rien entendre. Le navire devait repartir, avec ou sans leurs deux officiers, mais ses filles ainsi que les deux petites jumelles devaient rester sur l'île. Ghalenn et Nathaniel étaient les bienvenus s'ils désiraient rester mais ils devraient laisser leur famille derrière eux s'ils voulaient repartir chez les humains avec leur équipage.

Nathaniel décida de rester avec Tiadwinn dont l'accouchement était imminent. Ghalenn et Alsenaoree choisirent de partir en secret pour ne pas être séparés car elle désirait découvrir le monde qui lui était inconnu et offrir une vie de connaissances à ses filles. Le navire était prêt à appareiller. La famille quitta le village endormi en profitant de la nuit mais le chemin jusqu'à la plage était long. Malgré leurs efforts pour partir discrètement Nelweed faisait surveiller les habitations des deux couples et l'alerte fut donnée. Des chasseurs furent envoyés sur leurs traces. Ils étaient en vue de la plage lorsqu'ils entendirent les pas de leurs poursuivants juste derrière eux. Alsenaoree s'arrêta et confia le bébé qu'elle portait à son époux.

- Prend-la et allez jusqu'au bateau, je vais essayer de les retenir assez pour vous donner le temps de quitter l'île. Ne m'attendez pas.
- Mais, Alsenaoree...
- Va. Je vous aime, dit-elle en souriant doucement.

Elle embrassa son époux dans un baiser qui avait le goût d'un adieu et fit volte face. Ghalenn hésita un instant puis reprit sa course en tenant ses deux filles dans ses bras. Un épais brouillard s'était subitement levé sur la plage lorsqu'il atteignit la chaloupe. Il disposa ses enfants sur le fond et prit place sur le banc du rameur. Ghalenn rama aussi vite qu'il put, ses bras puissant propulsant l'embarcation en direction de la Marquise qui attendait un peu plus loin. Alors qu'il ramait, face à la plage, il distingua des éclairs de lumière au travers du brouillard dont il put voir qu'il ne s'étendait que sur une petite zone. Alsenaoree avait masquée leur fuite. Les Elfes ne tirèrent pas de flèches dans leur direction de peur de toucher les petites princesses et il leur faudrait du temps avant de trouver une embarcation pour les poursuivre sur l'eau. Ghalenn monta à bord de la Marquise et donna l'ordre de lever l'ancre, cap sur le large. Après avoir mit ses enfants en sécurité il prit place à la dunette. Il espérait, par quelques miracles, voir arriver Alsenaoree mais, déjà le bateau s'éloignait de l'île pour s'enfoncer dans la brume et Avalon ne tarda pas à disparaitre de leurs regards à tout jamais.

Il suffit de moins d'un mois pour faire la traversée, toutes voiles dehors, et être en vue de la terre. Ghalenn ordonna aux homme de poursuivre jusqu'à leur port d'attache et il débarqua. Le navire et sa cargaison furent vendus et, après que les hommes d'équipage furent payés, il restait encore une coquette somme à Ghalenn. Chacune des jumelles fut placée dans une famille adoptive différente. Séparées pour leur sécurité. Si l'or ne pouvait acheter l'amour, une bourse bien remplie assurerait la discrétion des parents qui n'avaient jamais eut d'enfants.

* * *
Le moine observe un moment de silence, remuant les braises du feu de camp du bout de son bâton. Il cure sa pipe éteinte et la range dans une poche sous sa robe de bure.

- Je suppose que vous portez toujours votre bracelet, dit-il enfin en tournant son regard azur vers moi.
- Bien sur. Il est impossible de le retirer à moins de me trancher la main, vous le savez.
- Vous devriez le regarder.

Mon bracelet est dissimulé sous mes gants de cuir souple qui remontent sur mes avant-bras. Soigneusement je fais glisser le gant de ma main gauche. Aussitôt une vive lueur bleue illumine les lieux. Je reste interdite en regardant la pierre incrustée briller.

- Si vous avez bien écoutée ce que je viens de vous raconter, vous savez pourquoi il brille ainsi.
- Parce qu'il y a un autre bracelet comme celui-ci à proximité, dis-je en hochant la tête.
- C'est exact. Vôtre sœur est chez elle, trop loin pour activer la pierre de votre bracelet.
- Si ce n'est pas elle alors...

Lentement il remonte sa longue manche pour dévoiler un bracelet identique au mien. Je hausse les sourcils puis le regarde. Il opine doucement du chef.

- Oui, Silwenne... Je suis Ghalenn, ton père.
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 3 Mai - 20:27

Chapitre XXXII


Chrysalide du cauchemar



Les révélations sur mon passé et ma nouvelle famille m'ont un peu ébranlés. Cela fait plusieurs semaines que mon père m'a raconté cette histoire et, même si je suis heureuse de connaître la vérité, je n'entretient qu'une relation cordiale avec lui. Difficile de rattraper toutes ces années d'un battement de cils. En revanche je suis plus proche et complice de Layelis, alors que j'ignore encore quel lien bien plus fort que celui du sang nous uni. C'est une époque de ma vie où je me cherche moi-même. Aysha est toujours présente à mes côtés. Officiellement pour me protéger mais, je me doute qu'elle le fait aussi pour une toute autre raison.

