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[Récit] La guerre du silence

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Message  Silwenne Aelfwine Mar 29 Mar - 23:25

Tome I : Le premier âge

Introduction

Au commencement


Les Olhym sont une espèce à part et unique dans tout l'Univers. Ce peuple n'est pas constitué d'êtres vivants fait de chairs et d'os ou d'éléments comme le carbone. Ce sont des êtres de pure énergie, ce que vous appelleriez des esprits, des âmes, ou même Anges dans certaines croyances. Ils existent depuis l'aube des temps, et peut-être même avant le temps lui-même car ils sont hors des lois et des limites du temps et de l'espace. Il arrive parfois que certains d'entre eux s'incarnent, sur des mondes souvent séparés par des distances que l'intellect ne peut que difficilement concevoir, à l'insu de tous, pour vivre une vie mortelle et goûter à nouveau aux plaisirs de la vie.

Afin de profiter pleinement de cette expérience, et pour ne pas interférer dans la trame du monde dans lequel ils se projetaient, ils décidèrent d'oublier, l'espace de cette incarnation, qui ils sont et tout leur savoir. Ce qui semblait au départ être comme un bol d'air frais dans leur existence monotone d'immortels se changea petit à petit en un véritable cauchemar. Au fil des réincarnations et des pertes de mémoires volontaires, certains commencèrent à éprouver des troubles de la personnalité, à se souvenir partiellement, à avoir des visions d'autres mondes et de leur précédentes vies, à se prendre pour des Dieux ou des messagers occultes, tout se mélangeant en eux en une violente tempête. La folie s'empara bientôt de bon nombre d'Olhym qui ne parvenaient plus à discerner le réel du phantasme, les souvenirs de ce qu'ils étaient et le monde qui les abritait, et devinrent une menace pour la vie elle même.

Ces esprits dérangés firent scission avec les Olhym. L'un d'eux, du nom de Lucyel, prit la tête de la fronde et fonda un nouveau clan qui prit le nom de Daïjin. Les Daïjin se regroupèrent et formèrent ainsi un peuple distinct qui ne répondait à aucune des règles fondamentales. Toujours plus nombreux, les Daïjin se dispersèrent aux quatre coins de l'Univers. Ils ne respectaient pas l'équilibre et le vœu de neutralité des Olhym, et plongèrent plus d'un monde dans le chaos, se faisant tantôt percevoir comme des divinités sanguinaires ou ce que vous nommez communément des démons, pour leur seule distraction.

Conscients de leur responsabilité les Olhym décidèrent d'agir pour essayer de ramener leurs anciens Frères sur la voie de la raison et protéger ce qui pouvait encore l'être. Bien des Olhym disparurent en tentant de sauver les Daïjin de leur folie, ceux-ci usant de fourberies et totalement étrangers au sens de l'honneur. Certains Olhym changèrent de camp et ralièrent les Daïjin tandis que d'autres furent purement et simplement rendus au néant. Une lourde décision dut alors être prise: il fallait combattre leurs propres frères, quitte à détruire ceux qui ne pouvaient plus être sauver. Mais ils devaient aussi rester discrets pour ne pas bouleverser l'équilibre des mondes déjà si fragiles. Ils commencèrent à parcourir l'Univers à la recherche de Daïjin incarnés, le seul moment où les uns comme les autres sont vulnérables. Ainsi débuta la Guerre du Silence, voilà des milliards d'années.

Mon nom est Shaïa, je suis une Olhym, et voici mon histoire.
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 29 Mar - 23:27

Chapitre I


Le premier pas



Tout commence dans la lumière. Je viens de renaître dans le premier être de chair à recevoir quelqu'un de mon espèce. Oui, je suis la première. J'ai toujours eu un tempérament aventureux, le goût du risque et de la découverte. C'est donc tout naturellement que j'ai décidée de tenter cette nouvelle expérience. Ce monde est jeune, tout comme l'Univers dont il fait partie. La race dominante de ce monde est humanoïde, tout le reste des êtres vivants est animal, végétal ou... étrange. Trop étrange pour être pratique et interagir agréablement avec les autochtones. Il s'agit principalement de décérébrés marcheurs ou de petites créatures rouges qui font un bruit rigolo lorsqu'on leur tape sur la tête.

Je me glisse dans ce corps de nouveau né. C'est une petite fille. Comme c'est étroit ! Ma vision est trouble et la lumière qui m'entoure m'aveugle. J'ai froid, il faisait plus chaud là où j'étais avant. Je sens que des mains me prennent mais je n'arrive à distinguer qu'un grand flou lumineux. Je ne me suis jamais servi de mes yeux avant. On me dépose à présent sur un corps doux et chaud. J'aime son odeur, elle m'apaise, j'écoute les battements de son cœur... C'est maman.

J'ai deux ans. J'ai beaucoup de chance. Papa et maman sont aimant et la famille nombreuse. Ils ont tellement d'amour à donner que mes parents, Urgash et Kateria, ont adoptés plusieurs fois, à tel point que sur les onze enfants à la maison seulement trois sont de leur sang. Je suis la benjamine de la famille, ce qui explique sans doutes en partie pourquoi je suis tant choyée et protégée de la dureté du monde extérieur. Je m'appelle Silwenne Ethael, c'est le nom qu'ils m'ont choisit. Il est joli, ça me plait bien. De toutes façons j'ai oubliée mon véritable nom Ohlym en m'incarnant dans ce petit corps mortel.

J'ai huit ans. Mon frère Druss m'a surprise entrain de jouer au papa et à la maman avec ma copine Bianca. Il avait l'air embarrassé en m'expliquant que ça ne se faisait pas, surtout si aucune des deux ne faisait le papa. Je n'ai pas vraiment compris ce qu'il voulait dire, ni pourquoi c'était mal. J'ai du promettre de ne plus le faire en échange de sa promesse de ne rien dire.

J'ai dix ans. Papa et maman ont un peu vieillis mais leur amour n'a pas prit une ride. J'adore mes frères et mes sœurs et ils me rendent cet amour au centuple. Druss a tenu sa promesse et moi aussi. Bianca a déménagée très loin de chez nous. Elle me manque.

J'ai douze ans. Papa et maman commencement à remarquer que je ne m'intéresse pas beaucoup aux garçons et préfère jouer avec les autres filles. Je suis pourtant très jolie et souvent courtisée, ou plutôt embêtée, mais, quand on me demande si j'ai un petit ami, je répond simplement que cela ne m'intéresse pas. Ce qui est vrai, les garçons ne m'intéressent pas. Moi, je ce que j'aime c'est partir à l'aventure avec mon arc et me prendre pour une exploratrice dans les forêts qui entourent la ville. Je suis même une excellente archère.

J'ai quatorze ans. Une nouvelle famille vient d'arriver en ville. Un père et sa fille. Il est révérend et elle s'appelle Layelis. La mère est morte d'une maladie quelques années plus tôt. Layelis et moi devenons très proches et passons toutes nos après-midi après l'école à jouer ensemble. C'est ma meilleure amie, et j'adore son sourire.

J'ai seize ans. J'ai vu deux femmes s'embrasser en cachette derrière une maison. Ça m'a fait drôle, comme des frissons dans le ventre. J'ai appris par maman qu'elles faisaient beaucoup parler d'elles en ville et que leur couple faisait scandale. Je ne sais pas pourquoi c'est si mal. Je suis donc aller les voir chez elles pour en avoir le cœur net. Elles m'ont accueillies très gentiment et ont répondues à mes questions, souvent maladroites, avec un sourire doux et bienveillant. En repartant de la maison, le ventre plein de petits gâteau, je savais ce que j'avais.

J'ai dix-sept ans. Je suis amoureuse de Layelis mais je ne sais pas comment le lui avouer. Et si elle préférait les garçons ? Je ne sais pas si je supporterai qu'elle me rejette et de voir son si beau sourire se transformer en un air de dégout en me regardant. Mais j'aime le risque et je préfère vivre pleinement que de rester cachée dans l'ombre de ma peur. Et, par dessus tout, je l'aime elle.

J'ai dix-sept ans et je suis heureuse car nous nous-sommes embrassées. C'est comme si une nouvelle vie commençait, un avenir radieux s'ouvre à nous. Je me sens libérée du poids de mes doutes. Je me moque des ragots, des regards et des jugements des bien-pensants. Ils peuvent répandre leur fiel autant qu'ils veulent cela nous atteint pas car nous nous aimons et rien d'autre n'a d'importance. Silwenne et Layelis vous saluent !

J'ai dix-huit ans. Nous nous épuisons chaque jour dans des ébats toujours plus insensés. Souvent plusieurs fois dans la même journée. Notre couple est une fusion, une dépendance tant physique qu'émotionnelle. Je n'aurai jamais cru cela possible. Il est même arrivé une fois où Layelis a fait un malaise. J'ai eu très peur. Heureusement ce n'était qu'un état de fatigue extrême. Il faut que je la laisse se reposer un peu plus... Pourtant je ne suis pas fatiguée, moi.

J'ai dix-neuf ans. Tous mes souvenirs me sont revenus en pleine figure. Je me rappel de tout. Mon nom véritable, ce que je fais ici et pourquoi, mon existence millénaire avant ma venue dans ce monde. Tout. Quelque chose à du mal fonctionner... Mais je vais rester et essayer de ne pas commettre l'irréparable en prenant part à l'évolution. Et puis il y a Layelis, je ne peux pas l'abandonner. Je ne veux pas la quitter, elle ne comprendrait pas.
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 29 Mar - 23:27

Chapitre II


Sans bagages



Deux superbes années se sont écoulées. Deux années d'un pur bonheur comme je n'en avais plus connu depuis bien longtemps. Mais ce bonheur fut de courte durée car Layelis et son père disparurent ne laissant ni lettre d'adieu, ni adresse. Je soupçonne son père, le Révérend, de l'avoir emmenée de force pour l'éloigner de moi. Dans ce monde là, et comme dans beaucoup d'autres, une relation entre personnes appartenant au même sexe est très mal vu et, si nous nous moquions du regard des autres, il n'en était pas forcement de même pour son père. A plus forte raison du fait de son statut d'homme de Foi. Ce monde était condamné par une bien sombre prophétie annonçant la fin de la race dominante comme ce fut le cas pour deux autres races avant elle. L'obscurantisme religieux était donc à son comble et les prêtres ainsi que les prophètes étaient très influant et avaient bien souvent l'oreille du peuple et des puissants.

Longtemps j'ai attendu son retour. Trois ou quatre ans, je ne sais plus très bien. Puis, un jour que je marchais sans but dans le vieux port, je vis un majestueux trois mats larguer les amarres. L’équipage débarqua des marchandises en tous genres pour les commerçants de la petite ville dans une organisation parfaite, mais je ne regardait pas. Mes yeux étaient fixés sur l’horizon, mes pensées perdues dans les vagues de la haute mer. Sans même réfléchir j'embarquais, jetant un dernier regard derrière moi, espérant apercevoir la silhouette familière de Layelis aux courbes maintes fois parcourues de mes caresses, de mes baisers… Je m'aperçus que je n'étais plus certaine de me souvenir parfaitement de son visage, de son sourire, et cette constatation me troubla profondément.

Je décidais de quitter le continent pour entreprendre un voyage sans réelle destination, simplement pour ne plus être ici, dans la ville qui m'avait tant apportée et où j'avais aussi tant perdu. Sur le pont je regardais le quai comme on attend un miracle. En vain. Pas un visage ami, pas un sourire ni un cri de mon nom d’une voix familière, rien que le silence et le souffle du vent dans mes cheveux me murmurant à l’oreille que tout était fini. Cela n'avait rien de réellement surprenant quand on sait que javais embarquée sur un coup de tête, sans prévenir qui que ce soit. Ma vie allait commencer ailleurs, une nouvelle fois, mais seule. Peut-être le soleil brillerait plus là ou le vent m’emmenait. Peut-être le ciel était-il plus bleu.

J'ouvris mon ombrelle de dentelle et changea de bord pour regarder la mer et laisser mes larmes débordées en un flot salé de sanglots douloureux et silencieux. Il me semblait que je n'avais pas pleurée depuis une éternité, j'en avais même oubliée ce que c'était.

Le lourd vaisseau de bois prit la mer, ses immenses voiles gonflées par le vent, bientôt ce serait l'océan et du bleu à perte de vue. A l’avant du bateau, j'observais des dauphins joueurs ouvrir la voie à ce géant de l’océan. Un instant j'eus l’idée de plonger les rejoindre. Comme c'eut été facile. Plus de peine, plus de larmes ni de déceptions. Pourquoi ne pas aller là où le ciel n’existe pas, là où le jour et la nuit se confondent, devenir une sirène du fond des eaux dans l’immensité froide du monde bleu? J'aurai pu le faire et tout arrêter, retourner aux étoiles et retrouver les miens, les Olhym. Mais je n'aime pas les solutions de facilité, et je pressentais que cette vie pouvait m'apporter encore bien des surprises.

C’est alors qu’une main prit mon poignet et le serra doucement. J'ouvris les yeux et regarda la personne à coté de moi, m'attendant à découvrir un matelot. C’était une ravissante jeune femme mise en valeur dans une robe de velours rouge. Ses cheveux roux bouclés ruisselaient sur ses épaules dénudée en une cascade flamboyante. Je regardais fixement l’inconnue dans ses yeux verts d’émeraude, celle-ci vit dans mon regard une telle détresse qu’elle me prit dans ses bras sans prononcer un mot. Je me blottit et pleura au creux de cette épaule à la peau pâle embaumant d’un parfum enivrant.

Je ne su combien de temps cette chaleureuse étreinte se prolongea mais cette mystérieuse inconnue m'avait offert, avec une telle facilité, ce que j'avais perdu depuis si longtemps: l’espoir. La certitude que la vie c’est pas une suite sans fin de peines, que le soleil brillera à nouveau un beau matin faisant éclore la rose de mon cœur brisé. Ce nouveau monde qui allait m’accueillir serait pour moi la dernière chance. Je voulus parler mais la jeune femme rousse posa délicatement le bout de ses doigts fins sur ma bouche et me sourit. Il me sembla que nuls mots ne devaient troubler cet instant et, comme pour m'ôter le verbe à jamais, elle déposa un chaste baiser sucré sur mes lèvres.

Ce baiser, non content de me laisser sans voix, me tétanisa. Quelle raison étrange avait poussée cette parfaite inconnue à m'embrasser ? Qui plus est devant tant de monde, des marins. N'avait-elle aucune pudeur ni craintes ? Je cherchais désespérément les réponses dans son regard d'émeraude mais elle se contenta de me sourire doucement. Puis elle prit mon bras et se serra contre moi en nous tournant vers l'horizon. Avant de me retourner je jetais un rapide regard inquiet en direction de l'équipage pour observer leur réaction. Eux aussi étaient sous le choc. Une femme sur un navire c'était déjà le malheur assuré. Deux femmes c'était encore pire. Alors deux femmes qui se bécotent...
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 29 Mar - 23:28

Chapitre III


Une île



D'abord sceptiques et réticents quant à l'utilité de l’expérience de la vie physique et mortelle, les Olhym commençaient à suivre mon exemple en voyant ce que cela pouvait nous apporter et s'incarnaient de plus en plus. D'abords une poignée, ils furent bientôt des centaines, puis des milliers. Bien que limité les premiers millénaires, le choix d'un hôte devint vaste au fil du temps, la diversité d'espèces à travers l'Univers est presque infini et un animal peut très bien faire l'affaire même si la durée de l'expérience en est grandement diminuée. J'appris vite à influencer les atomes pour modeler l'épanouissement de mon corps à ma guise. J'atteins rapidement la maîtrise de la perfection. Ensuite cela devint instinctif, le reflet de mon Moi, si bien que tous mes hôtes étaient parfaitement semblables à quelques petites différences prêt glanées au cours de mes vies. Mais retournons à notre histoire...

Cela faisait maintenant plusieurs semaines que le bateau avait quitté le port. L'océan nous avait été clément jusqu'ici, faisant taire au moins une des superstitions de l'équipage. Je m'attendais à ce qu'on nous passe par dessus bord à chaque fois que nous montions sur le pont mais il n'en fut rien. Après tout c'était un navire marchand et nous étions leurs clientes. Durant ces semaines de traversée j'eus tout le loisir de faire plus ample connaissance avec ma jolie rousse provocatrice.

Elle était muette et c'est en l'écrivant que j'appris qu'elle se prénommait Enora. Elle rentrait chez elle par le même bateau, curieux destin que le miens de croiser sa route alors que cette vie s’était écroulée sur elle-même. Nous passâmes le plus clair de notre temps à essayer de m'apprendre à communiquer. Enora se servait de gestes très ingénieux pour exprimer par son corps ce que sa voix ne pouvait dire. Pas étonnant qu'elle fut si sensuelle dans ses mouvements. J'ai une capacité d'apprentissage excellente, aussi cela fut-il assez rapidement qu'elle m'enseigna les bases de son langage.

Nous arrivâmes enfin en vue de Havnor, la destination d'Enora, son île natale. Cet endroit me semblait aussi bien qu'un autre pour y faire, moi aussi, escale. Tandis que notre chaloupe s'approchait lentement de la rive je m'émerveillais à la vue de ce joyau posé au milieu de l'océan. Une terre verdoyante s’offrait à mon regard émerveillé par tant de splendeurs naturelles. L'eau y était limpide à tel point que je pouvais aisément distinguer des bancs de poissons multicolores croiser notre route. Notre embarcation toucha terre dans un doux frottement jusqu'à notre arrêt complet. Les plages de sable blanc dessinaient les contours harmonieux d'une forêt épaisse bordée de palmiers. Ca et là on pouvait apercevoir des maisons aux façades lasurées de blanc dépassants de la verdure faisant face à la mer.

Cette île fantastique était peuplée d’hommes et de femmes accueillants, aux sourires facile et au regard chaleureux qui vinrent à notre rencontre dé notre arrivée, portant des colliers de fleurs incroyables qu'ils nous passèrent autour du cou en cadeau de bienvenue. La flore luxuriante n’avait d’égale que la faune variée et colorée de nuances chatoyantes. Mes sens étaient assaillit de milles odeurs délicieuses qu’un vent doux et tiède portait jusqu'à moi en une caresse délicate. Le sable fin et humide de la plage gardait l’empreint des pas que je laissais derrière moi comme une conquérante sur un nouveau monde. Sa main dans la mienne, nous marchions côte à côte à la découverte de ce pays magnifique n’existant auparavant que dans mes rêves. Celle qui m’accompagnait, ma jolie fleur rousse aux baisers sucrés, était aussi mon guide en ces lieux envoûtants et magiques.

Enfin un peu de repos pour mes pensées maussades et mon cœur tourmenté, ici tout n'était que beauté naturelle à commencé par mon guide aussi séduisante que silencieuse. J'étais hébergée chez elle dans une demeure simple mais confortable, je n’avais d’ailleurs pas remarqué de grandes maisons dans la région avoisinante. Les gens d’ici ne semblaient pas attacher une grande importance aux biens matériels, préférant accorder de la valeur aux sentiments et aux personnes. Pourquoi n'étais-je pas née ici, tout y avait l’air si simple à commencer par la vie elle-même. Peu à peu je n’avais plus mal lorsque je repensais à Layelis, mon cœur cicatrisait lentement aidé par les regards apaisants et la douceur de ma patiente hôtesse. Au fil du temps nous nous rapprochâmes l'une de l'autre et c'est tout naturellement que nous devinrent amantes. Immanquablement, aurais-je envie de dire...

Bien que cela ne soit pas quelque chose de systématique pour tous les Olhym, le sexe constitue, pour une grande majorité d'entre nous, une part importante de notre incarnation. Non que nous soyons pervers ou dépravés, le sexe et l'orgasme, le nôtre ou celui de notre partenaire, est pour nous une chose fondamentale, voire vitale. Etre contrit dans un si petit espace de matière nous affaiblit et nous asphyxie aussi surement et silencieusement qu'un poisson hors de son élément. Atteindre ou participer à un orgasme nous permet, en quelques sortes, de reprendre une bouffée d'oxygène. Expliquer ce phénomène serait trop complexe et métaphysique à décrire en des termes simples. Il me fallut beaucoup de temps pour le comprendre, l'accepter et trouver un moyen de tenir plus longtemps face à cette dépendance mais, à cette époque, je ne savais rien de tout cela. Et c'est ainsi que mes ennuis commencèrent.
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Message  Silwenne Aelfwine Mer 30 Mar - 2:23

Chapitre IV


Retour aux sources



Nous demeurâmes une année entière à Havnor quand vint le temps de repartir. Le navire était de retour, ponctuel, sillonnant les mers et accostant avec la régularité d'un métronome. Le bateau attendait ancré dans la lagune. La chaloupe approcha lentement de la rive, coquille de noix sur les eaux calmes et limpides que les rames venaient heurter en rythme. Le vent soulevait mes cheveux et ma robe avec une indécence m’apportant le rouge aux joues tant ses caresses étaient intimes. Ma fleure rousse au goût sucré me tenait la main alors que je foulais pour la dernière fois avant longtemps le sable de cette plage qui fut mon salut. Nous n'étions alors encore que deux amies très proches sans avoir jamais franchi le cap de la passion. Nous n'osions pas nous abandonner l'une à l'autre sans doutes à cause de cette même peur du rejet. Au lieu de cela, nous nous contentions d'attentions et de gestes tendres, comme deux sœurs complices. Il nous apparaissait donc encore plus incongru de commettre ce qui, à nos yeux, aurait pu être un acte incestueux.

