[BG] Teryana.

D’hier à aujourd’hui.


Dansent les flocons dans la brise du soir, et tournoient les remous de l’air comme d’invisibles bras. Les branches craquent sous la morsure du gel et sous les bottes de celle qui court, hors d’haleine.
Gravir la congère, puis une autre, et encore une autre. Elle est essoufflée, mais elle gagnera cette fois : celui qui terminera le plus grand nombre de voyages aura gagné. Gagné.

La fillette filait sur la route reliant les Chutes Blanches à la Croisée du Pèlerin. Comme pour plusieurs autres enfants de son âge, ce défi avait le goût de l’aventure et de l’interdit. Au soir tombant, celui d’entre eux qui arrivait à supporter le plus longtemps possible la neige et le froid avant de revenir au village et à ses feux douillets, était admiré par ses comparses, lesquels se soutenaient pour que la chose reste secrète aux oreilles et aux yeux des adultes. Ils s’y risquaient le plus souvent à deux ou en petit nombre, évitant les patrouilles et vérifiant comme ils le pouvaient le secteur des sentinelles proches. Aucun d’eux n’avait plus de douze ans, et ils auraient sans doute préféré avoir une montagne de corvées à accomplir plutôt que de trahir leur secret.

Teryana, bonnet d’épaisse fourrure enfoncé sur le crâne, deux paires d’écharpes autour du cou et un jupon de grosse laine recouvrant ses jambières, trottait-clopinait comme elle le pouvait au fur et à mesure que le vent se fortifiait. Un loup hurlait au loin, seul, son aussi familier à un habitant du Pic que le chant d’une chouette l’était pour des forestiers ordinaires. Une petite carabine était passée à son dos en travers d’une courroie : on pouvait être téméraire sans pour autant être stupide, et les enfants qui grandissaient dans la région apprenaient vite à se servir d’armes.

La vallée s’assombrissait, et la petite brunette qui galopait seule grimaça un sourire. Elle serait une des rares à avoir osé la sortie aussi tard. Son compagnon de route, un garçon du nom de Meren, avait une vingtaine de mètres d’avance sur elle, galopant à grandes foulées. Elle avait encore le sourire aux lèvres lorsqu’elle glissa sur une dalle gelée et s’étala brusquement sur la chaussée. Un peu sonnée, elle se releva avec précaution en se tenant le nez, lequel avait subi le choc de plein fouet. La situation lui parût beaucoup moins drôle et quelques larmes brillèrent sur ses joues glacées par le vent. Mais la colère lui revint, elle gagnerait coûte que coûte.

***

Tery n’avait pas le teint clair de la plupart des villageoises. Des origines métissées l’aurait plutôt destinée à déambuler au milieu des sables et des oasis. Têtue et garçon manqué, elle était la première à se jeter dans une bagarre, et la dernière à capituler sous les sermons, yeux rétrécis et bouche serrée sous l’effet de l’indignation. Une des rares petites-filles d’une famille fort nombreuse, et la préférée d’une matriarche autant redoutée pour son esprit vif, sa tyrannie domestique, que pour ses sortilèges (Grand-mère ayant tâtonné dans sa jeunesse de multiples arts magiques…).
Il ne se passait pas un mois sans qu’un cousin éloigné n’arrive, exténué par le voyage, porteur de nouvelles de mariages, séparations, décès ou naissances. Une des branches de la famille Ogg s’était installée au Pic du Pin de Fer depuis une vingtaine d’années, et Tery avait elle-même quelque fois rendu visite à des parents installés en Mathosia. Toutefois, il était rarement question de politique, car après tout, les quelques Ogg au service de familles nobles se gardaient bien d’avancer plus que quelques remarques anodines. La fillette, elle, ne se posait pas vraiment de questions, et après tout, qui l’en aurait blâmée vu sa situation ?

***

Le vent soufflait de plus en plus fort et les environs devenaient plus flous sous la neige acharnée. Lorsqu’elle avança un pied pour se remettre en marche, Meren se mit à hurler et chaque détail parut se figer.
Teryana se rua en avant tête baissée, sans réfléchir, ses bottes s’enfonçant dans la couche de neige à présent épaisse. Au Pic, un voyageur qui hurlait n’avait que peu de temps devant lui.
C’était comme si les adultes du village laissaient libre court à leur indignation…

Qu’est-ce qui vous a pris ? Pourquoi un jeu aussi stupide ? Vous voulez être emportés par l’armée gelée ? Crucia dort sous les glaces… !