Notre attirance l'une pour l'autre ne cesse de croitre et, bien que je sais à quoi m'en tenir pour ses maîtresses et pour Sofia, je fini par céder à ses avances. C'est une relation forte mais tout autant étrange. Je dois la partager avec d'autres et, même si j'ai acceptée les règles du jeu, je n'entends pas me laisser faire et je compte bien évincer ma rivale. Ce n'est pas très difficile, finalement, et peu à peu Sofia ne me pose plus de problème. Elle trouve bien vite, d'ailleurs, d'autres bras pour se consoler, ce qui ne fait que m'aider dans mon entreprise. Si bien que je prends rapidement sa place. Il faut dire qu'il lui est difficile de rivaliser avec quelqu'un qui a été formé par une Succube.

La vie poursuivit son cours mais, je souhaite assumer seule les besoins d'Aysha. Mais, au bout de quelques semaines, mon corps commence à montrer des signes de faiblesses alarmants pour mon entourage. A tel point que je dois me résigner à laisser Aysha retourner voir d'autres femmes, ce qui, vous l'imaginez, me déplait au plus haut point. Mon horizon devient sombre et sans joie. Mes jours sont moroses et mes nuits faites d'attentes, le plus souvent inassouvies car Aysha ne rentre pas toujours.

Jusqu'à ce soir, sur ce rocher surplombant un ancien monastère devenu hanté. Nous sommes seules, Aysha et moi, et je lui fait part de mes craintes et de ma frustration de ne pouvoir lui suffire. Je lui explique à quel point je me sens mal, comme je suis malheureuse de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Sans un mot elle me fait l'amour. D'abord tendrement, puis plus sauvagement car je ne sais plus prendre de plaisir par la tendresse depuis Ananké. Elle enfonce ses crocs acérés dans mon cou alors que j’atteins l’orgasme et boit mon sang jusqu'à l'extrême limite de la survie. Puis, se penchant sur moi, elle susurre contre mon oreille.

- Soit tu préfères mourir, puisque tu dis que la vie avec moi te rend malheureuse au point de ne plus la supporter... Ou, si tu veux continuer à vivre avec moi, bois mon sang et deviens ce que je suis. A toi de faire le choix.

Je suis comme entre deux eaux. Libre de choisir entre remonter à la surface pour respirer ou m'enfoncer à jamais dans la nuit de l'abime. Le choix pourrait paraitre simple mais il ne l'est pas. Surtout que j'ignore où se trouvent le bas et le haut. Choisir de vivre pourrait m'apporter tout l'inverse de ce que je m’attends à trouver alors que la mort n'en aurait pas été la fin. Je puise dans les maigres forces qu'il me reste pour lui répondre en murmurant.

- Je veux vivre avec toi.

Aysha hoche lentement la tête avant de se mordre vivement le poignet gauche qu'elle me présente ensuite. Je sens le sang couler sur mes lèvres, un sang épais, noirâtre et très odorant, comme concentré.

- Bois, ma belle, me dit-elle.

Le sang coule dans ma gorge. C'est répugnant mais, étrangement, cela me fait du bien et j'y prends goût rapidement. Je retrouve suffisamment de force pour m’agripper au bras d'Aysha et j'aspire son fluide vital goulument. Soudain mon corps me brûle comme si j'avais de l'acide dans les veines. Mon cœur s'affole et je suffoque. Je hurle de douleur mais mon cri se perd dans la nuit sous la lune indifférente. Puis je meurs, ou, du moins, mon corps meurt et je perds connaissance. Mon cœur a cessé de battre.

Le soleil se lève lorsque je reviens à moi. Je ne me sens pas différente d'avant, hormis une chose : la mort a débloquée ma mémoire Olhym. Je peux sentir les battements rassurants de mon cœur. Ils sont lents, comme apaisés. J'ouvre les yeux. Le ciel a des couleurs magnifiques allants du bleu pâle à l'orangé en passant par un rose tendre. Quelques nuages filandreux, pareils à des toiles d'araignées, flottent paresseusement au dessus de nos têtes. Aysha est toujours là, allongée à coté de moi. Elle me regarde et me sourit.

- Ça a fonctionné ? Je ne sens rien de changé, lui dis-je en me regardant.
- Tu ne commencera à ressentir les premiers effets que dans quelques temps.
- Combien de temps ?
- C'est variable suivant les individus. Quelques jours, quelques semaines... Lorsque cela arrivera, quand nous ferons l'amour, toi aussi tu te nourrira au lieu de ne faire que donner. Tes sens seront aussi bien plus aiguisés... Cela peut être déroutant au début.