Après quelques encablures et une échelle de corde nous étions sur le pont du navire qui ne tarda pas à appareiller après que nos baguages eurent été placés dans notre cabine. J’inspirais profondément, m’imprégnant de ces senteurs douces et de l’air tiède de cette île si belle que je m’y étais sentie chez moi. Toutes bonnes choses ont une fin mais j’emportais avec moi le plus beau des trésors: Enora. Pourquoi rentrer me direz vous? A cause d’un rêve. Un rêve comme il en existe tant d’autres en chacun de nous, nous permettant de faire face aux pire tourments. Je devais aussi savoir ce qu’il était arrivé à ma famille. Ils étaient forcement quelque part et avaient peut-être besoin de moi. Je ne repartirais pas sans en être sûre. Les doutes peuvent vous ronger toute votre vie et je ne voulais pas cela pour moi. Mais le voyage allait être long jusqu'à la cité qui m'avait vue naître et déjà le vent soufflait fort dans les voiles qui se gonflaient en claquant. Puissent les vents ne point m’en vouloir et m’accompagner avec clémence dans ce voyage de retour auquel je ne m’étais pas réellement préparée…

Une tempête fit rage et le bateau fut ballotté sur les eaux sombres d'une mer déchaînée que le vent attisait de rafales faisant naître à la surface des vagues une armée de petits moutons blanc d'écume. Je commençais à regretter la douce sécurité et la chaleur de notre foyer paradisiaque. Blotties l'une contre l'autre, nous regardions la lanterne se balancer au rythme lent du navire qui se cabrait avant de retomber dans un geyser salé. Le silence de ma douce compagne contre mon cœur me rappelait combien les êtres de chair sont fragiles et combien il est facile de disparaître sans laisser de traces. Dans cette furie aquatique, concert de bois torturé et de hurlements du vent dans les cordages, son souffle chaud sur ma nuque éveillait en moi des désires refoulés depuis longtemps qui remontaient à la surface comme le dernier cri d'un noyé. Mes mains, comme mues par une volonté propre, entreprirent des caresses sur ses épaules nues. Mes lèvres trahirent ma retenue pour baiser cette peau douce et parfumée, docilement offerte à mon exploration timide de ce corps longtemps attiré par le mien et jusque là gardée inexprimée. Pas un mot ne vint troubler ce moment de tendresse, juste nos respirations pour donner écho à la tempête aussi bien au dehors que dans nos corps, dans cette cabine. Nos lèvres s'effleurèrent, le temps fut suspendu, comme pour retenir cet instant magique qui précède le moment où tout bascule.

Brusquement le navire heurta une vague et je tomba à la renverse en entraînant Enora dans ma chute. Nos lèvres virent se seller, son corps sur le mien, deux braises l'une contre l'autre... La tempête se déchaina aussi dans notre cabine ce soir là. Tempête de vêtements qui volent en s'éparpillant en tous sens, comme si une tornade s'était invitée en dévastant tout sur son passage. Aussi longue que fut la traversée je ne la vit pas passer. Nous ne sortions que rarement de notre cabine, à peine le temps pour nous de nous ravitailler ou de nous laver. C'est donc avec étonnement que j'appris la nouvelle de notre arrivée au port prévue pour le lendemain.

Ce retour allait être l'élément déclencheur d'une véritable réaction en chaine dévastatrice pour la vie de nombreuses personnes, en commençant par la mienne. Si j'étais restée à Havnor avec elle tout aurait été différent mais, aurait-ce été mieux ou pire ? Personne ne le saura jamais. Nous aurions sans doute coulées des jours paisibles ensemble. Enfin, quand je dis paisible... Si je n'étais pas rentrée, je n'aurai jamais rencontrer Lorana, Syndrael, Leylia ou même Vincent. Et si je n'étais jamais revenue, je n'aurai pas pu rencontrer Elune non plus. Mais, si j'étais restée là-bas avec elle, Enora ne serait probablement pas morte.
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Message  Silwenne Aelfwine Jeu 31 Mar - 4:00

Chapitre V


Lorsque le soleil s'éteignit



Très vite j'avais commencé à ressentir le manque. J'étais devenue accroc au sexe et au jeu de la séduction. Plus cela semblait impossible plus j'y prenais de plaisir et je devint rapidement une séductrice hors pair. Ce que je n'avais pas prévue c'est que je m'attacherai à mes conquêtes. C'était ma première incarnation en tant qu'être de chair et bien que j'avais grandi dans ce corps tout ceci était nouveau pour moi. J'étais prise dans une spirale infernale, un engrenage inextricable dont l'issue ne pouvait être que fatale.

Au début ce n'était qu'un jeu entre Enora et moi. Je lui servais d'interprète et cela nous amusait de bousculer les convenances par nos provocations. Elle avait comprit que mes besoins étaient tels qu'elle ne pouvait y subvenir seule. Nous étions convenues que nous serions ensembles même lorsque j'attirais une autre personne dans mes bras. Je trahi cette promesse bien vite et, lorsque je rentrais chez nous au petit matin, elle savait que j'étais fautive. Je me faisais honte de lui faire subir autant de peine mais, c'était plus fort que moi. Je sais que cela peut sans doute paraitre facile de dire cela mais c'est la stricte vérité. Si encore elle était restée la seule dans mon cœur, si mes maîtresses n'avaient été que des aventures d'un soir, cela aurait peut-être été plus facile à accepter mais, ce ne fut pas le cas. Bien au contraire.

J'ai multipliée les conquêtes comme d'autres font fructifier leur capital. Chaque fois je me disais que ce serait juste pour une nuit et, chaque fois, je me faisais prendre à mon propre piège. Si bien qu'en très peu de temps j'en suis arrivée à presque une dizaine d'amantes régulières simultanément. Vous imaginez bien que ce fut totalement ingérable, tant au niveau de mon emploi du temps que de ma santé. Je ne dormais que quelques heures, souvent le jour que je ne voyais presque plus, et me nourrissais à peine. Enora savait et me laissais faire, impuissante et pourtant amoureuse. J'étais droguée, totalement dépendante, mais je ne l'avais pas réalisé. Ma réputation ne devait pas être bien brillante mais je m'en moquais éperdument Et pendant que je batifolais, je ne m'apercevais pas que Enora dépérissait et désespérait, comme une braise sur le point de se changer en cendre.

Cela me prit plusieurs mois avant de me rendre compte qu'elle était de plus en plus malade. Lorsque je restais à ses côtés à m'occuper d'elle son mal semblait reculer. Puis, un jour, elle me demanda de choisir... Le choix était simple. Vivre avec elle, et elle seule, ou les autres. En temps normal j'aurai refusée d'accéder à un tel ultimatum et je ne souhaite à personne d'être placé devant un tel choix. C'était pour moi un réel déchirement, un sacrifice, car je le lui ais accordé.

Je suis allez voir mes maîtresses les unes après les autres et j'ai rompu. Comme ça. Un jour on s'aime follement et, le jour suivant, tout est fini, d'un claquement de doigts. Je leur ai balancé ça en pleine figure avec autant de détachement que possible, comme on annonce un décès. Je me suis évertuée à rester froide en leur racontant que je m'étais moquée d'elles et qu'elles ne comptaient pas pour moi, que tout ce qui m'intéressait c'était d'obtenir leurs faveurs intimes. C'était entièrement faux, bien sur, mais je n'avais trouvée que cela, pensant que de me faire détestable faciliterait les choses autant pour elles que pour moi. Cela fonctionna pour quelques unes mais, les autres ne furent pas dupes. C'est pour Lorana que ce fut le plus difficile. Elle comprit tout de suite que mes mots sonnaient faux. Elle me connaissait trop bien.

Je réussi à tenir ma promesse un ou deux mois mais, entre Enora et moi, quelque chose était irrémédiablement cassé. Cela ne se voyait pas, pourtant je le sentais sans vouloir l'admettre. Ma nature reprit le dessus sur ma volonté. J'avais renouée avec quelques unes de mes anciennes compagnes mais, cette fois, je faisais tout pour que Enora ne l'apprenne pas. Ce qui était probablement pire qu'avant puisque je lui mentais en plus de la tromper. Evidemment elle finit par l'apprendre, c'était inévitable.

Un soir, peu avant le crépuscule, je suis rentrée chez nous, à Windhowl. Nous avions déménager à l'autre bout de l'île car, m'avait-elle dit, les routes n'étant pas sûre, cela mettrait une bonne distance et quelques dangers entre ses rivales et moi. La maison était calme, en ordre, silencieuse. Trop silencieuse. A cette heure-ci Enora avait pour habitude de concocter quelques douceurs dont elle avait le secret dans la cuisine. Hors il n'y avait ni bruit de vaisselle, ni la délicieuse odeur de petit plat entrain de mijoter. Je crus d'abord qu'elle était sortie, alors je me suis débarrassée de mon manteau et suis entrée dans la chambre pour le ranger. C'est là que je l'ai trouvée.

Elle était allongée sur notre lit dans sa robe de velours rouge, la même que lors de notre première rencontre, ses boucles rousses étalées sur l'oreiller faisaient comme un couché de soleil. Les rideaux étaient tirés si bien que j'avais du mal à distinguer si elle dormait. Il y avait une drôle d'odeur dans la pièce. C'est en m'approchant du lit que j'ai remarqué la marre de sang sur le plancher, la dague dans sa main, puis ses poignets ouverts. Elle fut la première à perdre la vie par ma faute, elle ne serait, hélas, pas la dernière.
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Message  Silwenne Aelfwine Jeu 31 Mar - 20:05

Chapitre VI


Funeste cortège



Je fis placer la dépouille d'Enora dans un sarcophage de glace runique. Je voulais préserver sa beauté lors du voyage qui me ramènerait à Havnor pour qu'elle y soit inhumée. Je tenais à ce qu'elle soit avec les siens pour y trouver le repos. Peut-être avais-je besoin de me sentir utile une dernière fois pour elle, me faire pardonner aussi même s'il n'était rien qui puisse m'accorder le pardon. D'aucun diront que je n'étais en rien responsable de son geste désespère mais, ce n'était pas mon sentiment. D'un autre coté, en tant que Olhym, la mort ne signifiait pas grand chose. Pour moi elle allait rejoindre les autres âmes et, peut-être, revenir un jour. Tout n'est qu'éternel recommencement et, comme me dit quelqu'un une fois : « Cette énergie n'est que prêtée et, un jour, il faut la rendre ».

Le moment était venu de partir. Le bateau attendait dans les eaux calmes du port. Les préparatifs étaient terminés depuis longtemps et mes quelques biens empaquetés. Syndrael était arrivée la première et nous nous étions étreintes longuement, partageant des mots tendres chargés d’une émotion intense, seules, une dernière fois enlacées. Puis arrivèrent Vincent accompagné de Lorana, Serena et Leylia. Même elle était venue. Une certaine tension pouvait se sentir en cet instant mais ma détermination ne fut pas ébranlée. Je pense qu'elles comprenaient que je devais le faire, au risque de ne me voir jamais revenir.

Je regardais une à une les personnes composant le petit groupe sur le quai comment pour graver leurs visages dans ma mémoire. Il était temps de se dire au revoir, mais j'étais calme, sereine, rien n'aurait pu me retenir tant ma tâche m'étais importante. Je m’avança vers chacune des personnes présentes et les enlaçais de toute ma tendresse, de tout son amour, recevant cadeau de chacune d’elles. L’émotion du moment était grande et belle, presque palpable mais, peut-être mon calme permit que les larmes ne coulèrent pas trop… Carna arriva, suivie de peu par Angel qui joua un air triste sur sa flûte d’argent. C’est un doux sourire aux lèvres que je recula sur la passerelle et salua en envoyant un baiser, mon autre bras chargé d’un bouquet de roses blanches et d’un lys solitaire me symbolisant.

La passerelle fut remontée et les voiles hissées. Debout à la poupe du navire, je regardais la ville réduire tandis que le lourd vaisseau glissait sur les eaux de la baie. Quelques larmes tombèrent dans l’océan alors que les hautes murailles disparurent, le bateau s’éloignant des cotes poussé par le vent. Ce n’est que lorsque la terre ne fut plus visible que je gagna ma cabine, disposant les fleurs dans un vase d’eau douce, un bien précieux en cet endroit, et découvrit, avec un sourire, un lilas jusque là dissimulé. Je ressortie pour aller la proue du navire, ma robe et ses cheveux flottants au vent.

Je regardais la mer et vis une groupe de dauphins joueurs, comme celui figurant sur la broche accrochée à ma poitrine, cadeau d'Enora, sautant devant l’étrave comme pour guider la goélette jusqu’à sa destination. Cette vision raviva un souvenir fort, celui de notre rencontre, et je laissa enfin mes larmes couler en roulant sur mes joues sans la moindre retenue. Dans quelques semaines nous serions arrivées à Havnor, s'en suivrait la cérémonie funèbre.

J'appréhendais quelques peu la réaction que le retour d'Enora morte allait susciter à mon encontre. Ce n'était pas si important, après tout, ils pouvaient même me haïr s'ils le voulaient. Je ne ramenais qu'un corps, Enora n'était plus ici mais, je ne connaissais pas leurs croyances à ce sujet. Ce temps que j'allais passer seule allait me permettre de faire le point sur beaucoup de choses et de décider si j'allais mettre un terme à cette expérience, cette existence, ou la poursuivre.
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Message  Silwenne Aelfwine Ven 1 Avr - 2:51

Chapitre VII


Une étoile de plus



Le soleil dardait de ses rayons sur ma peau d’une pâleur cadavérique. J'étais sur le pont de la goélette, surveillant le bon déroulement de l’embarcation du sarcophage de glace sur un canot qui l’emmènerait jusqu’à la plage. Une fois le cercueil solidement arrimé je descendis à mon tour et prit place, une main posée sur la surface. Pendant que les marins ramaient en cadence je regardais avec une appréhension croissante le petit attroupement d’indigènes curieux venues nous accueillir . Comment allaient-ils réagir alors que je ramenais une des leurs morte? A mon grand étonnement tous restèrent très calme et ne paraissaient point surprit de découvrir que Enora avait finalement succombé au mal qui la rongeait. Je me gardais bien de leur révéler qu'elle s'était hottée elle-même la vie. Ils prirent le cercueil, étincelant sous le soleil, et je les suivis alors qu'ils se dirigèrent vers le village. Elle fut posée sur un lit de feuilles entourée de bougies multicolores. Le sceau runique brisé, la glace fondit lentement caressée par la chaleur de l’astre du jour. Je ne connaissais rien aux coutumes funéraires d’Havnor mais je savais que je serai guidée au mieux. Pour le moment je fus conduite à la demeure familiale d’Enora dont elle était la seule occupante depuis la mort de ses parents. J'allais y demeurer le temps de ma présence ici. J'ouvris les volets et les porteurs déposèrent mes bagages avant de se retirer. Cela faisait plus d’une heure que j'étais à la fenêtre ouverte à contempler la mer lorsqu’un vieux prêtre, au sourire doux et aux yeux malicieux, vint me voir.

- Doux éclat à toi Silwenne. Voilà un bien triste retour que le tiens mais, je suis heureux de te revoir, dit-il en prenant mes mains.
- Doux éclat Vénérable Tharna. Oui triste est le mot… Pourtant les gens ne semblent pas surpris, comment cela ce fait-il?
- Nous savions tous qu’elle était très malade, je lui avais fortement déconseiller de repartir la dernière fois mais… Elle t’aimait tellement. Cœur amoureux ne connaît pas de raison. Mais… Tu es bien pâle jeune fille, es-tu malade toi aussi?
- Hmm… Non, je ne souffre pas, mais mon corps est froid et insensible depuis quelques temps. C’est une longue histoire…
- Hé bien tu auras tout le temps de me la raconter après l’Au revoir, sourit-il en me relâchant les mais. Restes-tu longtemps parmi nous?
- Je ne sais pas… Peut-être quelques mois, vous savez que j’aime beaucoup votre peuple, je me sens bien avec vous.
- Reste autant que tu le voudra, Silwenne, notre peuple est aussi le tiens, tu es ici en famille.
- Merci Vénérable.
- Je voulais aussi te dire quelques petites choses pour la cérémonie en l’honneur d’Enora…

Tharna m'expliqua ce qu’il allait se passer, le processus du rite d’Au revoir, ce que j'aurais à faire et dire, me rassurant et me disant qu’il serait là tout au long des funérailles pour m'épauler et me guider. Puis il prit congé, nous saluant mutuellement avec respect, et je fus à nouveau seule. Les heures s'écoulèrent dans le souffle du vent chaud soulevant les voiles devant les fenêtres mais, malgré la température élevée, les pointes de mes cheveux étaient givrées, chose nouvelle depuis mon départ. Le soir approchait lentement quand quatre vestales vinrent me chercher et me préparèrent. Je fus lavée et parfumée, habillée de la robe de cérémonie, ma chevelure parée d’une fleure blanche, puis menée à la chapelle. Là, le corps d’Enora avait été préparé et habillée tout comme moi et reposait sur un lit de fleurs blanches, ses longs cheveux roux bouclés étalés en corolle, les pieds nus, les mains posées l’une sur l’autre tenant une autre de ces fleurs blanche. Qu'elle était belle.

Une longue et poignante cérémonie commença, je suivais à la lettre ce que Tharna m'avait dit. J'étais profondément émue mais la glace étreignant mon cœur s’était encore durcit et je n’arrivais pas à pleurer. J'étais concentrée sur ma tâche, voulant faire au mieux, pour Enora et aussi pour eux. Son corps fut ensuite emporté et placé sur un bûché érigé sur la plage. On me fit gravir une échelle pour lui dire au revoir, la regardant longuement avant de sentir une perle de glace se former au bord des mes yeux. Lentement je me pencha sur le visage d’Enora qui semblait dormir paisiblement et unis une dernière fois mes lèvres aux siennes dans un frisson de tristesse emprisonnée dans un hivers colossale. Dans un souffle plus froid que ma défunte amante, lui caressant la joue:

- A bientôt mon amour… Nous nous retrouverons peut-être un jour, de l’autre coté des rêves…

Descendant de l'échelle Tharna s’approcha, me tendant une torche enflammée. Je le fixais, l'implorant du regard mais, il ne cillait pas, c’était à moi de le faire. Résignée, je pris une grande inspiration avant de saisir la torche tendue et me retourna pour faire face au bûché, ma main droite, tenant le flambeau, levée et tremblante. Je restais figée ainsi durant plusieurs minutes qui me parurent interminables, puis, prenant mon courage à bras le corps, j'enfonçais la torche entre deux rondins, enflammant immédiatement les branchages et les brindilles. Je m'écartais lentement, ne sentant pas la chaleur des flammes pourtant proches, et regardais le feu œuvrer, les mains posées sur ma robe, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien qu’un tas de cendres fumantes. Les vestales les recueillirent et les disposèrent dans une urne de bois ouvragé, elle même placée ensuite sur un radeau de branches tressées et mêlées de fleurs, orné de bougies qui enflammeraient l’embarcation mortuaire en temps voulu. Tharna m'apporta le radeau et me guida jusqu’à la mer aussi lisse qu’un miroir où je l’y déposais. Le Vénérable incanta une longue litanie et l’urne s’éloigna lentement de la cote dans le crépuscule, vers le soleil couchant qui embrasait le ciel.

Je fis volte face et quitta la plage suivie du prêtre. Les regards que je croisais étaient reconnaissants, les visages paisible et les sourire doux. Ces gens là voyaient la mort avec une philosophie de cycle de vie et de mort d’un éternel recommencement semblable à la mienne. Ils n’étaient pas triste, au contraire, ils étaient heureux d’avoir pu dire au revoir à leur sœur et étaient convaincus qu’ils se retrouveraient sous une autre forme. Je ne regagna pas la maison immédiatement car la tradition voulait qu’une veillée soit tenue où le souvenir de la défunte serait évoqué. Durant des heures ses amis prirent la parole d’un ton tantôt solennel, tantôt ému ou joyeux. Je pris moi-même longuement la parole pour lui rendre hommage, racontant celle qui fut tant dans ma vie, me rappelant ces moment de joies et de tendresse, ces moments doux où tout paraissait si simple et où le temps ne comptait plus, ses rires et ses coups de sang.