Les bottes courent courent courent… mais il n’y a plus de bruit, plus d’autres bruits que le blizzard qui souffle à présent, et le froid qui vous brûle lèvres, yeux, oreilles, plus d’autre idée que de courir à perdre haleine pour que tout cela ne soit qu’une farce stupide et le danger qu’une blague de mauvais goût… Cela n’est jamais arrivé, Meren n’a jamais voulu jouer la dernière course, et il n’y a que la flamme rassurante de la cheminée et l’odeur des bottes qui sèchent tout près…

Plus de route pavée. Plus un seul signe de vie. Juste les battements de cœur affolés et l’impression d’avoir fait une abominable erreur. Et le froid, lui, est vivant, avide et dévoreur de toute étincelle de chaleur. Qu’est-ce qui est sa propre jambe, qu’est-ce qui est une racine ? Tout est engourdi…

Teryana s’arrêta. A quoi bon s’enfuir ? Elle ne savait même plus où elle se dirigeait. Les guerriers disaient que Thedeor protégeait les cœurs courageux. Mais là, il n’y avait personne. Son arme était tombée sur la route quand elle avait glissé. Il n’y avait que les arbres, immenses et noirs dans toute cette blancheur. Et il y avait…quelque chose dans la neige. Quelque chose qui portait un manteau. Avec une main toute blanche qui reposait en travers. Les ongles étaient bleus.

Elle recula lentement.

Je ne veux pas mourir de froid. Je ne veux pas mourir ici. Je ne veux pas, je ne veux pas je ne …

Les flocons dansent au gré du vent, insensibles aux misères humaines.
Quelque chose brilla. De blanc. De froid. Mais de doux. Les flocons dansent autour de qui sait les comprendre.
Lentement, délicatement, une corolle de glace se déploya, repoussant le vent mordant et enfermant en son centre celle qui ce jour-là, saisit la voie de la Magie.


***

- Plusieurs années plus tard. -


Il y a des personnes gâtées par la nature.

Beauté, intelligence, grâce… femmes à la démarche ondulante comme le serpent et à l’esprit aussi acérée que la plus fine des lames. Hommes inspirant le plus profond respect de par leur aura naturelle, force et dignité enrobée de courage et de bons mots. Leurs manières sont aussi naturelles que l’eau coulant des ruisseaux.

Et puis il y a les autres.

Certains ont un instinct sûr pour arriver au mauvais moment. Leur maladresse n’a d’égal que leur distraction. Sans être des laiderons, ils laissent le même souvenir d’une foule : imprécis, vague, confus. Ils font des erreurs, s’en excusent, jouent, s’amusent, n’ont pas forcément la parfaite adresse aux armes mais ne sont pas pour autant des poids (enfin, pas toujours…).

Depuis que les Elus ont été relevés pour arpenter Telara, l’avenir est en mouvement, et l’air chargé bruisse de messages cachés. Les dieux ont parfois le sens de l’humour, ou bien savent sacrément bien voir la miette de courage au fond du plus improbable des héros.

Vautrée dans sa chaise, jambes croisées et bottes mouillées tournées vers l'âtre crépitant afin de les faire sécher, Tery soupira d’aise, démêlant d’une main sa tresse blanche.

- Bon. Elten, tu m’diras c’que tu veux, mais user de ses charmes, c’est aussi user de ses forces. L’important après tout, ça reste nos objectifs. Et pour moi c’est hors de question de voir les Elus comme des saintes-nitouches, ou d’obéir aveuglément à deux-trois prieurs. Faut savoir savourer la vie. Surtout quand on sait à quel point elle vous manque quand vous passez d’l’aut côté. On s’fait une p’tite danse ?

[HRP]Fiche du personnage Teryana version Rift.







Nom: Ogg
Prénom: Teryana, plus couramment appelée Tery.
Age au moment de sa mort: 25 ans.
Taille: 1m 72
Physique: Teint doré, chevelure blanche (décolorée par la magie, à l'origine brun sombre), grands yeux bleu glace expressifs. Malgré une silhouette assez féminine, son charme provient principalement de ses mimiques/expressions et de sa voix chaude.
Famille: De très nombreux parents, cousins, oncles, tantes et tout ce qui suit.

Caractère/notes (P.s. Ceci est une trame, et sujette à évolution selon évènements in-game.)
Fêtarde, un peu trop portée sur la boisson, tête en l'air, excentrique, séductrice à ses heures perdues, bavarde, amusante sans le vouloir, aime parler avant de réfléchir, donner son avis même si on ne le sollicite pas, aider (mal) des amis, rester à traîner dans la demeure de Gahil...Plus pensive et moins exubérante certains jours. Parfois son insouciance naturelle laisse passer quelques remarques/observations pertinentes, elle n'est pas forcément aussi sotte qu'elle joue à l'être.
Alliée indéfectible une fois qu'elle a accordé sa confiance.
Malgré de nombreuses amourettes, elle ne perd pas le nord et garde le contrôle sur sa vie privée.
Niveau croyances: Peu assidue à rendre hommage à telle ou telle divinité, sauf par coutume, comme le ferait par exemple un pêcheur avant de partir en mer avec une petite pensée vers Santic. Elle a fini par développer une prédilection pour Tavril (sans doute à force de côtoyer certains amis).