Je viens me blottir contre elle. Je me sens plus proche d'elle que jamais, même si pour cela je deviens ce que je haïs le plus : une Succube, ou, plus précisément, une hybride mais, une Succube tout de même. Cela ne change pas grand chose à mes yeux. Je fais cela pour elle mais un peu pour moi aussi. En effet, même si je l'ai fait par amour pour Aysha c'est aussi pour la garder auprès de moi et pouvoir lui suffire. L'avenir va me donner tord.
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Message  Silwenne Aelfwine Lun 1 Aoû - 21:35

Chapitre XXXIII


Le leurre



Les premiers temps tout se passe parfaitement. Nous sommes plus proches que nous ne l'avons jamais été. Aysha est tendre et attentionnée, elle prend soin de moi et me demande comment je me sens. Les premiers changements commencent à apparaître au bout de quelques jours. Mon ouïe et mon odorat s’affinent, mes yeux sont plus sensibles à la lumière du jour et je ressent les premiers signes de manque. C'est d'abord subtil mais, cela augmente de jour en jour. Cela ne me dérange pas. Je l'ai voulu et nous sommes heureuses. Du moins est-ce ce que j’espère. Pourtant, après trois ou quatre semaines, Aysha est redevenue rare. Peut-être s'était-elle lassée de moi car elle passe tout son temps sur le front ou à confectionner des articles de couture pour parfaire son art.

Le chagrin s'est à nouveau abattu sur moi, pesant de tout son poids sur mes épaules. Lorsque, un soir, une femme vient me trouver. Elle se prénomme Palas. C'est Aysha qui l'envoie pour me distraire... Palas aussi s'ennuie. Son époux, un démon mineur incarné dans le corps d'un guerrier tombé au combat, est souvent absent lui aussi. Je ne sais pas si Aysha mesure bien ce qu'elle est entrain de faire. M'envoyer ainsi quelqu'un pour... Passer le temps ? Palas est une humaine amoureuse d'un démon... J'ignorais, d'ailleurs, que les démons puissent se marier avant ce jour. Toujours est-il que nous nous ressemblons elle et moi, à la différence qu'elle n'est pas attirée par les femmes. Mais Aysha sait que j'aime les défis de ce genre... Et je suis tombée dans le piège.

Palas n'est pas difficile à séduire malgré sa résistance. Si je le voulais je pourrai n'en faire qu'une bouchée le soir même. Mais quelque chose me retient : mon amour pour Aysha. Je devine sa griffe derrière cette rencontre. Réprimer ma soif m'est plus difficile que je ne l'aurai cru. Pourtant, je me contente de lui voler un baiser comme on arrache un aveu et je la laisse là, proie vaincue par le prédateur dans cette tour en ruine. Je n'aime pas la tournure que prennent les choses.

Le lendemain, ou peut-être est-ce le jour suivant, je retrouve Palas par hasard. J'ai eue tout le temps de réfléchir à ce qu'il s'était passé dans la tour. Aysha voulait peut-être bien faire ? Peut-être voulait-elle m'envoyer Palas pour se débarrasser de moi ? Peut-être n'était-ce qu'un cadeau pour me nourrir en son absence ? Je ne le saurai jamais. Je possède Palas cette nuit là. Je me repait de son plaisir et de son sang jusqu'à la lie. Je ne la tue pas, si c'est ce que vous vous demandez, je n'en ai pas besoin. Son plaisir est si fort qu'il comble presque à lui seul mon manque vorace... Je ne suis pourtant pas satisfaite. Loin de là. Cet ébat me laisse un goût amer, le goût des adieux. J'ai acceptée son cadeau, aussi étrange qu'il fut, et elle disparut sans laisser de trace, comme si Aysha n'avait jamais existé. Mais, elle vit toujours en moi, comme toutes celles que j'ai aimées.

Je m'attarde sur ce monde en espérant la revoir. Le temps ne fait pas oublier. Il estompe simplement le visage de nos êtres chères. Je m'accroche à cet espoir toute une année, me nourrissant d'animaux car je répugne à tuer autres chose et je n'ai aucun désire de sexe malgré des pulsions que j'ai parfois du mal à contrôler. Je ne suis qu'une ombre qui ère à la recherche de quelque chose qu'elle a oubliée. Alors je lâche prise, résignée et triste de ne plus pouvoir revoir son visage, sa silhouette que je crois apercevoir au détour d'un chemin, ses parfums envoûtants. Il y a toujours quelque chose qui nous rappel et nous fait mal, car l'on réalise que ce n'est qu'un leurre, une chimère, et que tout est fini.

* * *
A quoi bon rester. L'infini m'ouvre les bras. Il m'enveloppe comme une douce serviette chaude après un bain. Je suis bien. Ici il n'y a plus de peine ni de larmes. L'espoir renaît, ma flamme se ravive. Où vais-je aller à présent ? L'univers est encore jeune, presque tous les mondes peuplés d'êtres intelligents sont au stade médiéval ou quelque chose d'approchant, les autres ne sont pas suffisamment évolués pour que cela représente un intérêt à mes yeux. Cela manque cruellement de diversité... C'est alors que je ressent une sorte d'appel, quelque chose veut attirer mon attention sur un vaste monde. Mon esprit Olhym se déplace à la vitesse de la pensée et déjà j'observe les océans et les continents. Je ne sais pas ce qui m'attire ici. C'est comme un phare dans la nuit. Je n'arrive pas à déterminer d'où cela provient exactement sur la planète... Il faudra que je le découvre physiquement.
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