La veillée s’acheva et je pris congé non sans recevoir de nombreux encouragements et remerciements. M'en retournant à la maison, le lit avait été fait et mes affaires rangées… D’un geste las je décidais de ne pas chercher à comprendre et tombais, plus que je ne m’allongea, sur le lit sans même me dévêtir, m’endormant presque aussitôt. Je dormis profondément pour une nuit sans rêve, comme soulagée d’un fardeau trop lourd. Enora était avec les siens, ils lui avaient rendu hommage et dit adieu à leur façon et je n'y voyais rien à redire, j'étais venue ici pour cela, du moins en partie… C'était chose faite. Demain serait un autre jour et j'y verrais sans doutes plus clair dans mes pensées, dans mon cœur aussi peut-être mais, je ne voulais pas imaginer mon avenir. Cela n’avait jamais été comme je l’avais voulu alors autant vivre ma vie au jour le jour. Ce soir là, une étoile de plus scintilla dans le ciel au dessus d’Havnor, une petite étoile aux reflets rougeoyants, brillante de mille feux…
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Message  Silwenne Aelfwine Ven 1 Avr - 20:33

Chapitre VIII


L'effet boomerang



Je ne suis retournée chez moi qu'après plusieurs semaines. J'avais grand besoin de me ressourcer et d'évacuer ce froid glacial qui m'avait envahit. Le voyage de retour fut long, mon navire faisant souvent escale pour embarquer et débarquer des marchandises ou des passagers. J'en profitais pour visiter les villes où nous faisions halte sans y trouver de réel intérêt. Le reste du temps je le passais dans ma cabine assise à un petit bureau en écrivant des poèmes à la lueur blafarde d'une chandelle. J'avais hâte de rentrer, de retrouver ceux et celles que j'avais laissés derrière moi. Mais je redoutais également l'instant de ces retrouvailles. Qu'avait-il pu se passer durant mon absence ? Qu'allais-je retrouver, ou plutôt, qu'avais-je perdu ?

Pour être tout à fait franche je n'attendais rien. Ni en bien, ni en mal, je verrai bien. Lors de mon départ Lorana s'était amourachée de Syndrael, Syndrael de Leylia. Si j'étais jalouse ? Oui, je dois bien l'admettre. Qu'elle ironie, n'est-ce pas ? Moi qui avait tant donné de souffrances, et de plaisirs aussi, soyons objectifs, j'avais fini par récolter ce que j'avais semée. Je n'avais, cependant, aucun regret car le passé ne peut être changé et je préfère faire en sorte que l'avenir soit plus beau que le présent.

Lorsque le bateau accosta au port personne n'était là pour m'accueillir. Au fond je préférais cela. Il faisait déjà nuit et la route jusqu'à WindHowl était longue et dangereuse, du moins dans mes souvenirs. Je l'avais maintes fois empruntée lorsque je voulais rendre visite à mes amantes en secret mais, ce soir, je ne m'en sentais pas la force. Où allais-je bien pouvoir passer la nuit ? Tout à ma réflexion en arpentant les rues sombre, je me rendis bientôt compte que je me dirigeais déjà instinctivement vers la maison de Syndrael. Curieux comme des habitudes peuvent revenir vite.

De la lumière à travers une fenêtre m'indiqua qu'il y avait quelqu'un. Je restais là à regarder cette lueur dans la nuit, hésitant entre débarquer et aller frapper à la porte en criant « Surprise! » ou passer mon chemin. Une petite voix intérieur me dit que je ferai mieux de revenir après la nuit pour ne pas réveiller ou juste déranger mais, une autre voix me poussait à aller voir au moins si elle allait bien. Silencieusement je fis le tour par le jardin et m'approcha d'une ouverture. Telle une espionne je risquais un regard par la fenêtre, entre les rideaux. J'en conclus rapidement que j'aurai mieux fait d'écouter la première voix.

Syndrael était bien là mais elle n'était pas seule, ni même habillée. Je la vis allongée sur le dos, un bandage lui enserrant les cotes, les jambes repliées et écartées, avec une autre femmes rousse à quatre pattes devant son antre. Quand celle-ci releva la tête, le visage humide, je reconnu immédiatement ma douce Lorana. Malgré le choc que me provoqua cette vision je continuais de les regarder s'enlacer et s'embrasser amoureusement. Lentement je pris appuis en m'adossant contre le mur. Seul un profond soupir troubla le silence nocturne. Relevant la tête je vis les étoiles scintiller au dessus de ma tête. Ce spectacle m'apaisa et un sourire vint naître sur mon visage. C'était mieux ainsi. Mon absence avait contribué à leur rapprochement. Soit. Puisque tout allait bien pour elles, plus rien ne me retenait sur ce monde.

Fermant les yeux, je choisi de quitter ce corps délibérément. Le moment était venu pour moi de regagner les étoiles, de retrouver les miens. Une vague de lumière aveuglante, blanche et pure, vint illuminer toute la ville. Durant quelques secondes il fit clair comme en plein jour. Puis, aussi soudainement que cela s'était produit, les ténèbres reprirent leurs droits. De mon passage sur cette terre il ne restait plus que les contours brûlés de mon corps sur le mur, et une valise abandonnée.
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Message  Silwenne Aelfwine Sam 2 Avr - 19:32

Chapitre IX


Avalon



L'immensité de l'espace. Pour nous, Olhym, l'espace n'est pas vide, noir et froid. La matière devient énergie, tout prend vie car nous sommes fait de cette énergie. Nous sommes le tout et le tout est nous. Tous reliés, connectés avec la moindre particule. Le temps et les distances, le plaisir et la peine, le réel et l'onirique, tout cela n'a plus aucun sens. Cette première expérience de vie mortelle avait été forte en nouvelles sensations, de toutes ces choses qui m'étaient jusqu'alors inconnues. Le transfert de nos consciences dans ces frêles créatures, vaisseaux de papier livrés à eux même dans les eaux tumultueuses de l'existence, nous apprit à interpréter l'Univers sur un plan différent de ce que nous avions l'habitude de voir. Je n'avais pas besoin de raconter ce que j'avais vécue aux autres Olhym. Ils savaient déjà tout dans le moindre détail comme s'ils lavaient vécu eux même. Je ne voulais pas en rester là et je pris la décision de rapidement tenter une nouvelle incarnation.

Je sentais qu'une petite fille était sur le point de naître, quelque part. A l'instant même j'étais au dessus de ce nouveau monde, ma pensée flottait librement devant cette boule bleue. Je pouvais distinguer de grands continents, des océans et des mers. Le climat paraissait tempéré, les terres émergées disposant de forêts, de montagnes enneigées, de déserts. Un lieu idéal pour le développent de la vie. Me rapprochant rapidement de ma destination je vis apparaître une île toute ronde et d'un vert magnifique. Au centre je pouvais distinguer un autre petit cercle parfait formant un lac, bordé d'une prairie et de collines, bordées ensuite d'une grande forêt. Toute l'île était entourée d'une épaisse brume, comme un rideau la cachant de l'existence du monde extérieure.

Ma futur mère allait me mettre au monde. Elle irradiait un flux d'énergie communément appelée Mana et qui faisaient comme de légers filaments bercés par un vent mystique. Elle est très belle. Elle est grande et élancée, le port altier. Ses longs cheveux d'un blond platine sont fins, son visage d'une beauté saisissante et ses oreilles délicatement pointues ne font qu'ajouter à son charme. Je remarque à présent qu'un autre bébé est né juste avant moi. Des jumelles ? Lentement je me glissais dans ce qui allait être mon vaisseau mortel sur cette terre. Ce n'était que ma deuxième incarnation. Aujourd'hui encore je ressens comme un malaise à entrer dans un carcan aussi étroit, moi qui suis née de l'Univers infini. Mais, étrangement, c'est aussi une excitation à l'idée de toutes ces promesses de sensations. Je ressenti une douleur lorsque mes poumon se remplirent d'air la première fois, ce qui me fit pousser des cris perçants. Mes souvenirs furent scellés.

J'ai deux mois. Maman n'est pas là, papa nous emmène en balade dans la grosse maison en bois, ma sœur et moi.

J'ai trois mois. Je ne sais pas où sont maman, papa et ma sœur. Qui sont ces gens qui s'occupent de moi ?

J'ai un an. Je ne me souviens plus très bien de la femme aux cheveux blonds. J'aime maman et papa, ils sont si gentils, mais j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose.

J'ai deux ans. Je joue à la ferme, j'aime bien m'occuper des lapins. La maison est isolée et je n'ai personne d'autre avec qui jouer.

J'ai huit ans. Il a fait très chaud aujourd'hui. Papa est mort. Il est tombé d'un seul coup en revenant des champs. Un prêtre est venu à la maison et il a fallut que je mette un bandeau autour de ma tête pour cacher mes oreilles. Maman m'a dit de ne jamais les montrer en public car les gens auraient peur et pourraient devenir méchants.

J'ai douze ans. J'ai de plus en plus souvent le sentiment qu'une partie de moi me manque. Maman ne s'est pas remariée et elle n'est plus triste comme avant. Il m'arrive parfois d'avoir l'impression étrange que l'on m'observe quand je suis dehors.

J'ai quatorze ans. Aujourd'hui c'est jour de marché. Je suis contente, ça change de la routine et des travaux de la ferme. Cela me permet de voir du monde même si je dois toujours porter un chapeau ou un bandeau. Nous vendons des œufs, des lapins et des poules. Maman a revendus une grande partie des champs dont l'entretient était devenu trop dur à nous deux. Il y a plein de gens de mon âge au village, et même quelques jeunes filles très jolies. J'aimerai bien revenir plus souvent.

J'ai seize ans. C'est décidé : je vais partir de la ferme. J'en ai assez de cette vie isolée, j'ai envie de voir des gens, de découvrir le monde. Les autres filles de mon âge sont généralement déjà mariées. Cela ne m'intéresse pas mais je suis une adulte et le temps est venu pour moi de quitter le nid.

Ainsi je fis mes maigres bagages et pris ma fidèle jument, Cannelle, avec moi pour partir à l'aventure. J'eus une drôle d'impression de déjà vu en montant dans le bateau. Ma monture fut installée à la cale des marchandises, dans un coin réservé aux animaux. La traversée ne durerait pas longtemps, à peine quelques jours. Ensuite ce serait un monde nouveau qui s'offrirait à moi, plein de mystères et de personnes à découvrir. J'étais loin de m'imaginer dans quel guêpier j'étais sur le point de tomber.
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Message  Silwenne Aelfwine Lun 4 Avr - 18:55

Chapitre X


Les ennuis commencent



Quelque part sur la côte, dans un grand port marchand, une goélette à quais débarque des passagers tandis que les marins s'affairent au chargement et déchargement de tonneaux et de caisses. Je descends de la passerelle, revêtue d'une robe vert pâle fendue jusqu'à la taille laissant apparaître un pantalon de la même étoffe. Sur mes épaules est jetée une cape à la douce teinte des sous-bois, maintenue par une broche de forme compliquée d'entrecroisements en tous sens. Replaçant une mèche rebelle derrière mon oreille droite pointant délicatement vers les cieux, bien cachée sous ma capuche, mon bracelet glisse le long de mon avant-bras. C'est mon seul véritable bijou: un bracelet d'argent portant des runes gravées sur toute sa surface, sertit en son centre d'une pierre d'un bleu profond, peut-être un saphir, qui semble ne faire qu'un avec l'ensemble. Je l'ai depuis mon enfance. Sa magie étrange fait qu'il s'adapte à mon poignet de telle sorte que, pour ainsi dire, il a grandit en même temps que moi.

Derrière moi suit Cannelle, ma jument à la robe caramel, la crinière tressée. Là, j'observe la ville, laissant mon regard flotter de façades en devantures, caressant distraitement l'encolure de l'animal. Un hennissement me tire de mes pensées, je lui sourit et prend doucement la bride avant de pénétrer dans la cité qui, malgré l'heure matinale, grouille déjà d'une forte activité. Marchant dans les rues, regardant avec curiosité ce que la ville offre à mes yeux, je flâne avec insouciance, m'arrêtant parfois devant un étal pour y acheter quelques provisions pour la route. J’atteins finalement à la sortie de la ville portuaire, monte en selle, et fais avancer ma monture au petit trot.

Je suis à la fois excitée et effrayée par ce qui m'attend, ce pays inconnu me promet l'aventure et le dépaysement que je cherche. Je ne serai pas déçue. Cheminant sur les routes dans la campagne verdoyante et les forêts, je prends mon temps, faisant halte pour me restaurer et me reposer aussi bien moi que Cannelle. Terminant mon repas j'éteins le feu et lève les yeux vers le ciel, faisant une petite moue en apercevant les amoncellements de nuages à la teinte acier annonciateurs d'un orage prochain alors que la lumière du jour décline. Ainsi je reprends la route en quête d'un endroit pour m'abriter de la pluie et pour y passer la nuit.

Une pluie drue tombe déjà depuis plusieurs minutes quand j'aperçois la forme massive d'une grange se découper au loin. Cannelle part au galop et nous arrivons trempées à la masure vétuste dont une porte est restée ouverte et par laquelle une lueur diffuse est visible. Pénétrant à l'intérieur avec prudence, suivit de la jument, je vois un homme allongé sur le flan, une lanterne renversée à coté de lui. De son dos, sous l’omoplate gauche, sort un carreau d'arbalète et le sang macule le haut de ses vêtements ainsi que le sol boueux. L'homme doit être inconscient ou mort car il n'a pas bougé quand je me suis enquit de sa santé. Doucement je m'approche jusqu'à poser un genou à terre à coté du corps inanimé, posant une main sur son épaule pour le retourner. La douleur doit le réveiller et il ouvre les yeux où se lisent la peur et la souffrance. L'une de ses mains se pose sur la mienne. Je sursauta et me retrouve sur mon séant, essayant de m'éloigner aussi vite que possible, finissant acculée contre un ballot de paille. D'une main fébrile je saisi la dague ciselée logée dans ma botte, la brandissant devant moi en tremblant. L'homme me fixe, le teint devenu pâle par la perte de sang. Il grimasse un sourire en me voyant faire et est prit d'une quinte de toux.

– N'a… N'ap… N'approchez pas! Je sais m'en servir ! Dis-je la voix tremblante.
– Je n'en doute pas un ins… Instant, jeune fille… Mais je ne pourrai même pas vous gifler… Même si je le voulais.

Je jauge rapidement la situation et je comprends que cet homme n'est pas un réel danger. Il a surtout besoin d'aide, et vite.

– Hmm… Oui, vous m'avez l'air mal en point.

Rengainant ma lame dans son logement, je retourne près du blessé, oubliant mes craintes en un instant. Le manipulant avec plus ou moins d'attention, j'ausculte rapidement la plaie en rapprochant la lanterne, me servant de mes maigres connaissances acquises avec ma mère. Il est difficile de comparer un lapin ou un mouton avec homme mais, il s'en contentera surement. Je peux voir à la forme de l'ouverture que la pointe du carreau est conique, ce qui m'arrange bien car cela m'évitera de charcuter le blessé. Me relevant, je vais chercher le nécessaire dans les sacoches de ma monture et revient avec du tissu, des onguents mon petit nécessaire de couture que j'ai prit soin d'emporter. Une fois le tout préparé et disposé, je saisi fermement la partie du carreau sortant du dos, le tenant à la base.

– Attendez ! Vous êtes sûre de… De ce que vous faites ? Dit-il en tournant la tête vers moi.
– Non, mais si vous le gardez et qu'on n'arrête pas le saignement vous mourrez vite de toutes manières, alors autant tenter de vous soigner, à moins que…
– Non, non, vous devez avoir raison… Tirez quand…

Je tire d'un coup sec avant qu'il ait terminé sa phrase pour profiter de l'effet de surprise. Ignorant le hurlement de l'homme, je place immédiatement des compresses de tissus sur la plaie en appuyant fortement. J'attends ensuite un moment que la tache carmin ne grandisse plus et je retire les morceaux d’étoffes souillées avant de le recoudre et de badigeonner la blessure d'une mixture verdâtre, jetant de temps à autres un regard vers l'inconnu qui semble toujours conscient et haletant. Au moins il est toujours en vie et il a cessé de gémir. De nouvelles compresses propre et des bandages finissent le soin et je le traine pour l'amener vers les ballots de paille. Nous avons besoin de repos. Je prends le temps de l'observer alors qu'il dort. C'est un homme d'âge mûr, les cheveux et la barbe poivre et sel, ses quelques rides lui donnent un air rassurant. Il est vêtu d'une robe bleu nuit dissimulant une armure de cuir légère. Pas de bagages, apparemment…

D'un seul coup je réalise que celui qui a tiré sur le vieil homme est peut-être à sa recherche. Prise de peur, je coure ramasser la lanterne et éteint la flamme, plongeant le lieu dans l'obscurité. Je me hâte de disposer de la paille sur le sang et de cacher ma monture avant de refermer la porte, non sans avoir jeté un regard inquiet au dehors. Si celui qui a tenté de tuer l'homme revient, s'il l'a suivit… Je retourne près du blessé qui dort toujours profondément. Adossée contre un ballot, à l'écoute du moindre bruit, le cœur battant au plus petit craquement suspect, je veille mon mystérieux blessé. Mais le sommeil me rattrape vite et je fini par sombrer accompagnée d'une pensée confuse : « Ca commence bien… »
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 5 Avr - 20:52

Chapitre XI


Maître Andrew



Je m'éveille alors que le soleil est presque à son zénith dans le ciel encore chargé de nuages anthracite. L'humidité flotte dans l'air avec une odeur d'herbe et de mousse, une légère brume s'élève de la terre gorgée d'eau et au dessus de la cime des bosquets. J'ouvre les yeux et vois l'homme feuilletant un gros livre. Nos regards se croisent, il referme son ouvrage dans un claquement et me souris après l'avoir rangé prestement. Il semble aller mieux, la mine reposée. Soit la blessure n'était pas si profonde qu'elle n'y paraissait, soit mes soins ne sont pas si faibles que cela. Je me redresse et m'assied, de la paille dans les cheveux, en m'étirant et en baillant.

– Vous avez bien dormi ? Me demande-t-il.
– J'ai connue mieux mais, merci. Comment va votre dos ?
– Oh, bien mieux grâce à vous, merci. C'est encore douloureux mais c'est nettement plus supportable, et surtout, je suis vivant, c'est à vous que je le dois.
– Je n'ai fais que ce que je pouvais, vous savez, bien peu en fait. Il faudra quand même surveiller, au cas où…
– Vous auriez très bien pu vous enfuir en laissant un inconnu mourir, peut-être un voleur ou un assassin. Ou même me dévaliser !
– Allons, ne dites pas de sottise. Je ne pouvais pas vous abandonner ainsi.
– Oui, vous avez probablement raison… Mais, vous devriez faire plus attention. Vous avez faim ?

Sans attendre de réponse il sort un peu de nourriture et un torchon de sa sacoche, disposant le tout avec soin sur un ballot de paille qui fait office de table. Il y a des fruits, du pain et de la viande séchée. Me tendant une belle pomme en souriant :

– Tenez, goûtez, ces pommes sont délicieuses.
– Merci, messire… ?

Prenant le fruit, j'en croque une bouchée aussitôt après l'avoir frotté contre l’une de mes manches, attendant qu’il se présente.

– Ah oui, j'en oubli les civilités, pardonnez-moi. Je me nomme Andrew Cuthill, modeste mage parcourant le monde, dit-il en s'inclinant. Et quel est le doux nom de mon ange gardien ?
– Silwenne Ethael, enchantée.

J'ai répondu sans même réfléchir. Pourquoi ai-je donné ce nom? Il me semble familier, j'ai même le sentiment que c'est le miens mais, pourtant, ce n'est pas ainsi que mes parents m'appèlent. C'est une curieuse sensation de ne plus être certaine de son propre nom.

Nous déjeunons tout deux en discutant paisiblement, ainsi j'apprends qu'il voyage depuis de longues années dans le but de parfaire son art, à la recherche d'un maître capable de lui enseigner ce qu'il ignore encore, ou fouillant les bibliothèques en quête de grimoires oubliés… Il reste vague sur l'identité de ses agresseurs, me disant simplement qu'il a en sa possession un objet que d'autres veulent, et qu'ils sont prêts à tuer pour l'avoir. Je lui ai sauvé la vie mais Andrew reste sur la réserve, peut-être pour me protéger, à moins que ce ne soit réellement de la méfiance. Il m'apprend également que ses poursuivants sont morts, mais il s'attend à en voir d'autres leurs succéder bientôt. Je pense que cette histoire est véritablement inquiétante, ce pays hostile, tout du moins ce qu'il m'a été donné d'en voir pour le moment.