Voie: Mage.
Son domaine de prédilection reste la Magie du Givre, magie intuitive pour elle, ce qui l'a amenée vers la voie des Tempestaires. Après des études d'arcaniste, elle a pu utiliser les autres domaines.

Lieu de résidence: Depuis le retour en tant qu'Elue, elle vadrouille sans réelle attache, mais peut facilement regagner le foyer familial près des Chutes Blanches au Pic du Pin de Fer, ou même se faire héberger chez un quelconque parent.

Couleurs de prédilection: Le bleu et dans une moindre mesure le rouge, madame étant coquette (même si parfois c'est raté après avoir galopé des heures à droite à gauche, ce qui lui donne une allure d'épouvantail).

Plus proches amis: Parmi les survivants, quelques autres Elus, à l'origine membres d'un groupuscule obscur auquel Tery appartenait. Un couple discret, Edaintaur, maître d'armes Mathosien, et Gahil, guérisseuse Haut-Elfe, laquelle lui a enseigné l'art du soin. Elten, un clerc Mathosien très attaché aux vieilles valeurs de la chevalerie et de l'honneur.
Valshéa, ancienne collègue mage et rivale, est restée auprès d'elle en tant que serviteur de nécromancienne.

Conflit Gardiens/Renégats: Tery se désintéresse assez des conflits idéologiques. Pour elle, les deux camps ont des arguments valables, ils comportent tous les deux des personnes de valeur, et puisqu'elle a été ramenée en tant qu'Elue à la manière divine, bah, elle ne va pas chipoter et fera avec. Si toutefois il y a attaque de certains lieux considérés comme sacrés aux yeux des Veilleurs, ou de l'agressivité bien réelle envers les populations sous leur garde, elle défendra avec autant de férocité qu'il le faudra.

Objectifs: Rester en vie et profiter de cette dernière. Repousser les envahisseurs planaires. Et...Tery rêve souvent d'arriver un jour à explorer le plan de l'air.



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Ruminations.




Les étoiles apparaissaient, ténues, sur l'horizon mêlé de pourpre et feu. Les derniers nuages filaient vers l'Est, poussés par un vent rude et froid.

Silhouette solitaire, la cavalière restait immobile au bord de la haute falaise tandis qu'à ses pieds se déroulait le sentier rocailleux, abandonnant ses dernières traces de verdure pour un brun terne. Inquiet, l'écureuil qui patientait non loin des sabots du cheval finit par se revenir en bonds rapides vers sa maîtresse, escaladant à toute vitesse et de manière désordonnée les pattes de l'imposant animal. Ses couinements impatients étaient le seul bruit qui se faisait entendre, les hauteurs alentours étant plongées dans un silence lugubre.
Teryana, mine lasse et yeux baissés vers la vallée qui lui faisait face examinait la route déserte. Ses pieds la faisait souffrir, ainsi que d'autres parties de son anatomie, situation que connaissaient bien les cavaliers après une longue journée passée à cheval. Trop de bonds vers le sol dans cette même journée, avec des réceptions variées allant du sol mou et spongieux dans lequel les chevilles s'enfonçaient et les orteils s'imbibaient, jusqu'aux creux remplis de gravier traître pour l'équilibre. Son équipement de tissu ne la protégeait guère des bosses et des coups, le tout rajouté à une malchance certaine, l'avait amené ce soir-là à une franche morosité. Elle était fatiguée et in-habituellement déprimée.

Les derniers temps avaient vu se multiplier une série de mauvaises rencontres avec des individus désagréables et un fort sentiment d'injustice.

Injustice à se retrouver là, pion d'une bande de rigolos divins qui l'avait privée d'un espoir de paradis confortable. Lassitude à repousser encore et encore des créatures hostiles. Montée de rage devant l'ingratitude de certains combattants soignés par sa magie et sa bonne volonté désintéressée. La moutarde lui montait au nez au souvenir de certaines paroles dédaigneuses, elle qui avait tant fait pour essayer de sauver de la mort des aventuriers isolés et dont certains s'étaient montrés de vrais ingrats. Désormais elle passait comme une flèche, à droite, à gauche, invoquait les bienfaits de Tavril, mais ne cherchait surtout pas à engager la conversation. Son humeur joyeuse s'était mise en suspens.

