Changement de Propriétaire.

**Jhaëlyna** Lun 29 Aoû - 16:04

L'échange.
Début d'après midi au Café des Affranchis, Rivage de Fortune.

Le village semble désert écrasé sous le poids des rayons ardents dardé par un soleil impitoyable. L'air lourd et oppressant enveloppe les membres dans une chape de chaleur bouillonnante aspirant l'humidité des corps. Même l'estuaire paraît assoupi, pas la moindre vague, ondulation, une mer d'huile tiède, lisse et dormante.

Dans la relative fraicheur de l'auberge, Suren Kokedai essuie d'un mouvement las et machinal les chopes déjà propres et sèches depuis longtemps. Son regard morne contemple le lieu presque vide où les clients à demi-assoupis sur les coussins sirotent leurs boissons sans parler. Seul le bourdonnement des insectes vient briser le silence pesant. Avec un soupir de dépit il se tourne vers la Kélari taciturne accotée au bar. Depuis son entrée, elle n'a prononcé qu'une phrase "Un thé à la menthe, Merci." Puis sortant un livre de sa besace, elle s'y est plongée. Ce n'est pas la première fois qu'elle s'arrête ici. Une fois par mois, elle arrive avec la Caravane. Elle fait partie du clan Akh-Dhur. Évidemment, ce n'est pas elle qui lui a dit. Elle ne lui a jamais adressé plus que ces quelques mots nécessaires à sa commande. Mais dans un petit village à la croisée des routes marchandes, les caravaniers sont vites connus et reconnus de tous.

Avec un nouveau soupir, il s'approche de l'étrangère. Il désire parler, se soulager de ses tensions internes et il ne souhaite aucunement livrer sa dépression aux villageois. Il les connait, les voit chaque jour ou presque. Non, ce n'est pas à eux qu'il veut dévoiler les affres de son âmes.

- Quelle chaleur, vous ne trouvez pas ?

Lentement l'elfe renégate relève la tête de sa lecture et plonge son regard bleu mauve sur l'aubergiste. Elle le regarde avec une froide indifférence sans rien dire. Il hésite, mais le besoin de se libérer trop puissant le pousse à continuer.

- Cette température, associée aux dangers ... pas bon pour les affaires.

Encore une fois un soupir, à fendre la pierre,lui échappe. La cliente quant à elle reste distante, sans prononcer le moindre son. Elle continue à l'observer.

- Vous savez quand j'ai repris l'affaire. Je pensais sincèrement que ça marcherait. Rivage de Fortune est sur une route commerciale. Nombre de marchandises et de commerçants y transitent pour leur affaires. Sans parler des aventuriers de tous bords. Mais s'était sans compter ...

Lentement, il rapproche son visage de celui de la créature bleutée, puis dans un murmure de conspirateur et non sans avoir regardé que nul ne soit à portée-d'oreilles, il poursuit.

- Les taxes ...'fin j'appelle cela les pots-de-vins plutôt. Tous pareils que ce soit l'Alliance des marchands à qui il faut payer le droit d'en faire partie ou Kaseem Owan le superviseur et ses licences pour vendre. Sans parler du coût des marchandises. Avec la pénurie due aux combats incessants. Mais vous savez de quoi je parle, vous êtes sur les routes avec la Caravane...
Depuis que je suis là, je m'échine nuit et jour dans ce trou pour faire vivre ma famille et j'y arrive plus. J'en ai ma claque ...

- Vendez moi votre taverne.

- Pardon ?

- Oui, je vous rachète ce local. Qu'avez vous à perdre. Vous le dites vous même, vous n'avez pas de clients, les impôts et taxes sont exorbitants, le prix des marchandises ne cesse d'augmenter. Votre vie est devenue un enfer. Alors vendez !

- Mais ... mais ..

- Vous pourrez rester à travailler ici. Un emploi payé à la fin du mois, des horaires fixes et plus les contraintes de la gérance.

Après un moment de réflexion, l’aubergiste étudie les quelques consommateurs avachis, puis fait signe à l'acheteuse potentielle de le suivre à une table.
Ils restent assis de longues heures à palabrer. Suren a le temps de vider une bouteille entière de jus de cactus fermenté. En début de soirée, il reprend sa place derrière le comptoir, le sourire aux lèvres. L'alcool y est peut-être pour quelque chose.

Quelques jours plus tard, un certain nombre de Caravaniers ne reprennent pas la route avec leurs compagnons. Ils s'installent dans le village, achètent des maisons. D'ailleurs, ils sont à présent tous les jours au Café. Les rumeurs vont bon train quant à leur entente avec l'Alliance des Marchands et avec le Superviseur pour l'acquisition de l'Auberge. Mais ce ne sont que des oui-dires, la seule chose qui paraît certaine est qu'ils sont les nouveaux propriétaires du Café Affranchi.