Nous parlons longuement dans la grange, moi de mon pays et de mon enfance sans père, lui de ses voyages et de sa soif de savoir. Pour me remercier de l'avoir aider il me propose de m'initier à la "Magie des Mots", comme il dit. Au cours de la conversation il n'a de cesse de jeter des regards à mon bracelet mais ne dit rien, essayant d'être le plus discret possible, de ne pas paraître impoli.

Nous décidons de faire chemin commun à la fin du repas, aussi nous prenons la route tout deux à pieds, Cannelle nous suivant tranquillement. En début d'après-midi nous arrivons à un village et Andrew achète une monture pour un bon prix. Bizarrement il choisi un vieux cheval bon pour finir sa vie dans un pré. Rien d'étonnant qu'elle soit si peu chère ! Je le lui dit mais il insiste pour prendre celui-ci plutôt qu'un autre plus robuste. Après tout pourquoi pas, ce sont ses deniers, mais je doute que Orage, comme il l'a baptisé, ne tienne bien longtemps à une course si nous devions galoper pour échapper à des poursuivants.

A la nuit tombée nous faisons halte sous le couvert d'une vieille hutte de branchages dans une forêt. Les chevaux paissent et j'ai fait un petit feu qui dégage peu de fumée, malgré l'humidité du bois, pendant qu'Andrew est parti faire cueillette de baies sauvages. Au cours du dîner il ne pu s'empêcher de fixer mon bracelet sans même s'en rendre compte, mais, cette fois, cela ne m'échappe pas et je lui tends alors le bras portant le bijou avec un petit sourire.

– Regardez de plus près si vous voulez…
– Euh… Oui… Veuillez excuser ma curiosité mais…

Il s'essuie les mains et prend le bracelet entre deux doigts, suivant les symboles de l'index de son autre main. Il plisse les paupières, concentré sur les inscriptions gravées ainsi que sur la pierre centrale.

– Ces inscriptions m'intriguent depuis un moment… J'y ai pensé toute la journée ! Et cette pierre qui semble avoir fusionnée avec le métal... Très intéressante...
– Vous savez les lire ?
– Hmm… Ce sont des runes, je crois mais, très anciennes et de forme peu commune, je n'en avais jamais vu de semblables…
– Je l'ai depuis toujours, il est magique, mais vous deviez vous en douter. La seule chose que je sache à son sujet c'est qu'il s'adapte à mon tour de poignet, comme s'il voulait ne jamais quitter mon bras…
– Fascinant ! Mais je ne pense pas que cela soit sa seule utilité… Hmm… Je dois regarder si j'ai quelque chose qui parle de ça dans mes ouvrages…

Sitôt dit, il lâche mon poignet et sort un gros livre qu'il commence à feuilleter rapidement sous mon regard amusé alors que continue de picorer quelques baies. Il chausse de lourdes binocles et lit longtemps, tellement longtemps que quand il referme son dernier livre et le pose sur la pille constituée de trois autres ouvrages, je rêve éveillée en fixant les flammes. Le claquement des pages me tire de ses pensées.

– Rien... Il me faudrait consulter les grimoires de la grande bibliothèque Royale, là au moins j'aurais une chance de trouver un indice, une piste !
– Vous savez… Ce n'est pas si important que cela.
– Mais, je suis curieux et en soif de savoir, me dit-il dans un sourire. Bien! Laissons cela de coté pour l'instant, que diriez-vous de recevoir votre première leçon ?

C'est ainsi qu'il entreprend mon apprentissage en m'inculquant les premiers préceptes de l'art dont il se vœu maître, lui qui se dit éternel élève, jusque tard dans la nuit, sous les étoiles bienveillantes d'une terre encore inconnue…
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Message  Silwenne Aelfwine Mer 6 Avr - 19:42

Chapitre XII


La traque



Le lendemain, Andrew me raconta comment il en était arrivé à être poursuivit et sa vie menacée. Quelques jours auparavant il avait fait halte dans un monastère et découvert par hasard un passage secret menant à une salle remplie de parchemins ainsi qu'un coffret scellé magiquement. Il avait préféré ne rien toucher et aller prévenir les moines de sa découverte mais, il fut assommé en chemin pour être ensuite jeté dans un cachot. A son réveil il avait réussit à s'échapper en utilisant ses sortilèges. Malheureusement sa monture attira l'attention et il fut pris en chasse par deux cavaliers.

Après un petit déjeuné simple mais nourrissant, nous décidons de retourner au monastère pour enquêter et voir ce qu'il est arrivé. Ce qu'il reste de l'ancien monastère ne sont que ruines livrées aux lierres et à la luzerne, si bien que nous devons batailler avec la nature pour nous frayer un passage dans ce labyrinthe de verdure et de murs à demi écroulés. Surprenant comme la végétation a vite reprit ses droits. Ca et là subsistent les vestiges de gravures ornementales, vitraux brisés et des statues que j'admire tout en suivant Andrew dans sa progression pour retrouver l'emplacement du mur pivotant, s'il existe toujours. Cela fait déjà presque une heure passée à fouiller les décombres que nous découvrons ce qui fut une bibliothèque. Nous avons retrouvé la salle avec le mur mais un problème persiste: comment activer le mécanisme alors que la partie extérieure de celui-ci a été détruite… Andrew s'approche, s'accroupit devant le mur et réfléchit. Tout en cherchant une solution il me regarde, puis le mur, puis à nouveau moi.

– J'espère que tu ne penses pas à me lancer contre ce mur de pierres…
– Me servir de toi comme d’un bélier ? Hmm… C'est une idée. Mais je pense avoir trouvé mieux.

Souriant tout deux avec complicité, il prend son grimoire et le feuillette à la recherche du sort adéquat, s'arrête en pointant son index sur une page et lit les mots de pouvoir du sortilège en touchant la surface du mur faisant comme s'il écrivait quelque chose sur un coté. Il ne se passe rien dans l'immédiat et je crois tout d'abord que le sort est inefficace quand, de l'endroit qu'Andrew a touché, il me semble que la pierre devient molle, comme une sorte de boue épaisse. Le mage modèle cette matière comme s'il s'était s'agit d'argile, creusant une ouverture. Je commence à comprendre pourquoi il m'a ainsi jaugée car, en effet, si l'ouverture est trop petite pour lui, je suis en revanche assez fine et souple pour cela. Je se débarrasse du superflu et me glisse par l'ouverture crée. Andrew me fait passer une torche que j'allume à l'aide d'un mot, le premier sort qu'il m'a apprit. Il me sourit alors en me voyant faire :

– Nous formons une bonne équipe. Sois prudente et n'ouvres pas le coffret, prends-le simplement. Ne touche à rien d'autre et…
– Oui, oui, oui… Ne t'inquiètes pas, je reviens vite.

Je lui fait un clin d'œil et déjà je descends l'escalier, la lueur de la torche s'estompant à la vue d'Andrew resté devant le trou, guettant mon retour. Il s'écoula quelques interminables minutes avant que je ne réapparaisse portant le coffret sous un bras. Je suis couverte de soie arachnide jusque dans mes cheveux longs sur lesquelles la toiles s'est collée, un sourire enfantin figé sur ses lèvres. Après avoir posé la torche à coté de moi, je m'apprête à lui faire passer le précieux coffre quand une idée me traverse l'esprit. Et s'il s'était servi de moi dans l'unique but de le lui faire aller chercher, s'il m'abandonnait en refermant le mur après qu'il ait eu ce qu'il voulait ? Mon doute soudain doit se lire dans mes yeux car il me dit avec douceur :

– Passes la première si tu veux…

Je le jauge longuement du regard avant de prendre ma décision et de lui faire confiance. Je lui tend finalement la boîte. Il la saisi et la pose au sol avec précaution puis, prenant une de mes mains, l'aide à sortir. Un hennissement de Cannelle attire notre attention, tournant tous deux tête dans la direction de l'appel. Nous nous précipitons à l'extérieur pour voir ce qui rend la monture aussi nerveuse, craignant une meute de loups, fréquentes dans la région, et nous voyons trois silhouettes se découper au sommet d'une colline. Malgré la distance je n'ai pas de mal à les voir et, plissant les paupières, je peux décrire sommairement les tenues des hommes masqués d'un foulard rouge à Andrew qui pâlit à vue d'œil. Bientôt les cavaliers font partir leurs montures au galop dans notre direction. Le mage recule jusqu'à se retrouver acculé contre un mur de l'ancien lieu de prières, laissant tomber la boite à ses pieds.

– Ce sont eux… Ils m'ont retrouvé… Il faut fuir… Vite !
– Quoi ? Mais qui sont-ils… ?!

Andrew parait complètement paniqué, lui si calme et souriant d'habitude a perdu tout sang froid et saute déjà sur le dos de Orage alors que les trois cavaliers s'approchent à vive allure. Je ramassa le coffret et le fixe à ma selle, rabattant la couverture par-dessus tout en surveillant à la fois le mage et les cavaliers qui se rapprochent à vive allure.

– Vite, Silwenne ! Ils vont nous tuer ! Fuis !
– Quoi ?!

Puis Je comprends que « ils » ne sont autres que ceux qui l'ont attaqué et blessé d'un carreau d'arbalète dans le dos, ne manquant de le tuer que de peu. Ils doivent nous suivre depuis longtemps ou bien attendre le retour du mage en ce lieu. Je saute sur le dos de mon cheval et talonne vivement. Cannelle se cabre et part dans un galop rapide, plus rapide que celui des montures de ce pays, et je distance rapidement Andrew alors que Orage donne déjà tout ce qu'il peut malgré son âge. Je dois ralentir pour ne pas le laisser seul contre les brigands mais il me cri de ne pas l'attendre et fait volte face. Terrorisée, j’obéis à mon ami alors qu'il commence à invoquer un puissant sort d'une voix grave tout en faisant de grands gestes. Nos poursuivants sont très proches, l'un d'eux épaule une lourde arbalète en me visant. Le projectile siffle prêt de l'oreille du mage en pleine concentration, son aura prend l'apparence d'une nappe de feu. Le carreau vient frapper Cannelle à la croupe, telle la foudre, la faisant hennir de douleur, mais elle ne s'arrête pas. Au même instant un mur de flammes se dresse entre Andrew et les cavaliers dont les montures, surprises et apeurées, freinent brutalement. L'arbalétrier, qui a les mains occupées à tenir son arme, est désarçonné et vol à travers le brasier, ses vêtements prenants feu aussitôt. L'un des brigands contourne l'obstacle ardent en dégainant une épée de son fourreau tandis que le mage enchaîne avec un sortilège de protection pour le soutenir dans sa fuite. Il est sur le point d'achever son incantation, perturbé dans sa concentration par les hurlements du tireur et le stress du combat, quand il voit un mouvement sur sa gauche. Il n'a que le temps d’écarquiller les yeux en apercevant l'éclat d'une lame s'abattant sur lui avant que sa tête ne soit séparée de son corps. L'assassin regarde le cadavre décapité glisser lourdement au sol puis, détachant son regard de sa victime, fixe l'autre bout de la route. Il cherche des yeux, scrutant l'horizon, mais il n'y a nulle trace de moi: Andrew a réussi à me protéger au péril de sa vie… Contournant à son tour le mur de feu qui s'estompe progressivement, le dernier homme vient rejoindre son compagnon et suit son regard.

– Mac a touché son ch’val, l'ira pas loin…
– Suivons les traces de sang, nous nous occuperons d'elle cette nuit.

Ils repartent au galop en laissant le théâtre du combat tel que. Ils savent que le feu a détruit tout ce qui pouvait permettre de lier leur ami à leur groupe. La traque continue et, bien qu'ils ont perdu un compagnon d’arme, peut-être même un ami, ils sont prêts à aller jusqu'au bout pour accomplir ce qui leurs a été ordonné, d'autant que je n'ai rien de particulièrement intimidant… Je serait une proie facile.
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Message  Silwenne Aelfwine Jeu 7 Avr - 18:53

Chapitre XIII


Prise au piège



J'ai chevauchée longtemps pour mettre autant de distance que possible entre mes poursuivants et moi. Au galop d’abord, puis je due ralentir pour ménager ma jument blessée. J'ai retiré le carreau d’arbalète qui a blessé Cannelle sans même m'arrêter mais, la plaie saigne encore avec abondance. Je pénètre alors dans la forêt bordant la route pour soigner ma monture et la laisser se reposer. Je m'écroule sur un tronc d'arbre mort, prends mon visage entre mes mains rougies du sang de l'animal, et laisse ma peine s'évacuer en un flot de larmes. La marée salée de mes yeux émeraude semble intarissable. Je sais qu'Andrew est mort, et l'état de Cannelle est des plus alarmant, à tel point que j'ignore si elle survivra sans un repos de longue durée et des soins quotidiens appropriés. Me laissant glisser au sol je m'allonge sur le coté en position fœtale avant de fermer les yeux, sans faire de feu ni même manger.

Tapis dans un buisson tout proche, deux paires d'yeux m'observent depuis déjà une poignée d'heures au moment où je fini par m'endormir. Les deux hommes ont suivi ma piste en remontant les traces de sang et guettent le meilleur moment pour passer à l'action. La jument est couchée sur le flan, ma fidèle monture a finalement succombé à un lent poison dont avait été recouverte la pointe du projectile et elle est morte doucement, sans même souffrir, se couchant d'abord, épuisée et engourdie avant de fermer les yeux à jamais. Le plus petit des deux hommes chuchote à son complice :

– Allez, viens… On va s'payer du bon temps avant d'la tuer…
– Mouais. On peut aussi la tuer avant comme ça elle ne se débattra pas…
– Nan, moi j'aime bin qu'ça gigote…

Tel des serpents, ils rampent dans les fougères jusqu'à arriver près de ma couche. Mon sommeil est agité de visions cauchemardesques, revivant sans l'avoir vue la mort de mon ami. Lentement, le petit contourne le campement pour me prendre à revers au cas où je me réveillai et essaierai de m'enfuir. Il avance tassé, prêt à bondir sur sa proie, quand une branche sur laquelle il a posé le pied craque. C'est en sursaut que je réveille en pleine nuit, me redressant d'un bond, affolée et le regard encore voilé scrutant les ténèbres de la forêt.

– Le sang… J'ai laissé ma trace… Ils vont…

Une violente douleur vient me donner raison, me vrillant la nuque, et je perd connaissance en m'effondrant lourdement, assommée par la garde de l'épée du plus grand qui était juste derrière moi. Aussitôt le deuxième me saute dessus et me ligote solidement poignets et chevilles avant de placer un bâillon sur ma bouche. Il se redresse et commence déjà à vouloir retirer son pantalon. Le premier, toujours l'épée à la main, se penche sur moi et regarde pensivement mon visage aux traits fins, découvrant la pointe délicate de mes oreilles.

– Réveille-là maint'nant, j'vais la faire frétillée comme un gardon, héhé !
– Non, attend, dit-il en levant sa main libre vers son acolyte. Ne l'abîmes pas… J'ai une bien meilleure idée…

Un sourire mauvais se dessine sur ses lèvres alors que son compagnon grimace bêtement en se demandant ce qu'il pouvait bien exister de mieux à faire avec moi que de me violer tout de suite. Haussant les épaules il remonte son pantalon tombé à ses chevilles et écoute avec attention le plan que son comparse vient de lui suggérer…
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Message  Silwenne Aelfwine Sam 9 Avr - 18:07

Chapitre XIV


Maîtresse Ananké



J'ouvre les yeux sur des ténèbres, ma tête me fait souffrir et tourne, ce qui me rassure à moitié en me disant que cela prouve que je suis toujours vivante, du moins pour le moment. Soudain j'ai l'impression que la terre tremble. En voulant m'étirer je m'aperçois que mes mouvements sont entravés par des cordes. Je mets quelques minutes pour retrouver un peu mes esprits et analyser la situation. Je suis attachée, les yeux bandés et bâillonnée, recroquevillée en position assise dans ce qui doit être une caisse ou un tonneau à en juger par l'odeur de vieux vin. De l'extérieur me parvient un bruit de grincement métallique qui se répète sans cesse, celui des sabots d'au moins un cheval ainsi que la voix d'un homme qui chante une chanson paillarde. Il me semble que je me déplace sur une route cahoteuse, j'en conclue que je dois être dans une charrette ou quelque chose comme cela. J'essaie de me lever en poussant le couvercle du tonneau mais je me sent faible, sans forces, et la douleur qui me martèle les tempes me fait perdre à nouveau connaissance.

Je me réveil par des bruits de chaînes et de caisses. La charrette est arrêtée et soudain le monde bascule : quelqu'un décharge les tonneaux, le mien y comprit, en les faisant rouler sans aucun ménagement. Je me cale contre les parois pour éviter d'être ballottée de tout cotés. Cela dure un moment durant lequel j'essaye d'imaginer le chemin, tantôt plat ou caillouteux, tantôt le tournoiement s'accélère dans une descente, et les descentes sont nombreuses. Cela cesse enfin et le tonneau est redressé sur sa base. Quelqu'un frappe sur le couvercle et j'entends une voix au-dessus :

– 'tention la d'dans !

Je me tasse autant que possible dans le fond du tonneau. Dans la seconde qui suit quelques coups de hachette brisent le bois et je sent que des mains m'empoignent pour me sortir et ma traîner, plus que je ne fus portée. Je suis finalement jetée négligemment au sol. Sous mes doigts je peux sentir un tapis épais. Une puissante voix d'homme résonne dans ce qui devait être une immense salle.

– Otez-lui ses liens et laissez-nous.

On me libère de mes entraves et du sac que j'avais sur la tête. Les deux hommes qui m'avaient emmenée dans la salle se retirent aussitôt, refermant une lourde porte bardée de fer derrière eux. Je cligne des yeux et observe l'endroit ou je me trouve. C'était une grande pièce creusée à même la roche, éclairée par une multitude de bougies disposées un peu partout. Sur les murs sont accrochées des tentures, des tapis et des peaux recouvrent presque toute la surface du sol. Une cheminée centrale chauffe la salle, la fumée s'évacuant par une ouverture dans le plafond, et à l'autre bout de la pièce se dresse un trône massif en pierre sculpté flanqué de deux armures étincelantes. Sur le trône est assit un homme à la musculature impressionnante et couvert de cicatrices, le crâne rasé, le teint pâle, qui me fixe froidement. Il ne bouge pas d'un cil, m'examinant avec un air de méprit. A coté du trône se tient une inquiétante silhouette vêtue d'une longue capeline d'un noir profond et insondable, une main posée sur le dessus du dossier. La capuche rabattue masque les traits du visage de l'inconnu créant comme gouffre ténébreux. Je reste à genoux, pétrifiée de peur, lorsque la forme s'avance de quelques pas et lève une main griffue vers la porte qui émet un bruit de verrou métallique. L'homme ne bouge pas, à bien y réfléchir, il ne semble même pas cligner des yeux qu'il a toujours fixés sur moi. La forme sombre rabaisse le bras et continue de s'approcher lentement. Arrivée à ma hauteur elle tourne autour de moi, me détaillant alors que je la suit des yeux. Il émane de cette silhouette une étrange fragrance enivrante, entêtante et troublante, que j'apprécie sans parvenir à l'identifier.

– Relève-toi.

Sa voix est féminine, suave, envoûtante et autoritaire à la fois. J’obéis, bien qu'encore faible, me redresser me ferait sans doute du bien car j'étais restée longtemps dans le tonneau. Une main, aux doigts fins terminés par de longues griffes acérées, vint saisir ma mâchoire inférieure, me faisant tourner la tête d'un coté puis de l'autre, comme l'on examinerait un animal avant de l'acheter, elle me relâche et passe l'un de ses doigts sur mon oreille gauche, en une sorte de caresse, du revers.

– Hmm… Une Elfe, voyez-vous cela. Une prise de choix, bien que non de sang pur…

La griffe quitte l'oreille en descendant le long de mon cou à la veine palpitante, longeant le bord de l'étoffe pour suivre la courbe du décolleté. J'eue à peine le temps d'esquisser un mouvement pour retirer la main aventureuse, mais avant qu'elle n’ait le temps de terminer son geste pour ôter la main que l'inconnue me gifle du dos de la main, si violemment que j'en tombe à terre. La silhouette crache en relevant un index menaçant :

– Debout ! Tentes encore de t'opposer à moi et tu mourras lentement !