Telara se révélait une contrée hostile et malheureuse pour la mage. Des semaines à explorer et vagabonder dans l'île de Braise avaient apportés leur lot de brûlures cruelles et c'est en clopinant et en se cachant que Tery parcourait les abords du volcan central.

Petit à petit, les retours à Sanctum entraînèrent de timides séances de prières. Mal à l'aise, la jeune femme se dissimula derrière des groupes de pèlerins pour s'agenouiller devant le cristal central. Elle rechercha la bénédiction de la messagère de Tavril avant chaque bataille et au retour de chaque épopée, plongeant dans un rituel rassurant. A d'autres moments, lorsqu'il lui arrivait de trouver de petits recoins tranquilles, elle renoua avec les prières. Sans doute l'influence de Gahil, se disait-elle pour essayer de prendre la chose à la légère. C'est ainsi qu'un observateur discret aurait pu l’apercevoir de ci, de là, curieusement discrète, loin des regards des Telariens.

Les nouvelles des proches étaient fragmentaires. L'avenir incertain. Et si les Veilleurs avaient tort et les Renégats raison? Et s'ils étaient tous en train de faire une énorme erreur?
Puisque rien n'était tout noir ou tout blanc, où donc une Elue Gardienne devait-elle trouver sa motivation?

Teryana fixa quelques instants encore les étoiles, puis éternua. Mornelande. Décidément, cet endroit laissait la porte ouverte aux idées noires. Elle savait au moins une chose: sous ses doigts, la Magie pouvait être là. Et parfois elle pouvait sauver le voyageur solitaire. Pour l'instant cela suffirait.

De cause à effet.


- Saale traîître! Pourriture d'Eeelfe! Tu m'le payeraaaas!...

Sous un ciel bleu sans nuages, seules quelques mouettes tournoyaient. De longues planches brisées jonchaient l'îlot, restes d'un caisse d'une certaine importance. Au loin, le petit bateau poursuivait sa route en vue du port de Fort Zarnost. Des querelles de mages pouvaient parfois donner lieu à des situations assez cocasses, comme pouvait en témoigner Teryana. Les matelots, d'abord embarrassés d'avoir perdu une partie de leur cargaison lors de la collision avec le monstre marin, riaient à présent de bon coeur, comprenant enfin la cause de ces étranges tractations à Sanctum avec un Elfe pressé de faire partir son colis, allant jusqu'à payer une jolie petite somme s'il était déposé dans l'île de Braise. Bon, ils n'avaient pas eu le temps de faire acheminer la caisse jusqu'au coeur de la jungle, mais finalement, le spectacle restait assez comique.

Tery s'assit finalement sur le sable, bras croisés et empestant le varech. Evidemment, ses poches étaient vides, plus de composants, plus de baguette ou bâton, ni même une petite piécette. Au fond, elle regrettait un peu de s'être emportée à Sanctum sur Thyrreln, son confrère arcaniste. Mais plutôt mourir que de réapparaître repentante et la mine basse devant LUI, sourire au lèvres, avec cet air hautain. Il était "possible" qu'elle soit parfois un tantinet dangereuse avec ses amis. Il "pouvait" arriver qu'un sort parte de travers, purement par hasard, ou qu'un élémentaire de roche trop pesant fasse s'effondrer un plancher surplombant le laboratoire du collègue, lequel se retrouvait un bras en compote. Enfin, ce n'était que des détails devant la vie en Telara! Qui savait ce que l'avenir pouvait vous réserver...une horde de Capricieux devant votre porte, un tir de catapulte sur le champ que vous traversiez, ou même une intoxication alimentaire...!

Elle se redressa, fit un petit tour d'horizon pour évaluer les environs (mer plate, vent marin, lâché de guano-surprise...), puis serrant les dents, se jeta à l'eau dans une grande gerbe iodée. La nage n'était pas son fort, mais la pensée des très (trop) nombreux poissons carnivores, poulpes tentaculaires ou autres sirènes d'Akylios donnaient un puissant regain de courage pour battre des pieds et des bras en direction du port. Sous la pression de l'eau, une botte fila vers les profondeurs ( 'tu m'rembourseraaaas!), un reste de méduse violacée brûla brièvement le dos de la nageuse ('gnn..hhiiii....), les vagues défilaient à une lenteur exaspérante tandis que le rivage se rapprochait petit à petit. Replongeant le nez sous l'eau dans un effort d'accélération, Teryana ne put s'empêcher de grimacer un sourire devant le ridicule de la situation (une mage à la meeeer). Bien mal lui en pris, ce fût un rocher qui stoppa brutalement sa course.

A la surface de l'eau, seules quelques petites bulles s'élevèrent, puis plus rien...