[BG] Dylinrae d'Eodh

La panique règne et nombre des prêtresses gisent déjà ci et là, leur sang dessinant des roses écarlates sur leurs robes blanches.
Les cris retentissent à mes oreilles, je la vois enfin et la rejoins, à bout de souffle. Elle repousse toujours l’assaillant, tantôt frappant de sa lumière, tantôt relevant les nôtres de leurs blessures.

Elle tourne un instant la tête vers moi.
« - Vas t’en Dylinrae, il faut qu’une de nous reste en vie si nous voulons penser à l’avenir.
- Il est hors de question que je me cache comme une pleutre mère !
- Pars tant qu’il est encore temps ! »

Je vois le courant d’ombre se diriger vers elle, à temps pour ériger un bouclier de lumière afin de la protéger, je me place à ses côtés bien décidée à faire ce que je l’on m’avait appris depuis que j’étais enfant : protéger, veiller sur les miens.

Soudain son pouvoir me repousse, m’expulsant au bas des marches.
« - Cours de te cacher ! Obéis-moi ma fille ! »

Trop occupée à veiller sur ma sécurité elle s’était oubliée elle-même. Les yeux emplis d’effroi je vois briller la lame avant de distinguer qui la tenait, en un instant elle fuse, se nichant dans son dos et déjà sur le devant de sa robe une rose écarlate se dessine.
Je vois alors dans son regard de jade l’amour et le désespoir aussi, une unique larme roule sur sa joue avant que son corps ne tombe dans un bruit mat.

J’hurle de rage, me jetant sur son assaillant, mais que puis-je faire face à une si habile lame … La lutte dure, je parviens à récupérer de mes plaies mais j’ai tant de mal à lui infliger assez de blessures pour le mettre à terre.
Alors que je la fatigue commence à poindre je vois un second attaquant approcher, un sourire carnassier accroché aux lèvres, tirant sa dague au clair.
Je recule, me protégeant comme je le peux, manquant de trébucher sur les cadavres qui s’amoncèlent sur les dalles jadis d’une blancheur virginale.

A chaque mouvement mon corps proteste, ma masse me semble si lourde, je garde les yeux braqués sur mes deux harceleurs, mon bouclier bien en place, puis je frappe encore et encore, de ma masse et de ma lumière.
J’en appelle à l’aide des dieux …
Je sens une vive douleur dans le bas du dos, je ne peux pas crier, je ne sens plus mes jambes et m’écroule.
Chaque souffle est une déchirure, j’entends rire derrière moi tandis que mes assaillants baissent les armes, l’œil lubrique …

« - Joli coup, elle ne pourra pas se sauver ainsi.
- Allez ma mignonne, cette campagne est épuisante, nous avons besoin d’un peu de réconfort.
- Tu aurais pu choisir une de ces catins en robe, ça aurait été plus pratique, regarde-moi cet attirail qu’il va falloir lui ôter !
- Elle est plutôt jolie, ça m’dérange pas d’l’effeuiller la garce ! »

Horrifiée, je sais à présent ce qui m’attend et regrette de ne pas m’être retrouvée éventrée. L’un d’eux s’approche, son cou semblable à celui d’un taureau. Son crâne est à moitié rasé, seule une queue de cheval reste sur le sommet de sa tête qui est tatouée sur toute sa surface. Il porte plusieurs anneaux aux oreilles et un dans le nez.
Il me regarde, l’air d’un animal sauvage devant sa proie acculée. Il fait sauter les boutons de mon pantalon, le baisse jusqu’à mes chevilles puis s’évertue à m’ôter ma cuirasse.
Je le frappe de mes poings mais les deux autres viennent alors me plaquer au sol, le plus petit me gratifiant d’un coup de poing bien senti au passage.
Je sens la douleur poindre sous le feu de ma joue.
Je refuse de pleurer ou de supplier, cela risquait de faire bien trop plaisir à ces porcs !

L’un d’eux me pinçait le téton, ponctuant son geste d’un rire gras …. J’ai le cœur au bord des lèvres.

« - Dépêche-toi, que l’on puisse chacun avoir sa part !
- Minute, minute !
- Horgyr ! Que fais-tu espèce de chien galeux !? »

J’entends la voix avant de la voir avancer d’une démarche féline.
« - N’avez-vous rien d’autre à faire ? Ils ont besoin de renfort à l’ouest ! Êtes-vous aussi peu regardant au point de vous souiller avec cette Kelari ??? Filez d’ici avant que je ne vous botte le cul !
- Tu vas nous balancer au chef ?
- Barrez-vous vite avant que ne m’en prenne l’envie ! »

Quel soulagement, je voyais la fin de mon cauchemar … Enfin, c’est ce que je pensais …
Elle se place au-dessus de moi, ses yeux d’acier se rivant un instant dans les miens.

« - Voilà la seule chose que méritent les garces dans ton genre … »

La douleur est vive, fulgurante … J’essaie de respirer ou de parler mais je ne produis que des gargouillis infâmes. Je sens le sang couler dans mon cou.
J’ai froid, j’entends des bruits autour de moi mais j’ai déjà l’impression de ne plus être là, je lutte mais en vain, mes yeux se ferment et je dérive dans les ténèbres abyssales. Je ne souffre plus …

Cela arrive à nouveau, j’entends comme un brouhaha de voix mais mes yeux refusent de s’ouvrir, les sons martèlent ma tête et j’ai l’impression que chaque respiration me brûle les entrailles.
On approche de moi une lumière vive, je tousse, mes oreilles bourdonnent et mon crâne semble prêt d’exploser.
J’ouvre enfin les yeux avec difficultés, je ne suis plus au temple, je suis dans une machine … On vient à moi, on me parle mais trop vite, je ne comprends pas.
Devant mon regard éberlué on me fait sortir, on m’assoit puis on m’explique de nouveau, calmement.
J’ai peur … Je pense à celle que j’ai perdue.

Les semaines passent et je réapprends à vivre, je m’entraîne afin de parfaire mes techniques. Je me tiens éloignés des mâles, ils m’écœurent …
Jusqu’à ce qu’il arrive, il me regarde réellement, il garde ses distances, reste respectueux et m’offre son amitié. Il ne s’offusque pas de mes réactions, il ne sait rien mais respecte mes choix et mes craintes.

Il s’appelle Lucian, il est spécialisé dans la magie. Sa peau est aussi sombre que la mienne est pâle, ses cheveux de neige tranchant avec son teint d'ébène tandis que jusque dans ma chevelure je porte le sang que j'ai vu versé dans le passé.

On nous dit de faire équipe et c’est ainsi que nous voyageons dans le passé, pesant sur nos épaules la lourde tâche de préserver l’avenir de Telara.