Je reprends mon souffle, à moitié sonnée, mon esprit m'inondant d'informations contraires. Il fallait survivre, obéir et s'enfuir plus tard, oui, c'est ce qu'il faut faire, garder espoir et attendre le bon moment, peut-être ne veulent-ils que me poser des questions… Je me relève péniblement et revient où j'étais, fixant l'homme qui n'a toujours pas bougé, telle une statue de cire. La silhouette entame un cercle autour de moi, marchant très lentement, pour venir se placer derrière moi tout en parlant.

– C'est bien… N'oublie jamais qu'ici j'ai le droit de vie ou de mort sur toi… A n'importe quel moment… A toi de faire en sorte que je me félicite de t'avoir laissée vivre… Au lieu de le regretter…

Elle s'arrête dans mon dos et s'approche contre moi, son parfum enivrant m'enveloppant, et susurre à mon oreille, envoûtante et suave :

– A présent… Déshabille-toi.

Je frémis et ferme les yeux, entre humiliation et excitation incontrôlée, peur et soumission, je m'exécute avec des gestes lents, pensant à juste titre que l'inconnue apprécie peut-être. Mes vêtements glissent sur ma peau et tombent au sol dans un bruit feutré. Je peux sentir son regard envieux détailler chaque parcelle de mon corps mis à nu, depuis ma poitrine galbée et généreuse jusqu'au duvet caractéristique de mon bas ventre, alors qu'elle avait reprit sa ronde pour revenir me faire face.

– Une prise de choix, oui… A n'en pas douter…

Je baisse la tête, de honte, la forme sombre prend un malin plaisir à m'humilier, mais je crains que cela ne soit qu'un début. Quelque chose me pousse à lui obéir, au delà de l’instinct de survie. Je suis prisonnière dans un endroit inconnu et dépouillée de ma volonté et de ma fierté avec une telle aisance que je n'imagine même pas résister à mes geôliers. La silhouette est devant moi, son visage enfouit dans les ténèbres de sa capuche, mais je sens son regard sur moi, son désir, aussi sûr que le parfum envoûtant devient plus fort et oppressant.

Lentement l'inconnue ôte sa capuche dévoilant son visage à la beauté inimaginable. Je relève les yeux pour croiser son regard inquiétant, totalement noir, et suis pétrifiée en réalisant toute la perfection de ce qui n'a que les traits d'une femme qui me sourit en montrant des crocs acérés et luisants. Poursuivant ses gestes lents, elle fait tomber sa capeline au sol, laissant découvrir un corps tellement sublime, idéalement surnaturel, que n'importe qui se serait damné sans remord pour la posséder ne serait-ce qu'un instant. Sa peau luit de sueur comme après un effort, revêtue de hautes cuissardes et d'un bustier de cuir laissant son sexe à découvert, recouvert d'une pilosité drue contrastant avec moi, imberbe, héritage des gènes Elfe alors que le brun de ses cheveux lui venait probablement de mon père.

– On m'appelle Ananké…
– Et moi…

La créature envoya violemment son poing dans mon estomac. Pliée en deux, le souffle coupé en tombant à genoux devant Ananké avant de recevoir l’autre poing dans la mâchoire, m'éclatant la lèvre. C’est à peine si j'arrive à comprendre les hurlements de rage de mon bourreau penché au-dessus de moi.

– Ne parle que lorsque je te le permets ou pour m’approuver !!! Et ne tâche pas mon tapis avec ton sale sang d'Elfe !

Ananké reprend aussitôt d'une voix calme, aussi subitement qu'elle s'est emportée, totalement imprévisible. Elle n'a rien à faire de ma blessure.

– On m'appelle Ananké, donc, mais pour toi je serais Maîtresse…
– Bien… M... Maîtresse…

J'ai baissé les yeux, soumise, au grand plaisir d'Ananké qui me garde avec un sourire carnassier aux lèvres. Elle me regardait ne cachant pas ses envies, d'une impudeur dérangeante, prenant des poses suggestives.

– Qui tu étais avant n'a plus aucune importance… Désormais tu seras ma chose… Ton nouveau nom est donc… Chose… Cela t'ira très bien.
– Oui, Maîtresse.
– Alors, Chose, dis-moi… Que connais-tu des plaisirs de la chair?
– Euh… Ri… Rien Maîtresse, dis-je en rougissant.
– Hmm… Pucelle, hein ? Elle soupira en secouant la tête. Ces jeunes n'ont aucun savoir-vivre… Hé bien considères que tu as de la chance, Chose… Car je vais me faire un plaisir de prendre personnellement en charge ton éducation. Tu es contente ?
– Oui… Merci Maîtresse…
– Tu es ma chose, tu m'appartient, dit-elle sèchement. Je peux te tuer d'un claquement de doigts si tu n'obéis pas. Tu n'es rien, et même moins que rien, les excréments de mes chiens valent mieux que toi. Comprend cela et tu vivras.

S'allongeant sur une peau de bête, près du feu central, la femme prend une pose lascive, provocante en écartant les cuisses, et commence à se caresser l'entre-jambes.

– Approche. Nous allons commencer tout de suite…

Ce que je subis ce jour là dépasse tout ce que j'aurais imaginé, tant dans l'atteinte de l'extase que dans la douleur, Ananké mêlant les deux avec une maîtrise et un vice indéniable. J'ai seize ans, je ne connais rien en matière d'amour et de sexe encore moins. Ananké allait devenir mon mentor, la référence d'une jeune fille malléable et soumise à sa volonté. J'étais inculte dans bien des domaines, cela allait changer.
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Message  Silwenne Aelfwine Dim 10 Avr - 12:35

Chapitre XV


Le dressage



Au cours des semaines qui suivirent, j'appris à satisfaire ma Maîtresse comme une élève assidue, me pliant au moindre de ses désires avec la docilité et la servitude de l’esclave sexuelle que j'étais devenue entre les mains de la succube, humiliée chaque fois un peu plus, repoussant toujours plus loin les limites de ce que pouvait endurer mon corps et mon amour propre, dans le seul but de rester en vie. Je vivais continuellement nue, avec pour seuls vêtements mon bracelet, qu'ils n'avaient réussit à m'enlever, et un collier à pointes relié à une chaîne, tenue en laisse par l'homme qui n'était en réalité qu'un pantin d'Ananké. L'homme à la carrure impressionnante servait d'écran pour diriger les brigands et Ananké tirait les ficelles dans l'ombre de son habit de ténèbres qu'elle ne quittait que quand elle était seule avec moi, pour satisfaire ses insatiables appétits sexuels d'une perversité sans limite.

Les semaines et les mois se succédaient sans repère pour moi. Elle manipulait avec dextérité et avec un don pour parvenir à ses fins d'une manière ou d'une autre. Il n'était pas rare qu'on m'affame dans le but de m'affaiblir. Lorsque je ne servais pas de jouet on m'enfermait dans une niche creusée dans la roche d'un mur. Le trou ne devait pas mesurer plus d'un 1m3, sans fenêtre et dans le noir total. Il m'était impossible de me tenir debout ou même allongée, je ne pouvais être que recroquevillée sur moi-même, couchée en boule comme un chien. L'objectif était évident : me rabaisser et me briser, faire en sorte que je sois heureuse et reconnaissante de sortir, même si c'était généralement pour une séance d'endoctrinement sexuel ou pour me faire violer par un ou plusieurs sbires sous les yeux d'Ananké. La salle d'apprentissage, comme elle l’appelait, était une pièce remplie d’instruments en tous genres, de chaînes, de fouets et tous les « outils » nécessaires à mon dressage ou simplement parce qu’Ananké en éprouvait l’envie. Elle pouvait faire preuve d’autant de cruauté que de douceur, m'amenant progressivement à ce qu’elle désirait faire de moi, me modelant petit à petit. Au fil du temps, à mesure que je me montrais plus entreprenante vis à vis de celle que j'appelais maintenant Maîtresse par habitude, il me semblait qu'Ananké s'attachait à moi un peu plus qu’à un simple objet sexuel.

Ananké prenait visiblement un malin plaisir à exhiber sa chose aux regards lubriques, comme un animal, une curiosité exotique, m'ordonnant de prendre des postures plus qu'aguicheuses, suggestives et lascives, allant parfois jusqu'à me demander de me caresser en publique… Et si j'avais le malheur de ne pas être assez convaincante c'était le viol collectif qui m'attendait. Progressivement, ma récompense fut de ne pas retourner dans mon trou mais d'être récompensée en retrouvant ma Maîtresse pour l'en remercier et lui témoigner ma reconnaissance pour sa plus grande satisfaction.

Les mois se transformèrent en années. Rien n’avait vraiment changé si ce n’est que j'étais à présent le jouet parfait pour la Succube, rivalisant de vice et de perversion. Cela peut paraitre étonnant vu de l’extérieur mais, les traitements que j'avais reçue avaient eu raison de ma volonté et de ma personnalité. Je n’avais plus besoin de recevoir d'ordres, je savais quel était mon rôle, ce qu'on attendait de moi, et m’y appliquait avec servitude et dextérité. J'avais bien appris ma leçon. J'étais même devenue demandeuse et, puisque je n'avais pas le droit de réclamer ouvertement, je provoquais Ananké dans le dessein de me faire punir, le plus sévèrement possible. La Succube n’était pas dupe et c’est en redoublant de violence qu’elle se nourrissait de ma jouissance d'Elfe, du plaisir barbare qu’elle me procurait, dépendante au point d’y recourir souvent plusieurs fois par jour.

Un soir, alors que nous étions toutes deux allongées, épuisées, en sueur et haletantes sur un tapis, après un ébat particulièrement riche en douleurs et en orgasmes puissants à répétitions, à tel point que je crue mourir en atteignant une nouvelle frontière de l'extase, Ananké vint se blottir contre moi. La Succube prit pour la première fois une attitude tendre. Ce geste me pétrifia tant il était inhabituel, n'osant plus bouger, presque effrayée. Ananké me caressait un mamelon pensivement tout en jouant à le griffer doucement, avec une certaine tendresse, léchant le sang qui s'écoulait par les deux trous d'une morsure à mon second sein, et dit d'une voix douce…

– Comment t'appels-tu ?
– Chose… Maîtresse, répondais-je en hésitant.
– Non, ton vrai nom, ton nom de naissance…

J'en resta bouche bée de stupeur, Ananké était méconnaissable, cela ne pouvait être qu'une nouvelle manipulation en vue d'un jeu sadique. Je mis un moment avant de répondre, me demandant s'il s'agissait d'un nouveau piège sournois pour me punir ensuite. Mais, à dire vrai, j’eus du mal à me rappeler de mon propre nom.

– Sil… Silwenne… Maîtresse.
– Silwenne… Elle répéta pensivement. C'est un joli nom…
– Merci, Maîtresse…

Les minutes passèrent durant lesquelles Ananké me cajolait avec une tendresse telle que je n'aurais même pas osé imaginer cela venant d'elle. Jamais je n'aurais ne serait-ce que soupçonné cela possible venant de cette créature qui se montrait si sadique, si dénuée de sentiment et de sens moral. Je tressailli quand Ananké prononça mon prénom à voix haute et suave, relevant vers moi un regard dans lequel se lisait quelque chose d'étrange.

– Silwenne ?
– Ou… Oui, Maîtresse ?
– Je t'aime…
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Message  Silwenne Aelfwine Lun 11 Avr - 0:26

Chapitre XVI


Une lueur d'espoir



– Bonsoir, mon fils. Sois béni !

Un éclair de surprise peut se lire dans les yeux du garde un court instant avant que le bâton du moine ne s'écrase sur sa tempe, le tuant net.

– Adieu, mon fils. Puisse le plus Haut t'accueillir et te garder dans sa Lumière…

L’homme tire le corps jusqu'à la haie de pierre, il le dévêt et enfile les habits et la pèlerine du garde en ayant soin d'ajuster la capuche pour qu'elle dissimule ses traits. Il s'approche sans se hâter de l'immense bâtisse. Il grommelle quelque chose d'inaudible en passant devant les larrons de l'entrée qui l'ignorent. Il relève la tête. Quelques torches baignent d'une lueur blafarde les couloirs. Il lève la tête encore plus et hume, fait un quart de tour sur lui-même et se dirige le long des couloirs, la tête levée, le nez en avant.

– Eh bien, nous y voici…

Le moine entre dans la cuisine déserte. Aucun bruit dans les pièces et couloirs alentour. Il fouille longuement son sac et en ressort un sachet contenant une très fine poudre blanche. Il prend deux coupes en argent, les rempli à moitié de vin et les pose sur un plateau tressé.

– Je te hais, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie…

Chaque qualificatif était ponctué d'une pincée de poudre versée dans la première coupe.

– … pas du tout.

Il ne versa qu'une minuscule pincée dans la seconde coupe. Il remonte sa manche gauche, prend le plateau et, observant son bracelet orné d’étranges runes et serti d’une pierre à la faible lueur, se met à avancer lentement dans le méandre des couloirs. Il s'arrête devant une porte, abaisse sa manche pour cacher l’éclat vif de son bracelet qu’il a remonté sur le haut de son avant-bras, réajuste sa capuche et frappe lourdement à la porte. Ananké hurle :

– Quoi ?! Qui ose ?!

– Votre vin… Maîtresse.

L’homme entend la clé tourner et la porte s'ouvrir à la volée.

– Pose ça ici et disparait, immonde pourceau !

Il dépose le premier verre devant Ananké et le second devant la jeune femme brune qui semble dormir. Sentant que son bracelet commence à glisser vers son poignet dénudé, il se retira au plus vite de la pièce et s'éloigne en toute hâte. Il entend la porte claquer et la clé verrouiller la serrure. Il sort de la bâtisse en murmurant :

– Je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie…

La silhouette s'éloigne dans la nuit, la pierre de son bracelet brille, brille…

* * *
– Pas du tout…

Je répond à Ananké qui vient de la réveiller par quelques douces caresses intimes et de me demander si j'avais déjà goûté à son délicieux vin. Me frottant les yeux d'une main en se redressant sur un coude, je saisi le verre le plus proche, celui posé devant moi. Il me semble que la pierre de son bracelet perd une faible lueur mais je pense qu'il s'agit d'un reflet des bougies ou que je ne suis pas bien réveillée. Haussant mentalement les épaules j'affiche un sourire à Ananké tout en levant ma coupe.

– Mais, je suis prête à tout essayer pour vous satisfaire, Maîtresse…
– Alors trinquons… Aux plaisirs !

L’argent des coupes tinte et Ananké boit son vin d'une traite tandis que je le goûte doucement pour en apprécier la saveur. Celui-ci n'a rien de commun avec le breuvage raffiné des Elfes, laissant un drôle de goût acre sur la langue. Lançant sa coupe vide derrière elle, Ananké se dévêt, ôtant le peu de vêtements qui la couvrent, et me fait signe d'approcher en remuant un index griffu, avec un sourire que je connais bien sur les lèvres. Je m'exécute, avançant sur les genoux en traitant la chaîne de son collier. Quand je suis devant elle, Ananké prend ma coupe d'une main et se penche en arrière pour saisir ma laisse de l'autre main, entre ses jambes. Elle tire fermement sur la chaîne pour amener mon visage devant son sexe alors que j'ouvre déjà la bouche par automatisme.

– Ce n'est pas dans une coupe d'argent que l'on déguste le meilleur des élixirs, dit la Succube.

Elle vide lentement le contenu du verre entre ses seins, creusant le ventre, formant ainsi un ruisseau carmin que je lape au confluent de deux sources avec une délectation non feinte. Ananké laisse tomber la coupe pour empoigner fermement mes cheveux, pressant mon visage contre son intimité brûlante, alors que sa tête commence à tourner. Ananké titube un instant avant de s'écrouler en arrière en lâchant ses prises. Je me redresse en levant un sourcil, perplexe. Est-ce un nouveau jeu ? Je m'approche à quatre pattes au-dessus d'elle, continuant de jouer le jeu en remontant ma langue sur la peau suante, suivant le chemin du vin. Ananké ronfle… Pour qu'elle préfère dormir aussi subitement au lieu de poursuivre notre étreinte c'est que quelque chose ne va pas, et il n'y a qu'une explication possible : le vin. Ma tête commence aussi à tourner. Je me redresse trop vite et m'écroule à mon tour, les yeux écarquillés, cherchant une solution. Une vigoureuse morsure à la langue me redonne assez de lucidité pour penser que c'est le moment ou jamais de s'enfuir. Je me relève doucement et attend que le monde cesse de tourner. Il ne me faut pas attendre longtemps, profitant de ce court moment pour réfléchir. Il me faut avant tout trouver des vêtements pour passer inaperçue car nue je n'irai pas loin…

J'enroule la lourde chaîne à ma taille et enfile les habits d'Ananké : cuissardes, bustier, gants et bien sûr sa capeline de ténèbres, imprégnée de son odeur. La clef de la porte de la grande salle est posée sur la table de la chambre. Je m'en saisi et vois un objet familier du coin de l'œil : le coffret… Je le prend sous le bras en me disant qu'avec un tel déguisement personne n'oserai m'arrêter. Je suis sur le point de quitter la chambre quand j'entends Ananké remuer dans son sommeil, et j'ai comme un remord, chienne bien dressée que je suis devenue. Je m'avance à pas de velours et me penche au-dessus de la démone endormie.

Je tire la dague logée dans la botte et place la lame ondulée sous sa gorge. J'hésite un instant en admirant sa beauté parfaite, me disant en mon fort intérieur : « Qu'est-ce que tu fais, Sil..? Tu n'as pas le temps ». Mais, déjà, je scelle nos lèvres en un doux et long baiser. Je me redresse à quelques millimètres, nos lèvres s'effleurant. J'inspire l'effluve musqué qui émane d'Ananké. Je ne suis plus sûre de ce que je souhaite. Quitter ma maîtresse et la trahir, ou la tuer dans son sommeil ?

Puis, je me relève et me dirige vers la porte sans me retourner, rabaissant la capuche sur mon visage, comme je l'avais vue faire si souvent, avant d'ouvrir la porte des appartements de la femme qui n'en était pas une. Je passe devant l'homme-pantin qui ne bouge pas d'un cil, comme d'habitude en l'absence du marionnettiste, pour aller droit sur la seconde porte bardée de fer. J'enfonce la clef dans la serrure, la fait tourner dans un déclic, et l'ouvre avant de sortir en la refermant derrière moi. Son cœur bat à tout rompre alors que je fais volte face pour m'adosser à la porte de métal. Je suis terrorisée à l'idée de quitter ce lieu et d'affronter l'inconnu, de la colère d'Ananké si je me fais prendre. Par chance l'endroit parait complètement désert mais, je sais qu'il vaut mieux ne pas s'attarder et ainsi risquer d'attirer l'attention si je n'ai pas une attitude que les brigands trouvent normale. Aussi je prend une démarche rapide, m'efforçant d'avoir l'air de savoir ou je vais, sûre de moi.

Je monte tous les escaliers que je croise en espérant arriver enfin à la surface. J'arrive à un croisement sombre et désert de tout signe de vie. J'hésite… Droite, centre ou gauche? Machinalement je place l'index de sa main droite sur ma bouche en réfléchissant, quand mon regard est attiré par l'étrange lueur provenant de la pierre de mon bracelet. Je remonte ma manche, intriguée, et recule pour regarder à la lumière d'une torche. Mais la lueur s'estompe aussitôt. Fronçant les sourcils j'avance à nouveau de quelques pas et la lueur réapparait.

– Qu'est-ce que…

Des bruits de pas se font entendre provenant de derrière moi, il faut choisir vite. Je décide d'aller dans la direction vers laquelle la pierre brille le plus alors que celle-ci faiblit déjà. Rabaissant ma manche je reprend ma route dans le dédale de couloirs souterrains. Les rares personnes que je croise me saluent avec peur et respect. Je sourit sous ma capuche : le déguisement fonctionne. Ce n'est qu'après plusieurs minutes que j'arrive enfin à l'air libre, sous une lune pâle. Je passe devant les deux gardes de l'entrée dont un m'interpèle.

– Bonsoir, Maîtresse, belle nuit pour une ballade !

Je m'arrête net avant de me tourner lentement vers celui qui avait eu l'audace de m'adresser la parole, pleinement dans mon rôle. L'homme déglutit avec peine et se jette à mes pieds en implorant mon pardon. Il faut réagir vite sinon je vais certainement être découverte, si proche du but… Je fais alors la première chose qui me vient à l'esprit, lui assénant un coup de genoux dans le coté de la mâchoire, l’assommant pour le compte.

– Je t'accorde mon pardon… Pour cette fois, dis-je en maîtrisant ma voix pour qu'elle ne tremble pas.

