[BG] Sanrek Jalan, dit "Le Grisecendre"

Un autre temps, une autre vie qui semble maintenant si lointaine, un autre moi qui ne me ressemble pas, ou peut être est-ce l’inverse, finalement.
Les rues de la capitale sont calmes, la nuit étendant son emprise sur les îles, pourtant le choc de l’acier contre l’acier vient troubler cette quiétude alors que deux silhouettes bondissent sur les pavés humides.

Pour la dixième fois au moins ma lame se trouve déviée de sa mortelle trajectoire, mordant l’air avec un sifflement agressif au lieu de la gorge exposée de mon adversaire, qui recule d’un pas avant de reprendre sa garde.
Un mince sourire vient poindre sur mes lèvres : Elle sait se battre, c’est un fait, et cela ne rends que plus intéressante cette rencontre, même si son issue ne fait aucun doute pour moi.

Son regard croise le mien, et malgré ses efforts pour ne rien laisser paraître, je peux lire dans ses yeux la résignation et une pointe de peur, mais elle lève ses armes et attaque derechef, avec toute la rage et l’énergie du désespoir telle une véritable tornade d’acier.

Quel gâchis ! Un tel courage et une telle habileté à l’épée pour une telle beauté…mais le clan a ordonné sa mort, et je ne peux pas concevoir l’échec.

Un dernier échange, une attaque vicieuse qui me force à reculer, une mince lueur de triomphe dans ses yeux alors qu’elle s’accroche à cet espoir, vite remplacée par la surprise et la souffrance quand ma lame trouve le chemin de son cœur.
Je la soutiens dans mes bras alors que la vie l’abandonne, repoussant d’une main une mèche de ses cheveux pour caresser son visage et essuyer la goutte de sang qui vient de perler de sa bouche.

Quel gâchis…Vraiment.


Je ne sais pas ce qui est le pire, avoir été témoin d’un meurtre de sang-froid, sans la moindre hésitation ou remords, ou la certitude qu’il s’agit bien de mon propre souvenir.

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La scène change, s’estompant tandis que la fureur de la mer et l’odeur des embruns remplacent la ville endormie.

Le navire est perdu, cela ne sert à rien de se leurrer, et nous ne sommes même pas en vue des cotes…autant dire que nous le sommes aussi.

Je regarde tour à tour les autres occupants les plus proches, qui comme moi se cramponnent comme ils peuvent, tous des inconnus dans ce bateau bondé, en me demandant à quoi ils pensent à cet instant, sans doute à leurs parents et leurs proches.

Certains pleurent, d’autres prient, comme si nous avions encore des dieux auxquels nous raccrocher…enfin je suppose qu’au vu de la situation cela ne coûte rien d’essayer.

L’océan se referme soudain sur le navire comme un prédateur achevant sa proie.

…J’aurais peut être du faire comme eux.

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Un nouveau changement, mais cette fois je ne pense pas qu’il s’agisse d’un souvenir. Ma vision est brouillée et j’entends des voix diffuses qui s’adressent à moi, mais mon esprit est trop embrumé pour pouvoir saisir ce qu’elles disent.

J’arrive enfin à distinguer les lieux autour de moi, d’abord la cuve dans lequel je me trouve, puis la pièce entière, sombre, seulement éclairée par la lueur diffuse des machines autour desquelles s’affairent érudits ou technomanciens.

Je suis vivant, et les quelques doutes qui auraient pu subsister à ce sujet sont vite balayés par la migraine affreuse qui me vrille les tempes…pas la façon la plus agréable de fêter son retour, je dois dire.

On m’explique beaucoup de choses sur ma nouvelle nature, dont finalement je ne comprends pas la moitié tellement cela me semble absurde, moi, un être Elu ? C’est grotesque, et je finis tout de même par poser la question qui me brûle les lèvres :

« Ou suis-je, et…quand ? »

La réponse me fait encore sourire, même aujourd’hui, des années dans le passé de ce futur qui, je l’espère, n’existera jamais ailleurs que dans ma mémoire :

« Vous êtes dans le dernier bastion renégat, Regulos a gagné, et la date importe peu, disons simplement que c’est probablement le dernier jour de Telara »

Me ramener à la vie juste à temps pour assister à la fin du monde et sa destruction par Regulos…les savants ont vraiment le sens de l’humour.