Je me retourne vivement vers le second en lui plaçant la pointe de ma dague sous la gorge. Le deuxième garde retient son souffle de peur en fermant les yeux, les paupières crispées, déglutissant avec peine, en attendant sa sentence, quand un bruit d'écoulement me fait baisser les yeux. L'homme terrifié se fait dessus… Quand il rouvre les yeux la silhouette ténébreuse a disparut dans la nuit. Il tombe à genoux, soulagé d'être épargné et en vie, heureux d'avoir été humilié par la Maîtresse en personne…

Dé que je suis hors de vue du bâtiment je me mets à courir aussi vite que je le peux à travers la forêt, il faut fuir aussi loin que possible avant qu'Ananké ne se réveille et donne l'alerte. Fuir et se cacher, la seule chance qu'il me reste réside dans mon endurance et ma volonté de vivre. Je cours et cours encore, les poumons et les muscles en feu. J'évite les routes et les chemins, préférant l’abri sombre que m'offrent les sous-bois quitte à me faire écorcher par les branches et les ronces. Je trouve refuge, à bout de souffle et de force, dans une cabane, au fond du jardin d'un corps de ferme, dont la porte est ouverte. La chance est encore de mon coté. Je pénètre à l'intérieur aussi silencieusement qu'un chat et cherche un endroit ou passer la nuit. Je sourit en découvrant une grosse barrique sous une vieille bâche poussiéreuse derrière des sacs de grains. Me glissant dans la cachette je me dit que le destin est bien ironique et je rabat la bâche sur l'ouverture. Le sommeil ne vient qu'après un long moment passé à épier les bruits nocturnes, n'osant bouger de peur de faire du bruit avec ma chaîne, gênée par mes vêtements, tellement habituée à vivre nue depuis si longtemps. Curieusement, me retrouver libre m’effraie, il me manque quelque chose, une présence pour me surveiller, veiller sur moi même si c'était dans l’esclavage. Retrouver ma liberté, être à nouveau seule maîtresse d'aller et de faire ce que je veux quand je le veux, cela me parait encore insurmontable. Me recroquevillant sur moi-même en m'enroulant dans la capeline, je porte l'étoffe serrée entre mes poings jusqu’à mon visage pour en humer la fragrance si particulière qui l’imprègne, un parfum que j'identifie maintenant sans difficulté : l'odeur sulfureuse de cyprine de la Succube.
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Message  Silwenne Aelfwine Lun 11 Avr - 9:45

Chapitre XVII


Entre le marteau et l'enclume



Le chant d'un coq me tire de mon sommeil auquel j'avais finalement cédé d'épuisement. La nuit a été courte et je décide de rester encore cachée là pour ne sortir et ne voyager que de nuit. Je retient mon souffle alors que j'entends la porte de la remise s'ouvrir. Je tremble de peur à l'idée d'être découverte quand le bruit se rapproche de moi, et dois lutter contre mon envie de bondir pour m'enfuir mais, ce que j'entends n'est autre que le bruit de quelqu'un portant quelque chose avec peine. La porte se referme et, après un long silence, je risque un œil en soulevant légèrement la toile. Personne. Je m'extirpe de la barrique en repoussant la bâche me recouvrant, m'approche de la porte et risque un regard au dehors pour voir les occupants de la ferme s'affairer autour d'une charrue avant de partir aux champs pour les labours. Me retournant après avoir refermé la porte, je m'aperçois qu'il manque des sacs et je sourit de soulagement en comprenant. Mon regard fait alors un inventaire mental des objets entassés dans la remise, à la recherche de quelque chose qui me soit utile. Je découvre ainsi un tonnelet de graisse à rouages, visqueuse à souhait, de longs manches de fourches cassés, tous tordus et noueux, des outils et d'autres menus objets de la sorte. Durant plus d'une heure je m'acharne à tenter d'ôter mon collier et ma laisse sans me blesser mais, ne voyant rien de ce que je fais, risquant de se planter le burin dans le cou ou de m’assommer avec le marteau, je préfère abandonner. Je rempli une des rares fioles intactes avec la mixture glissante et la cache dans une des nombreuses poches intérieures de la capeline, choisi un manche pas trop abîmé et le pose à part avant de m'asseoir aussi confortablement que possible sur les sacs de grains en attendant la tombée de la nuit.

Lorsque je juge le moment propice, je me glisse hors de ma cachette et me faufile jusqu'à la maison, tiraillée par la faim. Ma silhouette sombre contourne la masure derrière laquelle se trouve le verger ainsi que du linge étendu là pour sécher. Je prend des vêtements au hasard et y jette quelques fruits en formant un baluchon que j'attache au bout de mon bâton, tenant le coffret de l'autre bras. Je m'apprête à partir quand j'entends une voix crier derrière moi :

– Bah… Clé vingt diou ! Qui qu'c'est t'y donc qu'est là ?!
– Bénis soient les paysans ! Criais-je en détalant comme un lapin. La faim justifie les moyens !
Je ne ralenti qu'une fois certaine de n'être pas suivie et marche tout en dévorant les fruits que j'ai volés, sans éprouver le moindre remord quant à mon larcin, cheminant par des sentiers, préférant éviter les routes. Je fait halte près d'un bosquet et m'accorde le temps de revêtir ce que j'ai attrapé sur le fil à linge, une poire entre les dents. Je retire mes cuissardes et enfile une sorte de collant de laine noire trop petit, que je déchire en essayant de tirer dessus. Je laisse échapper un soupir mais le plus important est d'avoir moins froid aux jambes et, accessoirement, de protéger mon sexe que le frottement avec le bustier déroulé avait rendu sensible et douloureux.

Je suis entrain de renouer les lacets des cuissardes quand ma longue natte glisse sur le coté de mon visage. Aussitôt me reviennent des souvenirs d'Ananké me saisissant par cette seconde laisse naturelle, pour mieux m'entendre crier, alors qu'elle me faisait subir quelques humiliations et jeux pervers. Les larmes viennent brouiller ma vue. Je saisi ma dague dans une main et ma natte dans l’autre pour la couper hargneusement avant de la jeter à terre avec un air de dégoût. Je regarde la tresse de cheveux gisant au sol, une partie de moi-même qui faisait autrefois ma fierté de ne les avoir jamais coupés, et cri avec rage un mot de pouvoir qui sonne comme une injure. La natte s'enflamme en dégageant une fumée puante. Je reprends alors ma route en replaçant la dague dans un logement dorsal, m'aidant de mon bâton noueux pour marcher, sans un regard pour le petit brasier que je laisse derrière moi.

Le soleil pointe à l'horizon quand j'arrive en bordure d'un village. Je dépasse quelques maisons éparses d'artisans menuisiers, tanneurs et forgerons. Forgerons? Je fait demi-tour et frappe à la porte d'une maison. La voix bougonnante du propriétaire des lieux se rapproche et bientôt la porte s'ouvre sur un visage bourru et ensommeillé. Je retire ma capuche, affiche mon plus beau sourire et mets du miel dans ma voix.

– Pardonnez-moi de vous déranger à une heure aussi matinale mais… J'aurai besoin de vos talents, Maître forgeron.
– Quoi ? Ca ne peut pas attendre ? Z'avez vu l'heure ?! Revenez plus tard !

Le forgeron me claque la porte au nez sans que j'ai le temps de dire ouf ! Je me rue sur la porte close, tambourinant des poings contre le bois épais en criant :

– Messire ! Je vous en prie, j'ai vraiment besoin de vous maintenant, ça ne peut vraiment pas attendre !

La porte se rouvre après quelques secondes durant lesquelles je peux entendre le forgeron se faire sermonner par sa femme qui lui tient à peu près le discourt suivant : « N'ouvres pas Roland, j'ai pas confiance, tu as vu comme je est habillée… », ce à quoi Roland avait répondu : « Raaah ! Tais-toi Simone. Tu m'enquiquines à la fin ! ». Et la porte se rouvre donc sur Roland, Simone restant en retrait en serrant sa robe de chambre contre elle.

– Entrez… J'espère que c'est vraiment important.

Je pénètre dans la demeure où régne une douce chaleur et une odeur de petit déjeuné qui me met l'eau à la bouche. Je m'incline avec un sourire gêné devant la femme qui disparait dans la cuisine en levant le nez d'un air pincé.

– Bonjour Madame. Désolée du déran… Au revoir Madame…
– La forge est par ici, fit Roland.

Il m'indique une direction, la main ouverte, en guise d'invitation. La chaleur de la forge est délicieuse à mon corps engourdi et je m'approche du fourneau encore rougeoyant des braises de la veille, frottant mes mains l’une contre l’autre au-dessus. Le forgeron enfile son tablier de travail et dispose marteau et pinces prêt de l'enclume.

– Alors… Qu'est-ce qu'y a d'si urgent qui n’peut pas attendre ?

Pour toute réponse j'ôte ma capeline et dévoile le collier ainsi que la lourde chaîne que je déroule de ma taille. Le forgeron reste un instant la bouche ouverte bêtement, regardant l'étrange accoutrement de la ravissante brune à moitié nue devant lui, avant d'ajouter :

– Ah ouais, quand même !
– N'est-ce pas…

Examinant la fermeture du collier, Roland cherche la meilleure méthode à employer pour ce genre de travail. Il a plus l’habitude de forger sans avoir le cou d’une ravissante demoiselle entre le marteau et l’enclume. Il s’agirait de ne pas me blesser.

– J'imagine que vous n’vous êtes pas fait ça toute seule…
– On ne peut rien vous cacher, dites donc ?
– Oui… Bon… Mettons qu'j'ai rien dit… Posez vot' cou sur l'enclume, j'vais vous arranger ça.
– Vous savez… Je n'ai rien pour vous payer de votre travail…
– Bah… J'aurai qu'à garder tout ça, c'est du fer d'bonne qualité, j’pourrais l’refondre et l'revendre.

Il regarda par-dessus son épaule un bref instant en direction de la porte de la forge et ajouta en chuchotant avec un petit sourire malicieux :

– Mais dites rien à Simone, hein ?
– Promis, dis-je sur le même ton de connivence.

Tout à son travail, en prenant moult précautions pour ne pas me blesser, Roland m'interroge d'une voix calme. Il a placé un morceau de cuir entre ma peau meurtrie et le métal du collier au cas où son outils déraperait : il serait dommage d'être arrivée jusqu'ici pour se faire trancher une artère d'un coup de scie maladroit.

– Comment vous vous app'lez ?
– Chos... Euh... Je veux dire Silwenne, Ethael.
– Hmm... Vous n'avez pas l'air d'êt' du coin, j'me trompe ?
– C'est pour les oreilles que vous dites ça ?
– Non, non. Mais, ne l'prennez pas mal, vous r'ssemblez plutôt à une fille d'joie, habillée comme ça.

Je ne répondis rien. Je ne pouvait lui en vouloir. Les mains expertes du forgeron me libérèrent enfin de la laisse que je portais depuis tant de temps que mon cou en portait une marque qui ne s'effacerait certainement jamais. Finalement la maîtresse de maison se radoucit après que son mari lui ait vaguement expliqué qu'ils avaient recueilli une pauvre femme en détresse. Lui montrant le collier elle devint tout de suite plus gentille, presque collante à en être gênant, mais c'était adorable. Je profitais du repas offert et repartis de la maison avec un peu de nourriture, après des adieux et remerciements qui n'en finirent pas.

Je dormis entre deux rochers, comme une bête, une profonde crevasse m'offrit un abri sûr pour la journée. A la nuit tombée je repris mon chemin en laissant le coffret caché bien au fond de la fissure rocheuse, sous un tas de pierres et de branchages. Mon repère avait été bien inconfortable mais j'avais connue bien pire. Je marcha longuement sur un chemin boueux, vêtue de ma capeline noire à la capuche masquant les traits de mon visage, serrant son vieux bâton de marche au bois noueux dans ma main droite gantée de cuir et j’arrivais dans un petit bourg alors que la fatigue me poussait à se trouver logis.

Je n’eus pas de mal à trouver l'auberge sur la place, non loin d'une église dont les grosses pierres à moitié descellées étaient une incitation à l'impiété. Poussant la porte de l'édifice bruyant, je me glissais à l'intérieur, m'arrêtais sur le seuil, embrassant toute la salle du regard, et me dirigeais vers une place libre dans un coin sombre. Sur un mur était collée une affiche annonçant un mariage prochain de quelque nobliau. L'affiche était fraîche et belle, mais, à en croire la date, j'étais partie de chez moi depuis presque dix ans.
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Message  Silwenne Aelfwine Lun 11 Avr - 19:41

Chapitre XVIII


Une ombre mortelle



Le silence qui suit mon entrée est vite brisé et le brouhaha reprend bientôt à mon grand soulagement. Le tenancier, un homme aussi sale que gras, tant que je suis surprise de ne pas voir de mouches volées autour de lui, me regarde approcher alors que je prends soin à ce que mon visage reste dans l'obscurité. D'un pas rapide, pour éviter d'attirer trop longtemps l'attention, la tête baissée en regardant devant moi au raz de la bordure de la capuche, je vais jusqu'à une extrémité du comptoir massif où j'attends que l'aubergiste vienne me rejoindre. Le gros homme, au tablier tellement crasseux qu'on eus cru un lange de troll, s'approche d'une démarche lourde en jetant un vieux torchon mité sur son épaule. Il s'accoude en se penchant en avant accompagné d'un bruit de flatulence :

– Qu'est-ce que j'peux pour vous, ma jolie ?
– Auriez-vous une chambre à me louer pour la nuit ?
– Bien sûr, les meilleurs de toute la ville !
– Il y a une autre auberge dans cette ville ? Demandais-je ne cachant pas mon vif intérêt.
– Non, justement ! Hahaha !
– Evidement, dis-je dans un soupir.

Je grimace un sourire qui se veut poli et paye ma chambre d'avance avec les quelques pièces que Roland et Simone m'avaient donnés. La clef en main, je gravi l'escalier qui débouche sur un petit couloir sombre, sous l'œil de l'aubergiste qui me regarda monter en se curant le nez avant de retourner servir les clients. La chambre est plongée dans une douce lueur provenant de la pleine lune, découpant la forme de l'ouverture sur les planches du parquet grinçant sous mes pas, formant des ombres inquiétantes. Je referme la porte derrière moi et observe les lieux. La pièce n'est meublée que d'un lit au matelas douteux, d'une chaise, d'une armoire dont une porte manque et d'un chevet orné d'une bougie presque totalement consumée. Ca et là, ou plutôt un peu partout, d'énormes toiles d'araignées donnent à la pièce ce qu'il lui manquait de sinistre. J'inspecte le lit et me dis qu'il sera suffisant pour passer la nuit. Après avoir coincé la chaise contre la porte, je me dirige vers la fenêtre et m'accroupis devant celle-ci. Je débouche un flacon et verse un liquide visqueux sur le sol, de façon à former une petite flaque, juste sous la fenêtre. Me relevant, satisfaite, j'ôte ma capeline et m'allonge sur la couche me servant de mon habit comme d'une couverture, mon bâton posé à coté de la tête de lit. Je ferme les paupières et laisse mon esprit vagabonder à la recherche du sommeil, guettant les bruits qu'un tumulte assourdi couvrirait aisément jusqu'au départ des derniers ivrognes…

La nuit est déjà fort avancée, les étoiles scintillent comme des milliers de trous d'épingle dans le manteau de la Dame des songes. Depuis longtemps déjà, la faune et la flore se sont assoupies. Dans la forêt toute proche un ruisseau coule paisiblement chantant sa douce musique de clapotis cristallins, reflétant la pâle clarté de la lune en des myriades d'éclats étincelants. Posé sur la branche d'un grand chêne, un hibou suit, de ses yeux d’or, une silhouette d'ombre courant dans les fougères en direction du village et se faufiler silencieusement vers l'auberge endormie. La forme voûtée épi, sur ses gardes, plaquée contre un coté de la bâtisse, mais seuls les bruits de la nuit, grillons et hulottes, troublent le calme apparent des lieux. Quand elle juge l'endroit sûr, la forme fait face au mur et l'escalade avec l'aisance d'un lézard, se hissant jusqu'à la fenêtre d'une chambrette qui ne résiste pas à un coup d'épaule bien placé. Un dernier coup d'œil alentour et l'ombre enjambe le rebord en posant le pied sur la flaque visqueuse et terriblement glissante lui faisant faire un grand écart suivi d'une chute dans un fracas qui eut ranimé une ville entière. Aussitôt réveillée par le vacarme, je fonds sur l'intrus en le plaquant au sol avec fermeté. De l'arrière de ma ceinture je tire ma fine dague ciselée que j'appuie fortement sur le cou faisant couler un filet carmin. L'homme grimace et gémit, autant de la douleur provoquée par ma main empoignant sa tignasse crasseuse, une joue écrasée contre le plancher, que de mon genoux dans son dos. Tenant ma prise le poing crispé, je le maintient à ma merci.

– Pi… Pitié ! M'tuez pas ! Laissez moi partir, j'vous en supplie… Et… Et j'leur dirais qu'j'vous ai eue !

Je me penche sur lui en enfonçant un peu plus mon genoux dans son dos et, d'un ton aussi froid que l'acier de ma dague, elle lui parle tout en guettant un éventuel mouvement d'héroïsme insensé, peut-être serait-il assez fou pour tenter l'impossible.

– Ecoute-moi bien… Je ne sais pas qui tu es, mais ne me prends pas pour une idiote… Tu m'aurais réellement tuée si je n'avais pas pris mes précautions.
– Mais non, j'vous l'jure !
– Vous me prenez vraiment pour une fillette sans jugeote… Tss tss tss… Il va falloir réviser votre jugement, messieurs. Il n'est plus en ma possession, je l'ai mis en lieu sûr, tuez moi et vous ne le retrouverez jamais.

Alors que je prononce ces mots je perçois des bruits de pas montant l'escalier dont les marches grincent. Lui intimant l'ordre de se relever, j'accompagne le mouvement en gardant mon arme sous sa gorge, prenant bien soin de rester dans son dos, et le fais pivoter pour le placer face à la porte, me protégeant ainsi d’une attaque venant de l’entrée de la chambre tout en me gardant une possibilité de fuite par la fenêtre. Je me rapproche de l'homme tout en tirant sur ses cheveux, ce qui le fait protester d'un gémissement plaintif, et susurre à son oreille.

– Je devrai te livrer, je suis certaine que ta tête doit valoir quelques piécettes… Mais c'est ton jour de chance, tu vas lui transmettre un message de ma part : « Jamais vous ne l'aurez, laissez-moi tranquille, car je préfère le détruire que de… »

C'est alors que quelqu'un tambourine du poing sur la porte de la chambre. Par reflex je porte mon attention dans cette direction en relâchant imperceptiblement ma prise et, alors même que je relève la tête, je regrette aussitôt ce geste imprudent.

L'homme, qui n'attend que ce genre d'erreur, en profite pour se dégager de la dague. Poussant mon avant bras avec sa main gauche tout en se décalant sur le coté, il lance violemment son coude dans l’espace ainsi mis à jour. L'impact me surprend et je suis frappée à l'estomac, le souffle coupé. Je n'ai le temps que de voir l’ombre de l'inconnu bondir du premier étage, prenant appuis sur le rebord de l'ouverture en criant : « On t'retrouvera ! »

A cet instant la porte cède sous la charge de l'aubergiste, achevant la chaise qui tombe en morceaux tel un pantin désarticulé. Je suis à genoux, retrouvant peu à peu mon souffle, et me met à rire, regardant l'endroit par où l'homme s'est enfuit. L'aubergiste se précipite à l'intérieur et m'aide à me relever, l'air sincèrement inquiet.

– Tout va bien, Mam’zelle ? Z'êtes pas blessée ?

Lui souriant, je lui répond que je n'ai rien, feignant le soulagement d'avoir été sauvée par le gros homme en tenue de nuit. Puis, tournant à nouveau le visage vers la fenêtre, je m'en approche et regarde en direction de la forêt. Je n'ai que le temps de voir mon agresseur disparaître à l’orée de la forêt. Ananké n'abandonnerait pas facilement son jouet préféré.
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Message  Silwenne Aelfwine Mar 12 Avr - 19:12

Chapitre XIX


Vers les plaines de Salisbury



Le soleil se lève paresseusement au dessus de la vallée nappée d’une brume épaisse semblant sortir de la forêt voisine tel une coulée de lave fantomatique. Ici ou là, quelques chevaux de trait donnent un peu de vie et de mouvement à l’ensemble du tableau, broutant nonchalamment dans les pâturages couverts de la rosée du matin pâle. Le village, niché au cœur des collines, donne l’impression d’être désert ou endormit. Il n’en est rien, dans un sens comme dans l’autre. Au dessus des toits commencent à s’élever les bruits de la vie des fermes et, dans les rues boueuses, quelques passants cheminent déjà malgré l’heure matinale. Dans le réfectoire de l’auberge bordant la place du village, Herbert, le patron ventripotent, vient de m’apporter le déjeuner que j'entame rapidement. Mon repas se compose d’une soupe au lard et de pain réchauffé de la veille. En dehors d'aubergiste qui a rejoint le comptoir et me regarde manger les bras croisés, la salle est déserte. Des bruits de vaisselle proviennent de l’arrière salle où la patronne s’affaire certainement autour de ses fourneaux pour le repas du midi.

– C’était qui, l’gars, c’te nuit ? Lâche-t-il enfin.
– Ce n’était personne, dis-je rapidement.

Je reprend mon repas en fixant mon bol, imperturbable. L’homme hoche lourdement la tête en silence, me regardant toujours alors que je termine ma soupe en sauçant les bords et le fond du bol avec le dernier morceau de pain. Je me suce les doigts avant de m’arrêter dans son entreprise, me sentant observée avec insistance, le regard tourné vers l’aubergiste sans vraiment le regarder.

– C’t’un village tranquille ici, on veut pas d’problèmes, dit-il gravement.
– Vous n’aurez pas d’ennuis, je ne reste pas, je vais m’en aller.
– D’accord…

Il se passe plusieurs minutes d’un silence pesant durant lequel nous restons pensifs, lui essuyant machinalement des verres qui n’ont pas besoin de l’être, moi fixant un point imaginaire sur la table, les mains posées sur mes cuisses.

– J’dis pas ça contre vous, hein ? C’est juste que…
– Oui, oui, je comprends.

Je soupire et me relève pour quitter la table, restant debout à coté de celle-ci. Je ne suis pas pressée de partir, regardant un moment par la fenêtre. Enfin, je prend mon bâton d’une main et plonge l’autre dans une poche pour en sortir les quelques rares pièces qu’il me reste.

– Combien pour le repas ?
– Cinq en cuivre. Oh ! J’allais oublier…

Je suis sur le point de poser la monnaie sur la table lorsque l’homme commence à s’affairer, cherchant quelque chose dans une caisse sous sa desserte. Il ressort en tenant une grosse bourse qu’il pose lourdement dans un bruit de métal caractéristique. Je regarde l’objet en fronçant un sourcil dubitatif.

– Y'a un gars qu’a laissé ça pour vous hier soir, après qu’vous êtes montée dans vot’ chambre.
– Un « gars » ? Quel genre de… « Gars » ?
– Le genre louche : robe d'bure, bâton ferré, et toute la panoplie… Voyez l’genre. L’a juste dit d’vous donner ça, j’ai failli oublier avec l'barouf de c’te nuit.

Je m’approche et me saisi de la bourse avant d’en écarter les bords, ouvrant de grands yeux en découvrant les pièces d’or étincelantes, peut-être une centaine à vue de nez et au poids. Je la referme vivement en tirant sur les lanières de cuir et reste interdite un instant. Je hausse mentalement les épaules puis me fend d’un sourire, me retenant pour ne pas céder à l’euphorie.

– Je… Où je peux trouver un cheval ?

Herbert m'indique où trouver le palefrenier le plus proche qui demeure à plusieurs kilomètres de là dans un village voisin. Il me propose de m’y conduire en charrette contre une « modique » rémunération et j'accepte sans rechigner. Je me sent riche d’un seul coup, une pièce d’or de moins n'est pas cher payer pour ce service. Le voyage se déroule sans encombre dans un silence mutuel que seul le grincement répétitif des roues de la carriole vient troubler.

Lorsque nous arrivons enfin au village le soleil est déjà haut dans le ciel. Il me semble que ce bourg-ci est aussi calme, en apparence, que le précédent, avec ses habitants simples vaquant à leurs occupations diverses d’agriculteurs et d’éleveurs. J'ajuste ma capuche pour cacher mon visage par prudence, mais tout en faisant cela je me dit que ma tenue générale doit tout autant se remarquer et éveiller les questions dans ces campagnes isolées. Je prend soudainement peur devant mon imprudence d’avoir voyagé de jour, m’apercevant que j'attire tous les regards sur moi sans imaginer qu’il s’agit seulement curiosité. Herbert stoppe son véhicule devant une écurie surmontée d’une enseigne de bois sculpté représentant un cheval plutôt réussit. Nous mettons pied à terre et pénétrons tous deux dans le bâtiment. A l’intérieur est disposée une rangée de chevaux du coté gauche, des outils sur un établi et du fourrage de l’autre. Un homme sort de derrière l’une des bêtes, une brosse à une main, gardant l’autre sur la croupe de l’animal.

– Ouais ? J’peux vous aider ?
– La p’tite dame, là, elle voudrait un canasson, explique Herbert.

Je fouille mes poches et en sors l'affiche trouvée à l’auberge que j'ai soigneusement pliée. Je la tend à l’homme qui n'a pas bougé. Le palefrenier m'observe avec un regard scrutateur, jaugeant de ma capacité à monter et m’occuper d’un cheval. Il défait sa main de la boucle de cuir qui la retient contre le dessus de la brosse et la jette négligemment vers l’établi avant de se frotter les paumes sur son tablier en s’approchant. S’arrêtant face à moi, il saisi l’affiche et fronce les sourcils en se raclant la gorge.

– C’est là-bas que je désire me rendre, dis-je.
– Hum... J’sais pas bien lire, vous savez…
– C’est écrit que le mariage a eu lieu prêt de Salisbury.
– Hmm… C’est une région juste à côté de not’ capitale.
– Vous pourriez me vendre un cheval et m’indiquer la route ?
– Ouais, bien sur, ma p’tite dame. Pour l’cheval ce s’ra dix pièces d’or. Pour c’qui est d’la route c’est pas compliqué : suffit d’suivre les panneaux. Même l'idiot y arriverait !

Je choisi un cheval, que le palefrenier m'assure rapide et endurant, à la robe terre de sciène, sous le regard dubitatif d’Herbert qui semble trouver ma démarche étrange. Pourquoi diable se presser d'aller à un mariage terminé depuis des jours ? N’y prêtant pas attention, je les remercie et quitte le village, rejoint la route principale et pars vers le Nord. Je ne tarde pas à trouver le premier panneau indicateur qui n'est pas réellement un panneau mais une grosse pierre gravée portant la mention « Salisbury » ainsi qu’une flèche de direction orientée vers le haut. Talonnant, je fais partir ma monture au galop, espérant arriver en vue d'une ville avant la nuit.
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Message  Silwenne Aelfwine Mer 13 Avr - 1:34

Chapitre XX


La nouvelle Layelis



Les étoiles scintillaient, accrochées à la voûte céleste, au-dessus de moi, juchée sur ma monture qui avance au pas. Précautionneusement je m’approche d’un hameau. Il règne une forte activité autour du croisement central malgré l’heure tardive. Outre les passants, ça et là, des petits groupes de personnes discutent ou commercent, d’autre se mesurent en duel amical. Ce doit être un lieu de rendez-vous fréquent et la proximité de la capitale ne fait aucun doute. Avec prudence je continue ma route, talonnant doucement les flans de mon cheval qui part au trot. Les hautes tours et les remparts de la cité se devinent déjà au-dessus de la cime et entre les branches des arbres. Je ne suis pas particulièrement friande de l’architecture humaine aux pierres anguleuses, mais la taille démesurée et l’harmonie de l’ensemble donnaient une impression de puissance majestueuse me laissant sans voix.

Lentement je traverse le pont, le martèlement des sabots résonne entre les murs du corps de garde. Passant sous la seconde arche à la herse menaçante suspendue au dessus du vide, je débouche dans la cité forteresse à la population grouillante tel une fourmilière. Des lampadaires à huile, disposé à intervalles réguliers, éclairent les rues donnant l’impression que ses habitants ne dorment jamais, toujours en activité et, en effet, arpentant le sol pavé, je peux me rendre compte que la plupart des échoppes sont encore ouvertes. Mettant pied à terre, je confie ma monture au palefrenier de l’entrée pour poursuivre son chemin à pieds dans les rues étroites. Des étals je ne trouve qu’armes et armures, de cuir, de maille, de plaque, au prix exorbitant. Il me semble que trouver de la nourriture relève du défi dans un pays qui, vraisemblablement, est tourné vers le combat et les arts guerriers.

Je me laisse guider par mon instinct, furetant au gré de mes envies sans but précis. Je parviens sans mal à passer inaperçue au milieu de la foule bigarrée. Le nez en l’air, mon attention captée par chaque enseigne, par le moindre bonimenteur, je ne vois pas la mage qui arrive en sens inverse, dans ses pensées elle aussi, et nous nous percutons. Nous excusant mutuellement en hâte, parlant en même temps, nous nous taisons soudain, restant quoi toutes les deux en nous observant, interdites devant le miroir qui se dressait devant nous. Hormis l’habillement, la couleur des cheveux et des yeux, chacune de nous est le reflet de l’autre, les traits de nos visages semblent avoir été modelés par la même main. Tournant autour d’un axe central imaginaire, nous détaillant de pieds en cape, nous finissons par réussir à formuler une phrase de concert.

– Mais qui êtes-vous ?

* * *
La taverne est bondée et il y règne un brouhaha constant, rythmé par le ballet incessant de la serveuse allant et venant entre le comptoir et les tables des clients. L’atmosphère surchargée de fumée, de vapeurs d’alcool et de sueur donne à l’ensemble des allures de tripot clandestin. Nous nous frayons un chemin dans la foule d’habitués et nous nous asseyons à une petite table carré dans un recoin épargné de la salle au plafond trop bas à mon goût. Dans la pénombre, nous regards émeraude et azur semblent baignés d’une faible lueur caractéristique du sang Elfique.

– Alors, c’est vous Layelis ? Demandais-je enfin.

La femme aux longs cheveux fins blonds platine hocha la tête en souriant. Je sors le parchemin de ma poche et le déplie avant de le tourner face à Layelis en le faisant pivoter sur la table.
– J’ai trouvé ça hier soir. C’est pour ça que je suis venue jusqu’ici.
– Le mariage est passé depuis longtemps, vous arrivez trop tard.
– Ah, dommage… Enfin, ce n’est pas pour y assister que je voulais venir.
– Pourquoi avoir fait tout ce chemin alors ? Juste pour le plaisir de me voir ?
– Oui.

Layelis reste silencieuse, surprise par la réponse directe, m' observant face à elle pendant que la serveuse dépose deux verres sur leur table. Je range le parchemin rapidement et reprend.

– Enfin… Oui et non.
– Comment ça ?
– Cela m’a fait un drôle d’effet quand j’ai lu votre nom sur l’affiche, l’impression de vous connaître sans vous avoir rencontrée avant. Comme un…
– … déjà vu. Je vois très bien de quoi vous voulez parler…

Layelis a prit son verre avec délicatesse et le porte à ses lèvres, buvant une petite gorgée de façon distinguée. Je la regarde faire un instant avant de l’imiter.

– Vous avez des connaissances ici, des amis ? A part moi, bien entendu, ajoute Layelis.
– Euh… Non, je ne connais personne, je ne suis pas vraiment des environs en fait.
– D’accord…

Elle prend un moment pour réfléchir, buvant lentement son verre d’hydromel, regardant dans le vague sous mon regard attentif. Je ne suis pas très à l’aise. Layelis relève son regard sur moi et esquisse un sourire énigmatique :

– Cela vous dirait de rencontrer mes amis ?

* * *
Nous avions rendez-vous au sommet d’une haute tour dans le quartier des mages. Une fois à l’intérieur, Layelis, très excité et volubile, me fait visiter l’édifice alors que je ne suis que moyennement emballée par le tour du propriétaire. Nous prenons place dans deux fauteuils de velours rouge et discutons pour patienter.

– Nous nous battons pour notre survie, expliqua Layelis. Mais, les tensions sont telles que nos anciens alliés sont parfois nos ennemis. Mais ce n’est que la façade des choses, car, comme dans toute communauté, il y a du bon et du mauvais de part et d’autre.
– Alors c’est pour cela qu’on trouve plus facilement de l’armement que de quoi manger…
– Hmm, oui. Toute personne en âge de combattre, et suffisamment entraîné, et envoyée à la bataille pour repousser les assauts de nos ennemis. Quant à la nourriture, hé bien… Une armée mange beaucoup.

Nous entendons la porte d’entrée de la tour se refermer cinq étages plus bas et Layelis reprend la parole après une courte pause :

– A propos d’Elfes… Si, comme je le pense, vous aussi n’avez pas les oreilles rondes… Il vaudrait mieux rester discrète sur vos origines ou ne pas les montrer, tout simplement.
– Ah… Entendu, je suis habituée à me cacher depuis mon enfance de toutes façons.
– C’est préférable, tous ne sont pas aussi tolérants, loin s’en faut, et bon nombre d’Humains auraient vite fait de voir en vous une ennemie.
– Je comprends, merci du conseil.

Un bruit de pas se fait entendre dans les escaliers et une tête ne tarde pas à poindre au dessus des marches. Un homme de haute stature, le visage anguleux, en armure rutilante barrée d’un tartan bordeaux, fait son apparition, son heaume sous le bras. Layelis se lève pour l’accueillir, venant l’enlacer. Ils s’échangent un baiser et elle le prit par la main en l’attirant doucement vers les fauteuils tandis que je m'étais levée à mon tour.

– Viens, je vais te présenter, dit Layelis à l'homme.

ll fait un pas en avant et s’arrête net en me voyant. L’air circonspect, il nous regarde tour à tour en fronçant les sourcils.

– Mon chéri, laisse-moi te présenter Silwenne, ma nouvelle amie. Silwenne, je vous présente Domir, mon époux.

L’homme hocha pensivement la tête tandis que j'exécutais une gracieuse révérence, écartant machinalement les pans de ma capeline pour la première fois, dévoilant ma plastique largement dénudée par le bustier rouge. Domir et Layelis ouvrent des yeux ronds. La femme est la plus prompte à réagir, cachant les yeux de son mari derrière une de ses mains. Je ne réalise la cause de leur gène qu'avec un temps de retard et m’enroule à nouveau dans mon habit noir. Rougissante, je regarde ailleurs, comme pour chercher un coin où me cacher.

– Hem… Désolée… Je n’ai pas encore eue le temps de me trouver des vêtements depuis… Depuis… Un moment.
– Euh… Oui. Il va falloir y remédier rapidement.
– Il doit bien y avoir une couturière parmi nos amis, dit Domir.
– Excellente idée, mon cœur, une robe sur mesure sera, sans le moindre doute, bien mieux taillée que celles du commerce.
– Et si ça peut aider…
– Parfaitement.

Je les regarde tour à tour, suivant le dialogue sans intervenir, presque timide devant ces personnes si gentilles avec moi sans même me connaître, les laissant faire.

– Tu as une idée ? Poursuivi Domir.
– Oui, attends, je lui demande…

Layelis serre une pierre montée en pendentif entre ses mains et se concentre. Je la regarde, me demandant ce qu’elle fait en haussant un sourcil. Domir esquisse un sourire en voyant ma réaction et me chuchote sur le ton de la confidence en se tapotant une tempe avec un index :

– Elle lui parle par la pensée.

J'écarquille les yeux, incrédule, le sourire de Domir s’élargit et il reprend sur le même ton :

– La pierre qu’elle tient sert de médium, de lien, entre leurs possesseurs : nos amis et alliés. Chacun en a une.

J'acquiesce lentement pour montrer que j'ai compris, même si je n’ai rien compris du tout. Au même moment Layelis rouvre les yeux et nous sourit.

– Elle est d’accord. Nous devons nous retrouver demain, non loin d’ici, pour qu’elle prenne vos mesures, Silwenne.
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Message  Silwenne Aelfwine Mer 13 Avr - 18:21

Chapitre XXI


Aysha



C'est la fin de matinée. Le soleil de mai brille dans le feuillage des arbres bruissant doucement en duo avec le léger clapotis de la rivière que j'ai traversée la veille. Assise dans l’herbe en compagnie de Layelis, qui l’avait hébergée chez elle, nous discutons tranquillement. Layelis a revêtue sa magnifique robe bleue et blanche de l’académie de magie. Quant à moi, je me suis vue prêter une tunique simple, le temps de trouver mieux et à mes mesures, mais bien que simple la tunique est sans conteste plus confortable et discrète que ce que je portait avant, sans parler de l’odeur dont la capeline était imprégnée. Il n’avait pas été si aisé de me trouver quelque chose que je puisse porter. Même si nous sommes de visages quasi identiques, nous n'avons pas exactement les mêmes mensurations et il fallut opter pour un habit ample dans la garde robe de Layelis afin que ma poitrine ne menace pas de déborder hors du décolleté.

Nous nous sentons bien ensemble et ne nous posons même plus de questions au sujet de notre étrange ressemblance, cette amitié complice s’installant tout naturellement. Je n'ai, à ce moment là, pas encore retrouvé la mémoire de mes vies passées. Je ne sais rien de ce qui nous liait autrefois, dans une autre vie et, à part la sensation de nous connaître depuis toujours, nous ne soupçonnons rien. Nous parlons depuis déjà un long moment, au bord de la rivière, lorsqu’une voix de femme se fait entendre derrière nous.

– Vous vouliez me voir, Dame ?

Nous sursautons, toutes deux surprises. Nous ne l’avons pas entendues approcher. Aussi discrète et féline que pouvait l’être un chat, la femme au teint halé, moulée dans une armure de cuir souple de couleur foncée, se tenait debout derrière nous. Elle s’était approchée à pas de velours après nous avoir longuement observées de loin, tapit dans l’ombre, se jouant des regards. A la grâce féline de ses mouvements est liée un sentiment de fascination mêlé à une sorte de menace sous-jacente, comme lorsque l’on se retrouve nez à nez avec une panthère : à la fois subjugué par sa beauté et son regard envoûtant, et tout autant intimidé et respectueux de la puissance qu’elle dégage, la férocité contenue d’un prédateur à l’affût. Layelis et moi nous relevons et elle fait les présentations, amusée de s’être faite surprendre une fois de plus. La femme à la peau mate des gens du désert se nomme Aysha.

Aysha est aussi couturière et elle a préparée le nécessaire pour prendre mes mesures afin de me confectionner un vêtement. Je ne la quitte pas des yeux, méfiante. Quelque chose me gêne, quelque chose qui n'a rien à voir avec son ethnie, ça je m’en moque bien, qu’elle soit Sarrasine n’a pas d’importance à mes yeux. Cela n’a rien à voir, non plus, avec ses mains aux doigts fins qui effleurent mes courbes, l’air de rien. En revanche, il émane d’elle quelque chose… Peut-être est-ce son regard ? A moins que ce ne soit son parfum ?

Soudain je comprend et recule, un air de terreur peint sur le visage. Aysha a légèrement froncé les sourcils, cherchant à comprendre ce qui peut provoquer une telle réaction. Layelis, inquiète, s’approche de moi, essayant de capter mon regard en me prenant doucement les mains pour tenter de me calmer.

– Silwenne ? Vous êtes de nouveau toute pâle, qu’est-ce qui ne va pas ?

Je bredouille des débuts de phrases inintelligibles en pointant un doigt tremblant vers la Sarrasine qui me fixe avec une douceur amère. Layelis a alors l’intuition de comprendre quel est le problème, ce qui suscite tant de peur chez moi car, de fait, il ne peut y avoir qu’une explication pour que je sois ainsi terrorisée.

– Oh… Je suis navrée, j’aurais due vous en parler avant, dit Layelis.
– C’est… C’est une…
– Une Succube ? Oui, mais… Comment le savez-vous puisqu'elle est sous forme humaine ?

Aysha reste silencieuse, les yeux rivés sur moi, avec l’air désolée. Layelis poursuit sur un ton toujours posé alors que je la fixe, osant à peine croiser le regard d’Aysha.

– Il y en a beaucoup dans ce royaume. La plupart du temps ce sont des serviteurs liés à leurs maîtres démonistes, sous leurs contrôle. Certaines sont libres… Soit rendues à la liberté par leurs maîtres, soit elles se sont libérées de force. Certaines essaient de changer de vie et sont nos alliées, les autres sont détruites. Mais Aysha pourra mieux vous en parler que moi…Vous n’avez rien à craindre d’elle, c’est une amie.
– Ce que vient de dire Layelis est exact. Je n’ai aucune raison de vous vouloir du mal, et il en va de même pour mes sœurs. Nous avons tirées un trait sur les abysses dans l’espoir de trouver une vie meilleure dans laquelle nous pourrions être plus libre, pour ne plus être des esclaves.

Elles m'observent alors que je garde le silence, c’est à peine si j'ai réagit, comme hébétée. Layelis échange un regard avec Aysha et s’approche d’elle pour lui murmurer :

– Je pense qu’il lui faudra un peu de temps… Elle m’a l’air bien traumatisée.

La Sarrasine acquiesce doucement, me suivant des yeux alors que Layelis m’emmène me remettre de mes émotions.
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Message  Silwenne Aelfwine Jeu 14 Avr - 9:43

Chapitre XXII


Visite nocturne



Je dors dans la chambre d’amis à l’étage au-dessus. Layelis a tiré les lourds rideaux pour obscurcir la pièce en cette nuit de pleine lune pour me permettre ainsi de me reposer. Les grandes portes-fenêtres du salon sont ouvertes et les voiles volent mollement au gré d’un léger vent frais. Layelis est assise à côté d’une petite table ronde et lit, une tasse fumante d’infusion de plantes à portée de main. Les bruis de la rue, sous les balcons, lui parviennent assourdis, mais elle n’y prête pas la moindre attention, comme un bruit de fond familier et rassurant. Soudain la voix à l’accent chantant d’Aysha se fait entendre derrière elle, vers l’une des fenêtres ouvertes.

– Comment va-t-elle ?

Layelis sursaute d’abord, puis, sans se retourner, elle referme son livre et le pose sur ses cuisses, un léger sourire aux lèvres :

– Mieux. Elle s’est calmée et s’est endormie, répondit Layelis.
– Bien.

Layelis se tourne de trois quart en posant le bras droit sur le dossier de son fauteuil et regarde dans la direction d'où provient la voix d’Aysha, ne la voyant pas tapie dans l’ombre. Aysha fait un pas en avant, dans la lumière feutrée de la pièce.

– Vous vous souciez donc tant de son état de santé ? Cela vous préoccupe-t-il au point de venir vous en enquérir de vous-même ?
– N’y voyez là que de la simple curiosité, répond Aysha.
– Au milieux de la nuit ?

Aysha parait gênée par les questions de Layelis, elle reste silencieuse un moment sans détourner son regard du sien.

– Sa réaction m’intéresse, fini par dire Aysha. Vous avez réussit à en savoir plus ?
– Non. Mais il lui est arrivé quelque chose en rapport avec les Succubes.
– C’est ce que je pense aussi.
– Quelque chose d’assez terrifiant pour elle.
– Sans le moindre doute possible mais, quoi ?
– Je ne sais pas, dit Layelis gravement. Quoi qu’il en soit elle vous a reconnue comme telle sans le moindre mal, c’est déjà un point surprenant.
– C’est vrai, j’en suis la première surprise. D’habitude les mortels ne nous reconnaissent pas si nous ne le voulons pas, du moins pas aussi facilement.
– Je ne vois qu’une seule explication.
– Qui est ?
– Elle a connue une ou plusieurs Succubes, c’est de là que vient sa peur. Elle l’a sûrement connue assez longtemps, et peut-être même intimement, pour pouvoir reconnaître une Succube, à son attitude ou son odeur, quand elle en rencontre une.
– Hmm… Possible, en effet, dit pensivement Aysha.
– Vous voyez une autre explication ?
– Non, pas pour le moment. Mais, le plus simple serait qu’elle nous le dise elle-même.
– Je pense que c’est trop tôt pour elle, vous avez bien vu sa réaction : elle était terrifiée. Il faut lui laisser un peu de temps, ça viendra…
– Vous devez avoir raison.

Layelis se retourne pour saisir sa tasse et en boire une gorgée avant que l’infusion ne soit trop tiédie. Elle la garde entre ses mains en reprenant sa posture initiale. Aysha scrute son regard azur comme si elle cherchait à y lire un mystère enfouit.

– Qu’y a-t-il ? Demande Layelis.
– Il y a autre chose qui me fait m’interroger…
– Quoi donc ?
– Votre ressemblance est frappante, pourtant vous vous comportez toutes les deux comme de simple amies alors que…
– Parce que c’est tout ce que nous sommes l’une pour l’autre, Aysha. C’est une étrange coïncidence, voilà tout.
– Si vous le dites.
– Nous nous ressemblons beaucoup, il est vrai, mais nous sommes aussi très différentes.
– Comme sur quoi ?
– Notre couleur de cheveux, par exemple, nos goûts, notre personnalité… Que sais-je encore. Le monde est vaste, je ne serais pas surprise qu’il y ait votre double, aussi, quelque part.
– Mouais…

La Sarrasine a l’air profondément septique, faisant une petite moue de coté. Layelis sourit et se retourne de nouveau pour reposer sa tasse à présent vide. Quand elle reprend sa position Aysha a disparut. Elle l’appel pour savoir si elle est retournée dans les ombres qu’elle affectionne tant mais elle n'obtient aucune réponse. Aysha est déjà repartie, aussi silencieusement qu'elle est arrivée.
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Message  Silwenne Aelfwine Jeu 14 Avr - 20:54

Chapitre XXIII


Une étrange déclaration



Quatre mois se sont écoulés. Je ne me suis confiée que partiellement, gardant sous silence mes souvenirs les plus douloureux, encore maintenant, même envers Layelis qui m'a faite rejoindre son groupe d’amis, tous membres du Conseil des Sages. J'ai également intégrée l’Académie de magie et suis un enseignement sur la voie que j'ai choisi : la maîtrise du feu. Les leçons sont alternées avec une mise en pratique sur le terrain. Les cours me rebutent et m’exècrent par-dessus tout mais cet élément m’intrigue, moi qui voue une adoration pour la Nature. Je suis de ces étudiants doués mais que l’entraînement rebute, préférant de loin faire ce que bon me semble et quand il me semble bon.

Mes craintes vis-à-vis des Succubes alliées se sont changées en méfiance, leurs accordant le bénéfice du doute quant aux rapports entre elles et Ananké, mais je dois bien me résoudre à ne pas les mettre toutes dans le même panier puisqu’elles disent vouloir et avoir changées.

J'ai fini par accepter Aysha comme amie. Layelis a confiée à la Sarrasine la tâche de me protéger lors de nos nombreuses incursions sur les frontières et lors des escarmouches sur les champs de bataille, de fait nous sommes très souvent ensemble. Rien ne laisse deviner si celle-ci le fait par devoir, pour l’argent, ou parce qu’elle le veut bien. A se demander si Layelis n’a pas une idée derrière la tête… Quand je ne suis pas avec l’une c'est que je suis avec l’autre, ou les deux, mais je suis rarement livrée à moi-même. Aysha se montre patiente, se confiant sans gène en me parlants d’elle et de ses nombreuses amantes. Ainsi je me suis forgée une idée plus précise de la façon d’appréhender l’amour, et particulièrement le sexe, pour une Succube.

Aysha et, d’une façon plus générale, les Succubes qui ont décidées de vivre à la surface en étant libre, différencient l’amour en tant que sentiment et qu’acte sexuel. Se souciant souvent bien peu de la morale et des tabous, elles s'adaptent petit à petit aux concepts humains. Cela ne les dérange en rien d’avoir des relations avec d’autres personnes, hommes ou femmes, en dehors de leur couple, quand elles en ont un. Elles ont découvert le sentiment amoureux et l’éprouvent elles-mêmes depuis peu. Pour elles faire l’amour avec un ou une, voir plusieurs autre partenaires n’est que du plaisir supplémentaire et elles ne conçoivent pas de se limiter à un seul être, de ne se réserver qu’à une personne exclusivement. Le fait même qu’elles puissent éprouver des sentiments amoureux sincères ne me surprend pas particulièrement. Je ne suis pas une experte en démonologie, encore moins des Succubes, et ma seule référence en la matière se nomme Ananké, même si elle ne peux affirmer avec certitude si celle-ci était sincère lorsqu’elle disait m’aimer.

La croyance populaire, confortée par les clichées et certaines gravures, décrivent les Succubes comme des créatures à la peau grisâtre pourvues d’ailes membraneuses, de cornes, de sabots et d’une queue fourchues. Ils n’ont pas foncièrement tord mais, si celles qui sont invoquées sont ainsi c'est qu'elles sont sous leur forme originelle. Les Succubes peuvent aussi adopter une forme humaine de leur choix, pour charmer les mortels la plupart du temps, et celles qui vivent libres hors des abysses sont sous cette forme constamment. C’est pour cette raison évidente qu’elles se fondent dans la masse de la population sans le moindre mal, ne se faisant remarquées au premier abord, par ceux qui ne les connaissent pas, que par leur extrême beauté. C’est pour cette raison également qu’il est si difficile de les traquer et les combattre. Bien des femmes humaines furent accusées à tord d’être des démons durant de sombres heures de l'histoire de ce monde.

Outre le fait d’être une Succube, sous certains aspects Aysha me rappelle Ananké, en cela qu’elle ne couche qu’avec des femmes. Cet état de fait m'a longtemps surprise. Elle est même parfois très hostile envers la gente masculine, sauf en de rares exceptions. Je ne sais pas ce qui est la source de cette hostilité. Nous avons chacune notre part de mystère, notre jardin secret, et nous pensons que cela vaut peut-être mieux ainsi. C’est ainsi qu’un soir d’octobre, au sommet d’une tour de garde…

– Silwenne… Je ne t’attire vraiment pas ?
– Je te l’ai déjà dis, Aysha. Tu as déjà Sofia et je ne sais combien de maîtresses. Etre une de plus accrochée à ton palmarès parmi tant d’autres ne m’intéresse pas.
– Donc la réponse est non.
– Ce n’est pas une question d’attirance, loin de là. Tu es vraiment très belle et je me sens bien avec toi mais… Tu as déjà quelqu’un… Et moi, j’aspire à autre chose qu’un plaisir brut sans sentiments. Mais nous avons déjà parlées de tout ça.
– C’est vrai, et je te le redis : il n’y a aucune honte à se procurer du plaisir. Surtout lorsque c’est un besoin…
– Un besoin ? C’est parce que Sofia ne te suffit pas que tu la trompes ?
– Tu sais bien que la « tromperie » est un concept que je ne reconnais pas en amour.
– Oui, le mot est peut-être mal choisi.
– Elle me comble sentimentalement et sexuellement, ce n’est pas ça.
– Mais ?
– C’est plus compliqué que ça…

Je regarde la Sarrasine assise face à moi, le silence s’installe. J'attends que mon amie décide elle-même d’apporter des précisions ou non, ne voulant être indiscrète, craignant d’aborder un sujet délicat. Aysha se décide à continuer.

– Il y a plusieurs espèces de Succubes, comme il existe plusieurs espèces d’un même type de plantes, ou des dizaines espèces différentes d'araignées, chacune ayant ses particularités. En ce qui me concerne j’ai… J’ai un besoin vital de deux choses : du plaisir, que le sexe me procure, et du sang.

Je hausse un sourcil parfait, le gauche, avec un petit rictus de dégoût que je m’efforce d’effacer rapidement de peur de blesser Aysha par ma réaction.

– Je peux me passer de l’un à condition d’avoir de l’autre à profusion. Je n’aime pas tuer inutilement, et encore moins une femme, alors je compense en ayant autant de relations sexuelles que possible, ce qu’une seule femme ne peut m’apporter.

Je regarde Aysha en hochant doucement la tête, le silence retombe au sommet de la tour de garde. Les besoins d'Aysha et les futures ennuis de dépendance des Olhym sont très similaires, et ce n'est peut-être pas une coïncidence.

– Cela n’explique pas pourquoi tu me demandes si je suis attirée par toi, dis-je après un moment de réflexion. Tu as déjà de nombreuses maîtresses, une de plus ou de moins, cela ne changerait pas grand chose pour toi.
– C’est vrai mais…
– Mais ?
– Mais… Tu ne serai peut-être pas « une de plus »…
– Explique-toi…

Aysha prit un instant pour peser chacun de ses mots avant de répondre.

– Il y a Sofia, que j’aime de tout mon cœur, et il y a les autres. Tu ne serais pas une des autres… Sans pour autant prendre la place de Sofia.

Je redresse doucement la tête, je viens de comprendre.

– Oh. Drôle de façon de m’annoncer ça… Dis-je à mi-voix.
– Oui, excuse-moi. C'est étrange, je ne suis pas très à l'aise.
– Ce n’est pas grave, mais ce que tu me proposes ce n’est ni plus ni moins que de la polygamie.
– Hmm… Désolée, je n’aurai pas due.

Je baisse la tête, pensive, sous le regard attentif d’Aysha qui détourne finalement le visage pour fixer l’horizon, gênée par la situation, elle qui, d'habitude, n'a pas autant d'état d'âme.

– Il faut que j’y réfléchisse, dis-je enfin.

Aysha me regarde de nouveau en entendant ces mots.

– Tu me demandes d’accepter de te partager. Je devrais sans doutes refuser catégoriquement… Mais je… Je vais y réfléchir.
– Que je sois une femelle, enfin, je veux dire une femme, ne te dérange pas ? Demande Aysha doucement.
– Tu pourrais être un homme que cela ne changerait rien à la situation. Si ?
– Non, en effet. Le problème, si tant est qu'il y en ait un, reste le même.
– Hommes, femmes, je n'ai pas de critère aussi distinct quant au genre. Pour moi ce n'est pas de quel sexe est l'autre qui importe dans les sentiments. Mais, bizarrement, mon entourage proche n'est quasiment constitué que de femmes. Le choix devient limité, dis-je en esquissant un sourire.

Aysha me rend mon sourire et se détend alors que nous portons notre attention sur le soleil entrain de se coucher derrière les alignements de pierres de la plaine de Salisbury.
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Message  Silwenne Aelfwine Ven 15 Avr - 20:13

Chapitre XXIV


Et vogue la Marquise



Plusieurs semaines son passées. Je n'ai pas encore prise de décision pour Aysha. Cette nuit là, Aysha m’appelle par la pierre de télépathie, me demandant de venir la rejoindre sur la berge d’un petit lac calme que nous fréquentons toutes les deux, appréciant l’endroit pour sa tranquillité, loin des regards. Nous avons passé de nombreuses heures à cet endroit parlant de tout et de rien, le plus souvent pour le simple plaisir d’être ensemble en bonne compagnie. Lorsque j'arrive, je retrouve Aysha en compagnie d’un homme qui doit être âgé d’une cinquantaine d’années, un vieillard, pour ainsi dire, compte tenu de la faible espérance de vie. Ses cheveux sont gris blancs, ses yeux bleu très clairs, son visage buriné par le soleil et les embruns mais il est encore beau et on le devine robuste pour son âge. Il est habillé d’une robe de bure simple taillée dans une étoffe épaisse. A mon approche ils se lèvent tous les deux pour m’accueillir. Aysha présente l’homme comme étant le Frère Ghalenn, un moine, ce qui explique sa tenue d’homme pieux, et son apparente sérénité, sans pour autant en indiquer le culte ni le véritable nom, juste un statut. Il faut s’en contenter. Nous nous installons, Aysha un peu en retrait derrière moi. Il m'observe silencieusement durant de longues minutes, ce qui a la fâcheuse tendance à m'énerver lorsqu'on me regarde comme une curiosité, c’est du moins l’impression que j'en ai. Le Frère ne sait pas par où commencer. Il prend une inspiration et se lance.

- Vous souvenez-vous de votre enfance ?
- Oui, bien sur.
- Vous pouvez me raconter ?

Je lui fais un résumé de mon enfance à la ferme. Mon père qui meurt quand je suis encore toute petite, la vie rude des champs et du bétail. Ce n'est ni long ni passionnant, une vie simple et banale comme il y en a tant. Lorsque j'ai fini de parlé il laisse passer un moment avant de prendre la parole et désigne le bandeau qui dissimule mes oreilles.

- De qui tenez-vous ces jolies oreilles pointues ? De votre mère ou de vôtre père ?

La question est toute simple, pourtant je ne parviens pas à répondre immédiatement. Je dois réfléchir pour me rappeler de mon père pour m’apercevoir qu'aucun de mes deux parents n'avaient les oreilles comme les miennes.

- Aucun, dis-je enfin.
- Aucun... Voudriez-vous savoir pourquoi ?

Ce type commence à m'échauffer les sangs et je sens que sa réponse ne va pas me plaire. Derrière moi, Aysha ressent cela et fait un signe au moine d'être moins directe. Celui-ci change de méthode.

- Laissez-moi vous raconter une histoire, vous déciderez ensuite si vous voulez me croire ou non. Etes-vous d'accord ?

J’acquiesce simplement et le laisse parler. Il s'installe en tailleur et commence à préparer un tas de brindilles pour faire un feu de camp. L'histoire qu'il a raconter doit être longue.

- C'était il y a vingt cinq ans environs. Nous venions de quitter un grand port marchand au Nord-Ouest du pays à bord de la Marquise, notre trois mats. Le capitaine se tenait à la poupe du navire. C'était un homme d’une trentaine d’années avec des cheveux d’un blond platine. Il regardait la côte s’éloigner, les maisons et les gens rapetisser, à mesure que l’embarcation gagnait la haute mer. L’équipage avait embarqué des vivres et tout le nécessaire à un long voyage de part les mers pour rallier notre destination.

* * *
La terre avait à présent disparue derrière l’horizon depuis longtemps. L’homme à la chevelure platine avait regagné sa cabine sur la porte de laquelle on pouvait lire cet unique mot, habilement sculptée dans une plaque de chêne : « Capitaine ». La petite pièce chaleureuse sentait bon le bois. Accrochée au plafond une lampe à huile se balançait au gré des roulis du navire, bercée par le chant régulier de la coque grinçante et craquante. Il était penché au dessus de son bureau sur lequel était déroulé une carte marine calée par un chandelier, d’une part, et par un sextant de l’autre, une boussole et un compas posés dans un coin. Quelqu’un frappa à la porte de la cabine, il marmonna d’entrer et se redressa pour faire face, s’appuyant contre le bureau en croisant les bras sur sa poitrine.

- Ah ! Ghalenn, entre donc.
- Merci, capitaine.

Ghalenn était un grand gaillard tout en muscles, une montagne surmontée d’une touffe de cheveux bruns hirsutes. Sa forte pilosité et sa barbe fournie lui donnaient des allures d’ours qui impressionnait toujours ceux qui ne le connaissaient pas. Il baissa la tête pour passer la petite porte de la cabine et s’engouffra à l’intérieur. Le capitaine sourit en le voyant faire et lui fit signe de s’asseoir sur sa couchette, craignant pour sa frêle chaise. Ghalenn prit place et saisit le verre de eau-de-vie que lui tendait le capitaine, le remerciant d’un sourire.

- Tout se passe bien là-haut ? Demanda le Capitaine.
- L’équipage est un peu inquiet, mais tout est en ordre.
- Les hommes sont inquiets ?
- Tu sais… Tout ce qu’on raconte sur les bateaux qui ont disparus dans les parages… Nous pourrions peut-être nous rapprocher des côtes ?
- Je ne crois pas à toutes ces histoires de fantômes, de sirènes et autres fariboles. Si des bateaux se sont abîmés c’est qu’ils avaient de mauvais capitaines, voilà tout. Avec une bonne carte et des instruments fiables je conduis ce bateau n’importe où les yeux bandés.
- Je sais bien, Nathan, mais les hommes…
- Ecoute, le coupa-t-il. Tu diras à l’équipage que longer les côtes nous fera perdre un mois, voir deux. Alors si ils ne sont pas pressés de revoir leurs familles et que cela ne les dérange pas de perdre leur prime en arrivant dans les temps…
- Hmm, d’accord, je leur dirais ça, cela devrait les motiver.
- Allons, n’y penses plus. Dans huit mois nous en rirons tous les deux devant une bonne bière, tu verras.

Ils rirent tous les deux en trinquant avant d’avaler leurs verres de eau-de-vie d’une traite. Dehors le ciel se couvrait, de noirs nuages masquèrent la pâle rondeur de la lune alors que le vent commençait à se faire plus fort.

Il ne fallut pas longtemps pour que la tempête se déchaîne. Des creux vertigineux, des crêtes menaçantes surplombant le trois mats, secoué comme par des mains de géant, lui donnaient des airs de coquille de noix chahutée sur l’océan noir prêt à l’engloutir. Sur le pont le capitaine beuglait ses ordres couverts par le hurlement d’un vent déchirant, mugissant pareil à des plaintes venues des entrailles liquides. Le combat inégal se prolongea jusqu’à l’aube, la tempête se calmant presque aussi vite qu’elle avait grossit. Il faudrait profiter du calme retrouvé pour réparer. Le capitaine demanda un rapport complet des dégâts subits durant la nuit avant d’aller se reposer dans sa cabine, laissant le soin à son second, Ghalenn, de le remplacer durant ce temps de répit.
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